Sven Et Ingrid II

364-Arc Ashfeld : Acte LXXXII Petite Fille, Grande Fille

Elle en aurait pour une journée à s'en remettre et, la rage bouillante, maudissait allègrement, mais silencieusement, son bourreau.

- Ayya, porte-la. J'espère que pour aujourd'hui, et pour tous les jours à venir, elle aura compris la leçon. Il ne faudrait pas que je trouve du plaisir à lui cabosser l'arrière-train.

Ayya obéit.

Elle prit le chemin qui menait à Alamut, la grotte des combattantes. En chemin, elle glissait quelques mots d'encouragements à Kali qui, les yeux fermés, semblaient déjà en phase de récupération.

- Nafsia Shantae n'est pas méchante. Elle le fait pour ton bien.

Mon bien, mon cul ouais !

- Elle sait que tu fais beaucoup d'efforts. Bien plus que moi alors c'est normal qu'elle en exige davantage de toi, même si tu n'es pas sa Shajira.

Rien à foutre de ses attentes. Je n'ai jamais respecté personne. Pas depuis mes parents... Alors ça ne changera pas.

Elle l'amena à la tente de Shara puis l'allongea sur un amas de fourrure animal avant de lui appliquer de la pomme sur la zone qui piquait et de la recouvrir de draps une fois le traitement fini.

Kali s'endormit vraiment. Ce qu'elle avait réellement dans le coeur se mit à couler librement : Elle insultait Shantae, des mots pas très tendres. Ayya enrichissait certes son vocabulaire en l'écoutant mais la comédie de la situation prit le pas sur tout le reste. Elle en riait beaucoup.

- Tu en as mis du temps, Shajira Ayya.

Shantae était en position de médiation devant l'arbre millénaire. Ayya l'avait rejointe, plus tardivement qu'elle ne le croyait.

- Kali n'est pas un bon exemple en tout. Vois ce que tu peux lui envier, ce que tu peux délaisser également.

Ce qu'elle aurait à lui envier? Elle y réfléchit. Et ses mots prirent l'ascendant sur tout le reste.

- Je veux gagner, dit-elle timidement.

Elle crut d'abord que Shantae ne l'avait pas entendue. Elle avait parlé d'une manière si petite que c'était normal de croire que c'était le cas. Mais en regardant Shantae la dévisager avec insistance, elle comprit.

Ayya n'en ressentit nulle honte, loin de là. Il s'agissait plutôt d'une pâle surprise pour elle. Le désir de gagner.

- Kali est la plus forte des Shajira. La volonté ne suffira pas à la défaire. Tu as certes esquivé un Kali Kick mais tu te serais pris le second sans aucun doute.

- Oui... Maîtresse...

- Néanmoins, je dois te reconnaître une certaine force. Tes entraînements ont payé plus rapidement que les prévisions de l'autre insolente. Tu es une bonne voie pour devenir une bonne Nisa. Un jour prochain, très certainement, tu penseras fièrement à gagner. Ce ne sera plus une illusion.

La plus petite en sourit, très heureuse de tous les éloges et de tous les encouragements. Elle se sentait grandir. Bientôt, elle deviendrait plus grande que la plus grande, s'amusa-t-elle à penser. Les joues rosies de gêne, elle plaça ses mains en boucliers devant son visage.

Si quelqu'un avait vu à travers, ne serait-ce qu'un instant, cette personne saurait que, malgré les fantasmes dont elle se berçait, et malgré son jeune corps qui commençait à prendre des formes, une petite fille ne devenait jamais grande. Pas entièrement.

| ... ... ... |

- Elle est ici, dit Shiva en dégainant une de ses longues dagues.

L'aura de la tigresse émanait de la grotte et rendait la neige, le blanc, le froid du Nord bien moins effrayant. Membre d'Altaïr depuis déjà une bonne décennie, elle avait suffisamment d'ancienneté pour reconnaître le danger à plusieurs kilomètres à la ronde.

Ce qu'elle ressentait ce jour-là, la faisait tressaillir d'excitation.

- Du calme, Shiva, dit Ayya en posant trois doigts sur la lame de sa partenaire. Elle est en proie à de violents tourments intérieurs. Tout ce qu'elle cherche, c'est un défouloir, un exutoire, de la chair à aplatir, à écrabouiller. Tu n'entends donc pas?

- Hum..

Shiva affûta son ouïe. Mais elle ne perçut rien du tout.

Ayya, elle, l'entendait très bien. Le violent écho d'un coup de pied contre la pierre.

Kali faisait résonner sa colère. De manière très agressive.

- Allons la réconforter dans sa peine.

- Très bien. Nous lui apporterons mort et silence total.

- Nous ferons tout pour. Elle n'est pas insurmontable. Plus maintenant.