[Séma Editions] Frayeurs - Livéric

30 2 1
                                    

Hey ! Eh oui, deux chroniques en moins d'une semaine. C'est rare, mais ça arrive parfois. On continue les lectures dans le domaine du fantastique avec un petit recueil de nouvelles jeunesse à ambiance horrifique.

 On continue les lectures dans le domaine du fantastique avec un petit recueil de nouvelles jeunesse à ambiance horrifique

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

1. Une pointe d'horreur à l'école

L'imagination des enfants est sans limite, et souvent sujette à la création d'un bestiaire effrayant, entre rêve et cauchemar, où tout, même la plus petite chose insignifiante, peut devenir terrifiante si on la regarde à travers les yeux des enfants.

Dans ce recueil de sept nouvelles, Livéric met en avant l'imagination des enfants de primaires belges et donne vie sur papier à leurs idées un peu loufoques qui prennent cadre dans des lieux familiers et conviviaux tel que l'école, les sorties scolaires ou les fêtes entre amis. Que fait cette dame en voile blanc dans le cimetière ? Pourquoi la professeure est-elle allongée dans le couloir, couverte de sang ? Comment se fait-il que madame Dupuis joue les funambules dans le cirque ? Le clown invité à l'anniversaire de Pierre est-il vraiment un tueur ? Que se cache vraiment dans le placard de Nicolas ?

Livéric vous accompagne dans de petites frayeurs qui ne vous laisseront pas indifférents ! Ce petit recueil est disponible au format papier et numérique chez Séma Editions depuis le 5 mars. Les liens sont en commentaire.

2. Une idée originale

Ce petit recueil a du charme, c'est le moins que l'on puisse dire. Il s'agit d'une collaboration entre Frédéric Livyns, aka Livéric (qui a notamment écrit L'Obscur, que vous pouvez trouver en chronique sur ce blog), des élèves des écoles primaires (je crois ? Je ne suis pas du tout familière avec le système scolaire belge) de Salzinnes, Saint-Charles de Dottignies, de la Fédération Wallonie-Bruxelle de Vedrin et de Saint-Joseph de Saint-Servais, et de Pricilla Gredé, pour les illustrations du recueil.

Tout ce petit monde se marie incroyablement bien pour former un recueil plutôt original dans la forme. J'ai adoré l'idée même du livre, qui était d'écrire en collaboration avec de jeunes enfants. On néglige très souvent l'importance qu'a l'imaginaire à l'école, et on l'écarte assez tôt des cursus scolaires, ce que je trouve tout simplement honteux. J'aurais totalement adoré participer à ce genre de choses quand j'étais petite. Donner la parole comme ça à des enfants, c'est les encourager à s'épanouir par la suite. Et s'il y en a qui par hasard passent par là, ou leurs enseignants, un gros bravo pour cette collaboration, vous avez beaucoup de chance !

J'ai aussi adoré le fait que pour des élèves de primaire, ça pourrait bien être un de leur premier contact avec la littérature fantastique. Elle est un peu en perdition ces dernières années, et si l'on écarte les romans type Chair de Poule, il n'y a pas tant de nouvelles que ça pour la jeunesse ces derniers temps. Et je trouve que pour le coup, ce recueil est un très, très bon contact avec le genre pour la jeunesse, et je vais carrément le recommander à mes élèves de sixième (et à leur documentaliste) dès que j'aurais cinq minutes.

Pour ce qui est des textes en eux-même maintenant, je suis un peu au-dessus du public visé (juste d'une dizaine d'années, quoi, ouch, ce coup de vieux), mais elles restent très chouettes. J'ai même réussi à me faire surprendre par deux des nouvelles, La soirée pyjama et Une histoire presque imaginaire, cette dernière nouvelle étant mon gros coup de cœur du recueil par son aspect totalement rocambolesque et, pour le coup, un peu plus porté science-fiction. Chaque nouvelle a une ambiance qui lui est propre et un dénouement plus ou moins réaliste, sauf cette nouvelle (et la toute dernière nouvelle du recueil), qui de ce fait a immédiatement conquis mon petit cœur de lectrice.  De manière générale, la majorité des textes se passent dans le cadre de l'école ou des sorties scolaires, ce qui permet bien sûr aux enfants de s'identifier pleinement à l'histoire, mais du coup, ça devient parfois un peu répétitif dans les motifs. Mais ça ne gênera sans doute pas des lecteurs moins titilleux et sans le regard d'adulte que je peux porter sur les textes, qui est bien différent de celui qu'un enfant peut porter sur l'histoire.

Dans les très bons point, j'ai beaucoup aimé la diversité des bestiaires et mécaniques d'horreur utilisées, même si elles sont vachement radoucies ou écourtées pour coller au registre jeunesse. J'ai beaucoup aimé par exemple la nouvelle Le clown tueur qui joue sur la figure mythique du même non, mais réussit à l'adoucir pour initier les enfants à ce mythe tout en leur montrant les principales mécaniques de "peur" que l'on peut retrouver dans les films d'horreur.

Pour ce qui est du style de l'auteur, je n'ai absolument rien à dire. Ce n'est pas le premier texte que je lis de cet auteur, mais c'est le premier pour la jeunesse, et ça se lit tout seul et de manière très fluide. J'aime beaucoup le style très imagé qui a été choisi ici. A cela s'ajoute les magnifiques illustrations de Pricilla Grédé qui viennent agrémenter chaque fin de nouvelle et qui collent parfaitement aux histoires. Je les ai trouvé vraiment très, très chouettes et en accord avec les textes de l'auteur. C'est du très bon travail.

En bref, même si je ne suis pas le public visé, j'ai passé un très bon moment à découvrir ces petites nouvelles, que je recommande à fond si vous avez des enfants qui commencent à découvrir la lecture par eux-même, à la primaire ou au collège.

3. Un petit extrait ?

Les enfants distinguèrent une ombre au cœur de la fumée qui envahissait les lieux et, lorsqu'elle se dissipa, ils poussèrent une exclamation de surprise en constatant que la personne présente sur la piste n'était autre que madame Dupont, celle-là même qui avait eu l'idée de cette excursion ! Mais elle ne ressemblait plus du tout à l'enseignante qu'ils connaissaient tous : ses yeux n'étaient plus verts, mais d'un rouge sang faisant écho à celui de ses cheveux. Ses lèvres étaient anormalement gonflées, laissant deviner des dents très pointues, et son teint était très pâle...

— Ce n'est que du maquillage, s'empressa de les rassurer madame Fevry. C'est pour le spectacle. Alors...

Elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase que l'apparition cauchemardesque la désigna comme volontaire pour son premier numéro. A contrecœur, l'institutrice se leva et alla s'asseoir sur la chaise que sa collègue lui désignait de son doigt aux ongles si effilés qu'ils ressemblaient aux serres d'un rapace. Elle fut rapidement enveloppée dans un grand foulard qui la dissimula de la tête aux pieds, et la foraine improvisée se mit à réciter avec emphase ce qui ressemblait étrangement à une formule magique. Elle se tut, scruta d'un air mystérieux les enfants subjugués, et ôta le tissu d'un geste sec. Tous constatèrent, incrédules, que le siège était vide et que l'enseignante était de retour à sa place sur les gradins. Les élèves se levèrent comme un seul homme et applaudirent à tout rompre face à se tour de magie extraordinaire. Seul Tim, assis aux côtés de l'institutrice, ne suivit pas le mouvement. La bouche grande ouverte, il constata que la malheureuse était devenue en partie comme madame Dupont : l'œil injecté de sang et le teint blafard.

C'est tout pour cette petite chronique ! Je vous souhaite une bonne semaine et vous donne rendez-vous bientôt pour de nouveaux articles !

GRAINES D'AUTEURS | Interviews d'auteurs & chroniques de livresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant