Les murs étaient défraichie et une simple bougie éclairait les marches de plus en plus petites.

Faisant le moins de bruit possible elle s'engouffra dans une pièce, au fin fond de l'escalier en colimaçon. Une pièce sombre, dont l'air moite donna directement la nausée à Irina.

Ses yeux s'habituèrent à l'obscurité dévoilant à ses pieds une étendu de haillon rassemblé en de petits tas distinct. Les dimensions de la pièce étaient gigantesque, l'enfant n'en voyait pas le bout.

Un tas se mit à remuer a ses pieds, Irina fit un bond en arrière, son cœur battait la chamade résonant fortement à ses tempes. Elle savait que rationnellement ce ne pouvait pas être un monstre, mais son imagination d'enfant ne lui permettait pas un raisonnement aussi logique.

Apres tout, qu'est ce qui aurait pu empêcher son père de cacher un monstre dans les profondeurs du manoir ?

S'apprêtant à s'enfuir à toute jambe, Irina se dirigea méthodiquement vers la porte.

Un faible gémissement s'éleva alors d'un monticule de tissus décoloré.

- Qui est là ? risqua la voix fatiguée d'Anne.

- Miss...c'est moi.

Sous les haillons se trouvait son elfe, recroquevillée en position fœtale, les genoux près du cœur.

Mais l'obscurité ambiante ne permettait pas à la fillette de voir distinctement les traits du visage de son elfe. Anne paraissait ne plus posséder de yeux, remplacé par deux profonds cratères, profondément ancré dans son crâne.

La fillette s'agenouilla, et passa dans ses doigts ceux décharné de Miss Couples.

- Je suis tellement désolé... pardon, pardon...Tout est de ma faute...Vous n'auriez pas dut intervenir... c'était de ma faute et à cause de moi vous voilà blesser...Pardon

L'elfe pressa la main de la fillette.

- Vous ne devez pas rester ici...si votre père l'apprend...

- Père est sorti. Miss sincèrement je vous demande pardon...

- Vous n'avez pas à vous excusez. Votre père était tant aveuglé par la colère, il aurait pu vous faire très mal...je suis juste intervenue.

- Miss je vous en prie n'intervenez plus à l' avenir. Pour votre bien, pour le mien...Je suis encore plus malheureuse de vous voir dans cet état par ma faute que dans lequel je peux me trouver. Moi je l'ai mérité... pas vous !

L'elfe se redressa difficilement, un rai de lumière illumina son visage et son corps décharné.

Un ecchymose violacé s'étendait sur son abdomen.

Le voyant, Irina se mit à pleurer.

- Père ne peux pas me faire du mal...Je suis sa fille! je vous en prie Miss.

Les ongles de l'enfant vinrent de nouveau griffer la chair de ses avants bras, geste aussitôt arrêté par les mains de l'elfe.

- Arrêtez de vous faire du mal... Vous n'avez pas à me demander pardon, je suis intervenue de mon propre chef, voulant à tout prix protéger ma maitresse.

Des pas précipités se firent entendre dans l'escalier, juste avant que Cerise apparaisse.

La jeune elfe extirpa l'enfant du trou « nauséabond » où dormaient les elfes.

Irina était soulagée, Anne lui avait pardonné, elle serait bientôt remise sur pied.




Le reste de la journée se passa sans accroche, Irina ne rompit à aucun moment le calme cérémonieux de la bâtisse, désormais le mutisme ne la gênait plus.

Plus petite elle avait eu beaucoup de mal à accepter le silence oppressant, celui-ci l'angoissait et elle essayait a tout prix de le chasser, se cachant dans les cuisines où les casseroles s'entrechoquaient, ou bien dans les buanderies où l'on se démenait à nettoyer le linge.

Maintenant elle trouvait que tout était plus beau avec le silence, tout était plus profond, plus intéressant. Elle pouvait pendant des heures observer une tapisserie.

Il lui suffisait de suivre des yeux le sillage du fil, la courbure des arabesques, les nuance de vert.

Dans l'air flottait de minuscule particule de poussière virevoltant autour d'elle.

Du bout de ses doigts elle apprenait les rainures du parquet ancestral.

Tant de chose à faire ! Que le calme exacerbait.

Le cœur soulagé, bien que la tête lourde et douloureuse, elle s'assit a son bureau d'acajou.

Celui-ci était toujours en ordre, un cahier vierge et des feuilles à sa droite pour ses exercices, un pot avec crayons et stylo en face d'elle et, à sa gauche, une pile de manuels consciencieusement alignés.

Irina, discrètement, bien que personne ne l'observe tira de derrière son armoire un petit cahier noir, relié de cuir.

La couverture était vierge et épuré, elle tira de son étui sa précieuse plume.

Les premières pages y étaient toutes arrachées, ainsi cela paraissait être un cahier vierge. Et ainsi, comme à chaque fois qu'elle en éprouvait le besoin, elle écrivit.

Elle couchait sur papier toutes les choses qu'elle ne pouvait dire ou bien penser.

Toute les choses qu'elle n'arrivait pas à exprimer à l'oral transparaissait a l'écrit, sa main traçait des lettres, qui elles même formaient mots et phrases, la soulageant fortement.

Son cœur se vidait comme cela, l'encre de sa plume ne semblait alors plus être celle de son encrier mais véritablement celle de son cœur qui, une fois apaisé ne fournissait plus de liquide permettait d'écrire.

Elle ne réfléchissait jamais a ce qu'elle écrivait, laissant sa main guider ses pensées, elle ne se relisait jamais. De peur de se trouver niaise et futile.

Après tout écrire dans un journal ses états d'âme n'était-ce pas ridiculement romanesque ?

Mais sur le coup elle n'y pensait pas.

C'était, timidement qu'elle se livrait.

Comme à un vieil ami, elle n'osait pas tout de suite faire déferler le flot intarissable de sa pensée, au début elle contait toujours des banalités. Ce qu'elle avait fait ou mangé, rien de personnelle.

Comme si elle voulait se rassurer qu'il garderait le secret. Se rassurer que son précieux confident ne piperait jamais mot. Puis, une fois en confiance elle ne comptait plus ses mots, n'entendait plus la lourde horloge égrener bruyamment les secondes, ne percevait plus le tiraillement de son dos qui, continuellement la gênait.

Après un temps aléatoire elle se redressait, signe qu'elle avait fini son cheminement de pensée.

Son journal en plus d'être un confident muet lui permettait de réfléchir, mieux qu'elle ne le faisait jamais à l'oral ou même simplement en étant assise. Des choses qu'elle n'arrivait pas à s'admettre transparaissait a l'écrit sans qu'elle ne puisse les endiguer.

Irina se redressa enfin, la main douloureuse mais le cœur soulagé.

L'enfant replaça sa plume à sa place, puis arracha les pages. Elle s'arrêtait toujours les pages à moitié enlevés de leur tronc. Comme pour s'excuser de faire ainsi souffrir son confident.

Malheureusement elle ne devait laisser aucune trace, aucune preuve de ses tourments intérieurs, honteusement inavouable.

Les pages froissé dans ses mains elle descendit au salon et les jeta dans la grande cheminée.

Les feuilles s'embrasèrent aussitôt, léchant avidement les mots d'encre, faisant disparaître les preuves de son ridicule acte salvateur.

Face au brasier elle regardait, les flammes lécher ses pensées de papier et consumer son seul réconfort. Mais jamais elle ne laisserait quelqu'un les lires. Elle s'excusa une fois encore de ne pas croire le mutisme de son confident mais rien qu'à son âge elle savait qu'un secret n'en était jamais vraiment et qu'on avait tant de pouvoir pour faire avouer.

Elle se détourna des flammes comme des derniers mots à être consumé.

« Je t'aime père...Vous me faites peur».

EndolorisWhere stories live. Discover now