363-Arc Ashfeld : Acte LXXXI Là où tout a commencé

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La nuit gelée ne dissimulait pas ses fantômes. Assis autour du feu, les rescapés d'Hilmar digérait difficilement le repas servi. Hansel, adossé contre un arbre, se tenait à l'écart de la bande. Hilda avalait tant bien que mal avec les larmes qui coulaient. Kali, de son côté, fixait le feu d'un air vide, cherchant une étincelle singulière dans ce minuscule amas de flammes.

La neige se mêlait au froid, rendant l'atmosphère presque mortel. Mais l'on ne ressentait plus rien. Cette douleur n'était rien du tout. Darius laissait le temps faire ses ouvrages, se dispensant ainsi du fardeau du réconfort.

Quelques instants plus tard, Kali se leva brusquement, puis s'enfonça dans le forêt la tête baissée. Les loups murmuraient de plus en plus fort, on n'entendait plus que leurs cris de violence. La guerrière enjambait le relief irrégulier du sol avant d'arriver dans un coin isolé de la forêt. Tout autour d'elle, il n'y avait rien du tout.

Elle tomba faiblement, genou à terre, avant de s'allonger sur le dos, le regard porté vers l'immense ciel étoilé qui apparaissait entre plusieurs arbres. Kali ne parlait pas. Elle n'en avait plus la force. Elle se contentait de regarder, juste regarder. Longuement.. Très longuement.

Le vent soufflait fort, la neige recouvrait progressivement son corps. Sa peau virait au blanc tellement le froid était horrible. Mais elle restait forte, elle subissait la colère du Nord de face.

Soudain, de la fourrure noire vint recouvrir Kali. Surprise, la Nisa tourna le regard à droite, puis aperçut son invité, adossé contre un mur, entrain de le fixer.

- Le... Le petit prince... Dit Kali faible.

- Debout. Un long voyage nous attend. Répondit Hansel.

- Comme ça, tu t'inquiétais pour moi... C'est mignon ça. Mais rassure toi, ce n'est pas le froid qui aura raison de moi. Après tout, je suis Alzzahira Kali.. la femme fléau.. Personne n'est plus forte que moi. Il ne m'arrivera rien. Rien de rien. Ajouta Kali tremblotante.

Elle commençait à présumer de ses forces. Le vent était devenu plus cruel, même les arbres en frissonnaient. La Nisa par contre refusait d'abdiquer. Elle ne bougeait pas d'un poil, et laissait son regard se perdre vers le ciel infini, qui lui paraissait pourtant si minuscule.

- Quelle est la valeur de l'or?... Un jour, il.. il m'a dit que je valais de l'or. Alors dis-moi, Hansel, quelle peut bien être la valeur de l'or? Ça me tracasse.. Et surtout, si je suis en or, de quel métal est faite Ingrid?.. Hein?.. Qu'est-ce qui peut bien être plus précieux que l'or? Questionnait Kali pensive.

Hansel l'écoutait geindre sans renchérir. Il se contentait juste de veiller sur elle, à sa manière. C'est sans doute ce qu'il aurait souhaité. Aucun doute là dessus. Ça lui suffisait comme motivation. La nuit fut particulièrement longue. L'aube finit enfin par arriver.

Demeure d'Alfheim
Chambre du Jarl

Un soleil frêle parvenait à étendre ses rayons à travers les fenêtres de la pièce. Une silhouette enfilait son équipement guerrier, annonçant les prémices du voyage à venir. Le pantalon, le gilet, le collier avec la dent de loup, des jambières, des coudières ainsi que son fidèle épée derrière le dos, tout était prêt.

C'est alors que Wilhelm pénétra dans la pièce, puis planta son épée dans le sol, faisant de cette façon signe d'allégeance. La guerrière de feu lui fit face en attachant sa ceinture autour de la taille, d'une seule main, l'autre étant toujours convalescente.

- Êtes-vous sûr de vos choix, mon seigneur? Demandait Wilhelm.

Ingrid, de son côté, s'agaçait de ne pas pouvoir attacher convenablement sa ceinture. Dans un élan de frustration, elle déchira le tissu puis le balança à terre. Profondément éprouvée, elle tentait de reprendre son calme en régulant sa respiration.

- Vous n'êtes pas très adroit.. Roi Siegrid.

- Ah toi la ferme ! Ce n'est pas le moment de me chercher. Être un homme, c'est vraiment pénible. Reprit Ingrid en prenant une autre ceinture, et en la déchirant à nouveau. Lassée, elle se laissa tomber sur le lit, puis fixait le plafond pendant un moment.

Elle tourna ensuite la tête à droite, puis regardait l'endroit où Sven lui était apparu pour la dernière fois. Son sourire à ce moment-là, elle ne pourrait jamais l'oublier. C'était ancrée en elle, à tout jamais.

- Imbécile va. Pourquoi a-t-il fallu que tu ériges cette barrière entre nous? Je t'aurai protégée. Je ne t'aurai pas laissée mourir. Tu ne m'as jamais laissée l'occasion d'être ton valeureux bouclier. Regarde-toi maintenant, tu ne pourras même plus regretter tes choix. Tu es cruel.. Sven. Dit-elle mélancolique.

Wilhelm respectait malgré lui ce moment de deuil. Le roi était retombé dans ses travers. C'est ce qu'il se disait intérieurement. Le loup ténébreux releva la tête, puis aperçut la guerrière qui, d'un pas fier, avançait vers sa direction. Elle lui posa la main sur l'épaule, puis dit déterminée :

- Allons-y !

- Ce n'est pas une très bonne idée mon roi. Nous sommes en période de guerre. Ces genres d'excursions sont souvent fatales. Dit Wilhelm.

- Je m'en moque. Je vais partir à la quête d'une chimère.

- Une chimère ?

- Oui. Au lac Artemira, là où tout a commencé. J'ai l'impression que je dois m'y rendre. Quelque chose, ou quelqu'un m'attend là-bas.

- Que va-t-il advenir d'Alfheim?

- Avec Gisela et Ivar, c'est entre de bonnes mains. Dit Ingrid en franchit la porte de la chambre. Elle arpentait les couloirs sereinement, avec un léger sourire qui en disait long.

Là où tout a commencé... Je pars encore à ta recherche.. Comme toujours.. Alors attends moi cette fois-ci... Sven..

Sven Et Ingrid IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant