Heureusement pour Irina, son père ne l'avait pas questionné sur la provenance de la bourse ni de l'argent qu'elle contenait.
La jeune fille se doutait que Rabastan n'était pas dupe mais préférait faire croire son indifférence pour ne pas se retrouver face au fait accompli : il n'était même plus capable d'acheter à sa fille des vêtements.
Irina montrait donc toute sa reconnaissance à sa tante et son oncle, pour Narcissa la tâche était simple : se laisser coiffer et habiller comme une poupée.
Si enfant, ces activités l'avaient mise mal à l'aise, au fur et à mesure de son entrée dans l'adolescence, se faire pomponner lui plaisait.
Pour Lucius, Irina ne pouvait trop rien faire, son oncle et elle n'avaient jamais été complice et le remercier chaudement était la seule chose qu'elle pouvait faire.
Sa valise bouclée au pied de son lit, Irina attendait impatiemment les 11h de l'horloge pour enfin retourner à Poudlard.
Là-bas elle y retrouverait un vrai lit confortable, du mobilier adapté à ses besoins, des amies, des occupations ainsi qu'un tournoi millénaire qui promettait des rebondissements.
Irina dévala les marches de l'escalier au rythme de la lourde horloge qui annonçait l'heure du départ.
Habillé de frais d'une robe neuve et cintré la jeune fille attendit son père dans le petit vestibulle.
Rabastan finit par la rejoindre avec la mine d'un homme qui venait de se lever.
Le visage ridé et figé comme du papier mâché, une barbe de 3 jours poivre et sel lui mangeant les joues et des yeux bouffies et endormies ; Rabastan paraissait mal en point.
A une dizaine de pieds, Irina arrivait à sentir l'odeur d'alcool émanant de son père, il empestait véritablement et tout son corps était en train de décuver.
Rabastan ne devait pas l'accompagner, ses amies et leurs parents risquaient de voir l'état de son père et, même pour une jeune fille n'ayant jamais consommé d'alcool comme elle, l'alcoolisation de Rabastan la veille au soir était parfaitement reconnaissable.
L'homme se laissa lourdement tomber sur le banc dans l'entrée pour passer ses chaussures, il peinait à nouer les lacets et grognait de manière incompréhensible.
Irina se tenait, honteuse à côté de cet homme, toute prestance envolée, se débattant avec les boutons de sa veste en passant une main gourde sur son visage pâle.
- Père, vous n'êtes pas obligé de m'accompagner ... Je suis grande maintenant, vous m'avez montré le chemin de nombreuses fois, je peux me débrouiller.
Ponctuant sa proposition, la jeune fille attrapa sa valise et se dirigea vers la cheminée dans le salon vide.
Rabastan mit un certain temps avant de réaliser les paroles de sa fille, il se leva, secoua la tête vigoureusement pour ramener un peu de vie dans son visage et lui dit d'un ton décousu.
- Oui c'est vrai tu es grande... Bon retour à Poudlard alors.
D'un pas lent il passa devant elle, grimpa les escaliers pour retourner à sa chambre.
Irina était déjà dans l'âtre et jeta d'un coup sec sa poudre de cheminette avant de disparaitre un une flambée.
Malgré son appréhension de faire le voyage seule, son trajet dans les cheminées se passa sans encombre.
Elle avait bien veillée à garder les narines et la bouche close, pour ne pas risquer de s'étouffer et, à dissimuler ses vêtements neuf sous sa cape usée pour ne pas les salir avec de la suie.
Comme toujours elle ressentit une légère nausée mais dût rapidement libérer l'âtre car d'autres personnes arrivaient déjà.
Le quai surplombant les rails du train était bondée en cette matinée de rentrée scolaire.
Irina Lestrange bomba le torse. Profitant pour la première fois de ce sentiment d'allégresse d'être seule, comme une adulte, là où ses camarades recevaient les dernières mises en gardes.
Elle avait définitivement fait le bon choix, face à la lumière et au bruit ambiant, l'irascibilité naturelle de son père n'en aurait été que plus meurtrière. Et au moins il n'embaumerait pas le quai rempli d'enfant d'une forte odeur de whisky.
Irina, presque guillerette slalomait entre les passants pour déposer son bagage avec les autres et partie en quête d'aventure sur le quai.
Les autres années elle attendait toujours son père et ne pouvait définitivement pas vagabonder dans la gare moldu ou sorcière. Un coup d'œil à l'horloge lui assura 20 min de découverte avant de devoir se résigner à regagner le train rouge écarlate en direction de l'école.
Pour la première fois de sa vie, Irina Lestrange passa le mur séparant la voie 9 ¾ de la gare de King Cross. Pour être sûr de ne pas être repéré, elle avait fourré sa cape dans son sac pour ne garder qu'une sobre tenue qui aurait pu convenir à un habit moldu -enfin selon ses suppositions typiquement sorcières-.
La gare Moldu était noire de passants et au moins aussi bruyante que celle sorcières, des trains sonnaient le dernier appel pour les retardataires ; de petites échoppes encadraient les voies pour vendre friandises, journaux et souvenirs en tout genre de la ville de Londres.
En s'approchant, Irina découvrit de petites reproductions de bâtiments : Big Ben, le parlement Anglais, Buckingham Palace... Que de lieux qu'elle n'avait jamais vus ni même entendu parlé. Peut-être serait-il intéressant qu'elle jette un œil à la ville moldu à sa prochaine escapade d'adulte.
En pleine réflexion, elle ne vit pas une ombre glisser derrière elle et lui abattre violement deux mains sur les épaules. Catherine venait de la faire sursauter et l'enlaça de ses bras.
- Tu ne m'as pas entendu t'appeler ?
Avec le bruit ambiant, même si la brune avait été collée à son oreille elle n'aurait pas été sûr de comprendre distinctement ses paroles.
- On est presque en retard ! la pressa Catherine en la ramenant fermement vers le mur séparant la voie 9 et 10.
Les parents de la jeune fille saluèrent Irina avant de s'engouffrer avec toutes une tripoté de petites filles sur le quai sorcier.
- Il est où ton père ? demanda Catherine une fois le voile magique passé.
- Je suis venu seule ! répondit-elle, un soupçon de fierté dans la voix.
Son amie répondit par une moue impressionnée avant de jeter un œil fatigué vers sa fratrie en train de se chamailler.
Les parents tentaient de remettre de l'ordre dans les 3 petites filles qui désiraient courir en tous sens bien trop prêt des rails à leur gout.
Catherine fit les présentations bien que la ressemblance entre les filles et leur mère était évidente.
- Je te présente Jade 10 ans, Manon 5 et Louise 3.
Tour à tour les fillettes firent un salue de la main.
La plus petite se jeta dans les genoux de sa sœur et baragouina des jérémiades moitié en français moitié en anglais dont Irina ne comprenait que le « Veux pas » insistant.
Louise semblait bouder et refusait de lâcher sa grande sœur qui devait retourner à Poudlard.
Délicatement, la mère détacha sa benjamine des jupes de son ainée pour loger l'enfant dans son cou.
- Aller ma puce, laisse ta sœur. Elle reviendra bientôt tu le sais. Susurra doucement Mme Leroux pour calmer l'enfant qui se mit à sucer son pouce avec force de réconfort.
Le père embrassa sa grande fille suivit par toutes ses sœurs.
En français Catherine alpagua sa sœur cadette qui ne paraissait pas si désolé que ça de la voir partir et qui arborait un sourire enchanté.
Une fois dans le train, Irina demanda à son amie la teneur de l'échange à voix basse et surtout dans une langue étrangère à sa sœur.
L'air grave, Catherine planta ses yeux dans ceux de son amie.
- Je lui ai promis que si elle prenait encore ma chambre pour sa salle de jeux je me procurerais une potion de furoncle que même maman et ses connaissances ne pourront enlever !
Dans le wagon du Poudlard express, amis et ses amies se partageaient des sucreries données par leur parents. Au bout de tant d'années consécutives à se faire nourrir par ses camarades, Irina n'éprouvait plus de honte à piocher -en restant parcimonieuse- dans les réserves de ses camarades ; elle suspectait même que celles-ci demandaient à leurs parents une double ration pour couvrir cette bouche supplémentaire.
Le retour à Poudlard permis à Irina de manger un vrai bon repas.
Sa voracité d'adolescente retrouvée, la jeune fille étonna par sa propension à engloutir sans presque respirer.
Catherine lui remplissait son verre d'eau et lui intimait de boire entre chaque assiette.
- Mais il ne te nourrit pas ou quoi ton père ? s'enquit cette dernière en lui faisait passer pour la deuxième fois le plat de purée.
- On va juste dire que chez moi on n'a pas d'aussi bon cuisiniers... répondit timidement Irina en sentant les regards de ses camarades sur elle.
Ce n'était surement pas le moment idéal pour parler de ses repas frugaux ou bien du dénuement de sa famille, surtout pas dans la grande salle entourée de jeunes de son âge.
Mais les autres n'en avaient rien à faire d'Irina Lestrange, ils avaient leur propre vie à gérer et d'autre sujets de discussion bien plus intéressant comme la troisième et dernière épreuve du tournoi qui devait se dérouler dans 2 mois.
La reprise des cours ne plaisait pas à tous, surtout à ceux qui n'avaient pas eu le temps de terminer leurs très nombreux devoirs.
Le matin même de la reprise, un branle-bas de combat s'était aménagé dans la salle commune des Serdaigle ; par niveau, les élèves copiaient assidument sur leur camarade pour pallier ce manquement qui leur vaudrait à tous les coups des retenues. Car, si la menace des points pour la coupe des 4 maisons n'était plus d'actualité cette année, les heures de colles semblaient les remplacer.
Les préfets fermaient les yeux sur cette « entraide » organisé à la va-vite.
Catherine était attablée à un immense bureau, ses cours jetés devant elle pour tenter de piocher des informations un peu partout. Pour une fois, elle s'était levée bien avant ses camarades et de lourds cernes de sommeil obscurcissait son visage qui resplendissait encore de ravissement la veille au soir.
En voyant ses amies prête à partir déjeuner, Catherine se jeta devant elle et, un sourire mielleux aux lèvres.
- Les filles j'aurais vraiiiimeeent besoin de vos devoirs en métamorphose et en runes.
Maggie ronchonna mais sortit tout de même son devoir de son sac pour le tendre son amie.
- Fallait demander hier soir. Et cette fois ci n'oublie pas de faire quelques erreurs.
Catherine répondit par une silencieuse prière des mains et se mit aussitôt à la tâche.
Irina s'assit à ses côtés pour y déposer son devoir de runes.
Maggie et Lucie s'étaient déjà éclipsé pour déjeuner.
- Tu ne vas pas déjeuner ? l'interrogea Catherine le nez plonger dans ses devoirs. Ne reste pas ici pour moi.
- Je n'ai pas très faim ce matin.
- Vu comment tu as dévoré comme un ogre hier soir ça ne m'étonne pas !
Irina, pour détourner la conversation s'arma de sa plume pour pointer une erreur de recopie sur le devoir de son amie.
Celle-ci se justifia par « Il faut qu'il y ait quelques fautes sinon McGonagall me tombera dessus ».
- Pourquoi t'as pas fait tes devoirs ? demanda Irina à son amie en enfouissant sa tête entre ses bras pour fermer les yeux 5 min supplémentaire.
Catherine grimaça pour lui renvoyer un regard contrit bien qu'agrémenté d'un sourire gêné.
- J'aurais aimé te répondre que c'est parce qu'un truc horrible m'est arrivé mais je suis contrainte de te dire la vérité...
Afin de faire encore monter le suspens elle plaqua violement sa plume sur la table faisant se retourner tous les élèves assient aux tables environnantes.
- Je me suis trop amusée ! j'ai passé les vacances chez mes tantes avec mes sœurs et mes cousins, à Beaubâtons ils n'ont pas de devoir en avril et je n'ai clairement pas eu le temps ni le courage de m'enfermer pour finir les dissertations.
Irina roula des yeux pour cette amie su mélodramatique et la rabroua du coude.
- Arrête avec tes singeries et recopie plus vite !
Le professeur McGonagall récupéra tout leurs devoirs en début d'heures, Catherine avait bien fait de les recopier même à la dernière minute.
Au grand déplaisir d'Irina, l'enseignante n'aborda aucunes nouvelles notions et se contenta de reprendre les derniers cours d'avant les vacances.
Mais la jeune Lestrange n'en pouvait plus de cette attente.
Elle avait soif de découvertes.
Dans son sac reposaient les 3 livres que son professeur lui avait prêté, livres qu'elle avait lu avec attention ; répertoriant dans son cahier les notions nouvelles et intéressantes.
Le glas sonnant la délivrance des élèves permis à Irina de littéralement se jeter sur son professeur et déposer sur le bureau de son enseignante les précieux ouvrages.
Comme habituée, la femme montra moins d'étonnement que la dernière fois et ne jugea pas nécessaire de demander à son élève si elle les avait vraiment lues. Il ne faisait maintenant plus de doute de la dévotion de la jeune Lestrange qui, malgré son jeune âge avait toujours fait preuve d'un sérieux et d'une abnégation à toute épreuve.
- Professeur j'aurais une question. Qu'a utilisé Victor Krum lors de la seconde épreuve pour se transformer en requin ? demanda Irina en tachant de garder un ton clair et détaché.
Mais le professeur McGonagall n'était pas dupe et cela faisait un certain temps qu'elle voyait se profiler l'attirance de son élève vers la métamorphose humaine.
- Eh bien Mr Krum a réalisé une métamorphose partielle en requin. Comme vous l'avez remarqué « partielle » car seule la moitié supérieure de son corps a prit forme animale.
Le haussement de sourcil suffisant de son élève ne lui échappa pas et le professeur reprit.
- Ne croyez pas que je ne comprenne pas votre question. Victor Krum a fait preuve d'une métamorphose assez exceptionnelle pour son âge, bien qu'imparfaite elle lui a tout de même permis de respirer sous l'eau assez longtemps pour réussir l'épreuve mais Poudlard n'enseigne pas ce genre de métamorphose.
Face à l'air déçu d'Irina, le professeur McGonagall se sentit obligé d'un dernier avertissement.
- Je vous met en garde mademoiselle, la métamorphose humaine n'est ni chose aisée ni sans danger ; de grands sorciers se sont retrouvés à jamais altéré par une métamorphose raté et Mr Krum a bien de la chance de ne pas avoir eu de séquelles.
- Bien sûr professeur... Répondit poliment Irina en se redressant.
Les élèves du cours suivant attendaient bien en rang derrière la porte, leur chahut se faisait de plus ne plus bruyant offrant un Irina un motif légitime pour s'extirper de cette réprimande qu'elle trouvait injustifié.
- Mademoiselle Lestrange...Soupira le professeur. Je suis enchantée de l'intérêt que vous portez à mes cours ainsi que de votre évident appétit pour ce sujet. Je ne peux que vous mettre en garde ; vous êtes encore bien trop jeune pour entreprendre ce genre de métamorphose. Je ne peux que vous orienter théoriquement sur ces sujets en attendant de voir si perdure votre envie.
Cette fois-ci Irina répondit par un sincère sourire.
- Je vous remercie professeur.
Aussitôt la jeune fille partit au pas de courses dans le couloir pour rejoindre ses camardes de Serdaigle.
Le professeur McGonagall resta un long instant à fixer la place vidée de son élève.
La position d'Irina sur la métamorphose se précisait de plus en plus et elle avait rarement eu affaire à un enfant aussi singulièrement douée, son habilité semblant quelque chose de naturellement innée.
La jeune fille s'était d'abord contentée de la théorie le temps de se familiariser avec sa baguette puis ; n'avait jamais plus échoué à une métamorphose ; ses questions avaient toujours été pertinentes et caractérisaient un intérêt sincère et profond pour cette matière si mal aimé des jeunes écoliers.
Mais la magie n'était pas un pouvoir à prendre à la légère et la professeure expérimentée se devait de mettre en garde cette élève un peu trop entreprenante pour des notions bien trop élevées pour son âge et son niveau scolaire.