« Cette affreuse bonne femme est la pire prof de Défense contre les forces du mal qu'on n'a jamais eu ! » grogna Catherine en rangeant ses affaires de cours, les gestes saccadés par sa rage.
Le professeur Ombrage venait une fois encore de leur refuser des travaux pratiques malgré la concertation des élèves de Serdaigle et l'exposé d'arguments pourtant pleins de bon sens.
Mais la petite sorcière les avait balayés d'un revers de la main et d'une répartie difficilement entendable pour les érudits : « Des gens bien plus intelligents que vous ont convenu que cette méthode était la meilleure » ?
Irina n'était pas totalement d'accord avec son amie ; en effet Ombrage était détestable ; elle fouinait son petit nez dans les affaires de tous, élèves comme professeurs et leur prodiguait des cours insuffisantes. Cependant, le souvenir du professeur Maugrey l'année dernière existait encore très vivement dans l'esprit de la jeune Lestrange. Cet affreux personnage, avec son œil magique et ses allusions à peine voilés à la vie de crimes de son père et ce, devant l'entièreté de ses camarades l'avait tout bonnement traumatisé.
Se retrouver face au bout d'une baguette lui procurait des sueurs froides.
Ses camarades ne semblaient pas saisir la dangerosité ni l'horreur des sorts pouvant en sortir.
Ils se plaignaient de ne pas pratiquer, de ne pas se retrouver face a des maléfices dont il faudrait se protéger. Mais Irina était soulagée. Oui ces cours étaient d'un ennui mortel ; le livre fourni par le professeur Ombrage était d'une simplicité offensante et le ton de la sorcière d'une monotonie rivalisant avec celle du professeur Binns.
Mais au moins, Irina ne ferait jamais face de nouveau au sortilège Doloris ; et Merlin qu'elle en était reconnaissante.
Les autres professeurs de Poudlard étaient inspectés un à un, cependant les élèves de 4-ième année ne revirent pas Ombrage faire un esclandre et perturber les cours ; préférant inspecter ceux des années supérieures. Catherine passait beaucoup de temps sur le terrain de Quidditch à encourager les joueurs de Serdaigle ; ou plutôt à encourager l'un des batteurs. La jeune Brune avait eu un vrai coup de cœur pour le 7-ième année Jeremiah MacKenzie ; l'ossature puissante et le début de pilosité faciale du jeune homme attiraient toujours plus de jeunes admiratrices ; de quoi grossir les rangs des supporters.
Si Irina avait rejoint ses amies à la première séance, elle s'était vite rendu compte que la beauté du garçon ne justifiait pas qu'elle se gela les doigts ou mette de côté ses recherches. Catherine n'était pas seule et bien trop occupée à distraitement s'imaginer dans les bras de ce quasi-adulte sans avoir aucune envie de briser ce fantasme en lui avouant son attirance.
La chimère du désir amoureux était courante et Irina la jugeait sans danger, il n'y avait pas de mal à s'imaginer au bras d'un merveilleux jeune homme doté de toutes les qualités en lisant des livres à l'eau de rose ; en attendant d'être prête à réellement côtoyer leurs pairs ; les jeunes étudiantes se rêvaient héroïnes d'une histoire d'amour passionnelle.
Si ce trait semblait plutôt féminin, Irina était persuadée que des garçons devaient s'adonner aux mêmes activités compte tenu des admirateurs des joueuses de Quidditch de toutes les équipes.
Le regard relevé de son livre de métamorphose, Irina observait la pluie cinglant les carreaux de la bibliothèque et venant obscurcir les lieux. Elle était bien contente de se trouver entre les quatre murs chauds et surtout secs du repère de Mme Pince tandis que ces amies se battaient contre les torrents d'eau tout ça pour regarder des garçons se démener sur des palais.
Précautionneusement, Irina se replongea dans son ouvrage, prenant cérémonieusement des notes sur un parchemin vierge et parsemé de sa petite écriture en pattes de mouche.
Les apprentis Animagus devaient en amont se déclarer auprès du ministère de la magie ; si la plupart des demandes étaient approuvées, la possession d'un casier judiciaire à charge de condamnation pouvait jouer en la défaveur du demandeur et conduire au refus de sa demande. Être un Animagus illégal était puni moyennement sévèrement, mais des délits réalisés sous sa forme d'animal pouvait aggraver le cas du sorcier réfractaire. À part ces informations purement factuelles, aucun livre ne traitait du processus de transformation en Animagus et Irina préférait ne pas se référer aux rumeurs et mythes autour de la pratique.
Certains parlaient de rituels sacrificiels tandis que d'autres optaient pour l'ingurgitation d'une mixture particulièrement immonde. Irina quant à elle pariait que la réponse se trouvait entre ses deux extrêmes ; il lui semblait indéniable que le sorcier aspirant devait être familier voir très familier avec la métamorphose, il lui fallait savoir se transfigurer en n'importe quel animal afin de connaitre sa vraie forme d'Animagus ; il devait connaitre l'anatomie humaine et animale sur le bout des doigts. Irina allait donc encore revoir ses nombreux croquis d'animaux marins et terrestres déjà réaliser l'année dernière après la prouesse de transfiguration de Viktor Krum en demi-requin.
Bien à l'abri entre les murs de la grande bibliothèque de Poudlard, Irina se rêvait Animagus, se transformant à volonté en plein saut en un animal étonnant : une panthère, un lion ou un aigle a l'envergure prodigieuse. La jeune sorcière se rêvait spéciale, que sa différence joue en sa faveur.
En pleine réflexion une légère pression sur son épaule la fit presque sursauter.
Un garçon se tenait à ses côtés, une écharpe de Poufsouffle négligemment posé autour de son cou pâle.
- Excuse-moi c'est bien « Métamorphose et Magie du continent africain par Myranda T » que tu as là ?
D'un geste du doigt, il désigna le troisième livre de la pile de la jeune Lestrange.
Comprenant la demande à demi-mot, Irina extirpa l'ouvrage de sa précaire tour pour le tendre au garçon.
- Merci, je suis Aaron Miles, juste que tu le saches...
Irina lui retourna un regard étonné, mais ne déclina pas son identité.
Le garçon se mit à rougir de plus belle, s'emmêlant presque les pieds, il recula vers sa table de travail où l'attendait ses camarades qui observaient avec attention la scène.
Irina retourna à sa lecture, mais ne put totalement sortir le garçon de son champ de vision, Aaron s'était assis, ses amis lui frappaient rudement les épaules pour lui insuffler du courage.
Mais il n'ouvrit pas le fameux ouvrage prêté par la jeune Lestrange.
La semaine qui suivit l'énervement de Catherine se faisait de plus en plus palpable, à peine avait-elle passé le seuil de la salle de DCFM qu'elle se mettait à râler sans discontinuer.
C'est dans ce besoin presque viscéral que Catherine s'était mis à chercher des moyens d'apprendre à réellement se défendre.
Catherine avait depuis l'année dernière, en apprenant qu'à Durmstrang se déroulait des ateliers de duel et des tournois, soufflé l'idée au professeur Flitwich, cependant le directeur de la maison Serdaigle n'avait pas donné une suite favorable à cette demande.
Ainsi, lorsque que Catherine était revenue en trombe dans la salle commune de Serdaigle et avait tiré Irina pour qu'elle la suive à l'écart ; la jeune Lestrange ne fut pas étonnée de ce qu'elle lui révéla.
Elle avait surpris des élèves de Gryffondor parler d'une initiative de défense, Harry Potter et plusieurs autres élèves allaient se rejoindre lors de la première visite à Préaulard de l'année à la Tête-de-Sanglier pour créer un club. Catherine trépignait à l'idée d'intégrer un tel groupe, de quoi déjouer les directives répressives du ministère de la magie.
Car si Catherine ne parlait pas de l'impératif d'apprendre à réellement contrer les maléfices, Irina savait que son amie était terriblement angoissée par la situation.
Nourri du récit de ses parents, elle ne pouvait se resigner à se retrouver aussi impuissante que sa mère l'avait été si les forces du mal venaient à nouveau gangréner la société ; son historique familial de sang-mêlé la plaçait en seconde ligne si une purgation devait à nouveau se dérouler.
Encore une fois, la sensation d'être responsable de l'insécurité de son amie l'a pris ; enfin pas elle Irina, plutôt la deuxième partie : Lestrange.
Le soir même, Catherine convoqua les camarades de chambrée pour leur exposer ce club, Maggie et Lucie déclinèrent ; l'une pensait Harry Potter fou et ne voulait pas l'approcher tandis que l'autre avait club de sortilège avec Flitwich et ne désirait pas s'alourdir de travail.
Catherine avait alors balayé la chambrée jusqu'à croiser le regard d'Irina.
Mal à l'aise de la situation, Irina consentie à accompagner son amie à cette fameuse réunion, par souci de solidarité.
La première sortie à Préaulard promettait de l'amusement, comme les autres années, Irina et Catherine passèrent par la boutique Honeydukes pour se refaire un stock de bonbon, enfin, Catherine acheta deux paquets et en tendit un à son amie.
Au fond de sa bourse, Irina ne conservait qu'un Gallion et une dizaine de mornilles et de noises.
Les deux jeunes filles se promenèrent sans but entre les boutiques, gardant toutefois un œil sur l'heure pour ne pas manquer le rendez-vous si secret.
Alors que l'après-midi fusait, Irina et Catherine durent se rendre à l'évidence : elles ne savaient pas où se trouvait la tête de Sanglier. Le temps jouait en leur défaveur, les deux Serdaigle se retrouvèrent à courir entre les rues pour finalement trouver le bar en question.
À court de souffle les deux amies s'arrêtèrent face au bâtiment austère et surtout décrépi.
Le pub la tête de Sanglier ne payait pas de mine, l'édifice était isolé loin de l'artère principale du petit village, les fenêtres obstruées par ce qui semblait être de la poussière ou de la suie ne laissaient apparaitre que des formes floues à l'intérieur. Anxieuses, elles passèrent le seuil en un craquement sinistre.
À l'intérieur, les quelques tables étaient occupées par l'archétype du sorcier louche, encapuchonné ou emmitouflé dans des tissus sombres.
Heureusement, elles virent de jeunes étudiants de Poudlard parés de leurs capes faire des allers-retours au comptoir pour acheter des boissons et s'engouffrer dans une petite salle au fond.
Gênées, Irina et Catherine saluèrent le barman, un homme vieux a l'air bourru qui leur répondit par un signe de tête silencieux ; Catherine commanda une bière au beurre et une limonade.
Irina extirpa de sa bourse la monnaie pour sa boisson et les deux amies rejoignirent le groupe d'étudiant, seule source de bruit dans le pub sinistre.
Dans la petite salle aux murs constellée de traces d'humidité, Harry Potter et une vingtaine d'adolescents étaient rassemblés.
Tous buvaient en silence leur boisson en attendant que le survivant prenne la parole.
Harry semblait un peu mal à l'aise, bien qu'il soutînt le regard des adolescents, il se balançait d'un pied sur l'autre en se tordant les mains avec force.
Irina et Catherine s'assirent au fond de la salle à côté d'un grand garçon à l'uniforme de Serpentard. À l'autre bout de la pièce, Irina reconnut l'étrange adolescent de la bibliothèque : Aaron Miles lui faisait des petits signes de la main pour la saluer.
À peine assise qu'Irina sentit les regards sur elle, depuis l'évasion massive d'Azkaban l'été dernier son nom semblait avoir regagné quelques places dans les préoccupations des étudiants.
Heureusement pour elle l'engouement médiatique avait hissé Harry Potter bien au premier plan lui permettant de rester encore inconnu des adolescents peu soucieux de l'actualité.
Mais dans cette salle ne se trouvait que des jeunes en recherche de défense, inquiet par la situation politique et de la menace que représentait les mangemorts.
Harry Potter se racla bruyamment la gorge avant de commencer la réunion.
Il expliqua la raison de ce rendez-vous, répondit aux nombreuses invectives des élèves le pensant fou à lier.
« Pourquoi venir si vous le pensez fou ? » pensa Irina en soufflant avec force après la cinquième invective de Zacharias Smith.
Le grand Serpentard surprit le regard las de la jeune Lestrange et lui cracha dessus haut et fort.
- Qu'est-ce que tu fais là Lestrange ? Tu veux te défendre contre ta tante ?
Le silence qui suivit emplit de malaise la petite pièce, Irina ne lui fit pas le plaisir de répondre et elle put voir le sourire goguenard du garçon se tarir en ne voyant pas sa cible répliquer.
Harry Potter, sous les demandes de son public, fit un récit succin, mais glaçant du soir de la mort de Cédric Diggory et du retour de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.
La curiosité malsaine des adolescents rassasiée, Hermione Granger put énoncer son idée de club.
- Nous avons besoin de réellement apprendre, et pas seulement dans les livres. Harry s'est déjà battu contre lui à de multiples reprises, il sait conjurer un patronus, il saura nous apprendre ce que le ministère de la magie se refuse de faire.
Galvanisé par les récits, les étudiants se levèrent pour signer de leur nom le parchemin qu'Hermione tenait en main.
- Nous vous demandons de ne pas ébruiter l'information, cette liste servira juste de mémo pour se souvenir de ceux qui sont venus à cette réunion.
En rang, les adolescents apposèrent leur signature sur le parchemin, ils lançaient des regards pleins d'entrain et de promesses à Harry Potter.
Cependant Irina restait indécise, signer c'était laisser une trace de son passage dans cette réunion, c'était poser un pied sur la ligne de la loyauté familiale et morale ; c'était prendre un risque inutile.
Mais Catherine l'avait déjà emmenée au-devant de la foule pour signer son engagement.
La brune apposa rapidement sa signature, un air de défi dans les yeux, d'un signe de tête elle salua le trio et retourna s'assoir. À sa suite Irina se retrouva face au parchemin déjà constellé de tâches d'encre et des signatures de ses camarades.
Ron Weasley qui tenait le parchemin le retira de la table en lui lançant un regard lourd.
Lestrange n'était pas un nom banal, c'était un nom empreint de magie noire.
Honteuse face aux yeux bleus orageux du roux ; Irina s'apprêtait à rebrousser chemin : s'en aller et ne plus jamais repenser à cette réunion.
Mais Hermione Granger sembla voir le trouble de la jeune fille, elle arracha des mains de son ami le parchemin et le reposa sur la table à côté de la plume prête à usage, avec un sourire.
Réconfortée par la compassion d'Hermione, Irina nota son nom et sa signature à la suite.
« Irina Lestrange ça fait tache au milieu des autres noms » pensa-t-elle en observant quelques lignes plus haut le nom de Neville Londubat.
Il ne fallait pas qu'un jour son père découvre cette liste.
Elle pouvait encore se convaincre n'avoir signé qu'un mémo pour un atelier de défenses entre élèves, mais la situation politique promettait des étincelles.
Catherine caressa le dos de son amie et lui servit un sourire radieux.
Irina répondit par un étirement des lèvres sans conviction.
Au creux de son estomac, elle ressentait une peur viscérale, la terreur de se retrouver de l'autre côté d'une baguette. Mais en Catherine elle pouvait avoir confiance, de plus personne n'allait apprendre des sorts trop dangereux ; cet atelier allait bien se passer.
Le lendemain matin ; le professeur Ombrage venait de promulguer un nouveau décret, l'interdiction pure et simple de tout rassemblement d'élèves.
Cela ne pouvait être une coïncidence, Ombrage savait que des élèves voulaient se battre contre la main mise du ministère sur Poudlard.