[Inceptio] Les Émissaires du lien - Hélène Besse

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Hello, hello ! On se retrouve pour une nouvelle chronique Inceptionnelle avec le dernier roman d'Hélène Besse, Les Émissaires du lien. Nous avions déjà découvert sa plume sur ce blog il y a quelque temps avec son roman feuilleton, Les voies de brume. Que nous réserve celui-ci ?

 Que nous réserve celui-ci ?

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La nature se rebelle

Depuis soixante ans, le règne des hommes a pris fin. Après avoir abusé des ressources naturelles, les anciens dieux ont décidé de le punir pour leur rappeler leur place. L'homme n'est qu'une proie parmi d'autres et est remis à égalité face aux animaux et aux végétaux, qui représentent désormais un péril mortel pour tout inconscient se perdant hors des murs de la cité.

Titania, enchanteresse, est chargée de s'assurer que ce nouvel équilibre soit parfaitement respecté. Elle assure le lien entre la cité d'Anguélarande, son roi et les anciens dieux, leur assurant des droits de passage ou les rappelant à l'ordre lorsqu'ils outrepassent un peu trop les lois divines. Pour autant, son rôle n'est pas simple : considérée comme une menace, une sorcière par certains, elle sait sa position fragile, et de plus en plus risquée. Ces derniers temps, les hommes prennent des risques inconsidérés.

Pour maintenir la paix et éviter un génocide, elle devra se faire entendre, d'une manière ou d'une autre.

Le roman est disponible aux éditions Inceptio depuis le 14 novembre 2022. Vous pouvez le retrouver au format papier et numérique sur le site de la maison d'édition. Il est de plus en promotion pour encore quelques jours ! Le lien est en commentaire.

Le cycle de la violence

J'ai beaucoup aimé ce roman, dont la construction est vraiment très, très bien fichue.

Nous nous trouvons dans un univers de fantasy médiévale qu'on pourrait presque qualifier de post-apocalyptique. Après avoir abusé des ressources de la forêt pour le plaisir, les hommes se sont vus punis de la pire des façons : l'ensemble de la forêt s'est retourné contre eux. La plupart des hommes ont été anéantis, et ceux qui survivent sont contraints de vivre entre les murs de leur cité, à huis clos. Leur seul contact avec l'extérieur repose sur des troupes de mercenaires spécialisées, qui accompagnent les rares personnes qui doivent se rendre d'une ville à l'autre.

J'ai beaucoup aimé l'atmosphère un peu oppressante de ces scènes en forêt, où l'homme apparaît brutalement comme plus petit, métaphoriquement et physiquement, étant donné que la plupart des créatures et des plantes sont devenues plus grandes, comme pour les narguer. Les scènes d'attaques, notamment, sont spectaculaires et très bien décrites, je les ai beaucoup appréciées.

Le roman suit plusieurs personnages, dont son héroïne principale, Titania, et Puck, son chat à la langue bien pendue. J'ai beaucoup aimé la référence discrète à Shakespeare, d'autant plus que sa Titania et cette Titania ont plus ou moins le même rôle : assurer l'équilibre entre la nature et le monde des hommes. Comme chez Shakespeare, Puck est aussi l'élément un peu comique qui donne son avis sur tout, même si son origine mystérieuse soulève des questions. J'ai beaucoup, beaucoup aimé Titania, d'abord actrice à part entière du conflit qui se crée dans le roman, puis de plus en plus spectatrice à mesure que le temps passe pour mener à cette conclusion inévitable : la violence est un cycle.

Titania arrive dans une ville fragilisée par un roi malade et de plus en plus influençable. D'abord ouvert à ses propositions, il s'enferme peu à peu dans une forme de déni et de tentation représenté par deux personnages qui représentent deux menaces bien connues des univers de fantasy : la foi et la guerre. Lui s'y ajoutant en représentant le pouvoir. En soit, il s'agit là aussi d'un équilibre : tant que ces trois forces sont égalitaires, il n'y a pas de problèmes, mais ici, le pouvoir s'effrite, donnant la pleine puissance à la foi et à la guerre, au point de déséquilibrer totalement le royaume, propulsant Titiana loin derrière.

Je ne pense pas non plus que ce soit un hasard si ces trois pouvoirs sont représentés par des forces masculines, étant donné que les deux personnages principaux de cette histoire sont des femmes, qui doivent se battre pour faire entendre leur voix. Le message féministe est très fort, malgré la conclusion de l'histoire qui montre, une fois encore, que rien n'est jamais acquis.

Car oui, il y a une deuxième femme en tant que personnage principale, Maireen, dans le passé. Son point de vue nous explique progressivement comment nous en sommes arrivé là, et trace peu à peu un miroir avec la situation de Titania. Un miroir tragique, puisque Titania se retrouve à affronter les mêmes problèmes que son ancêtre, et à mesure que l'on progresse, on se demande vraiment si elle pourra y changer quelque chose. C'est à vous de le découvrir !

Ce roman traite donc avec brio du cycle de la violence, et de cette théorie selon laquelle les erreurs de l'humanité tendent à se répéter, même si l'on se dit sur l'instant que ça n'arrivera plus jamais. Je trouve le message extrêmement d'actualité, étant donné que nous sommes nous aussi sur un fil dangereux avec le retour de la guerre en Europe, et ce livre peut être lu comme un avertissement bienveillant, une grosse métaphore à notre propre monde.

J'ai trouvé le texte excellent à tout point de vue, et surtout la forme. Il y a quelque chose de magique dans la plume d'Hélène Besse. C'était déjà le cas dans son roman précédent. C'est entre poésie et prophétie, entre lumière et noirceur, et c'est super particulier.

Le texte s'adresse principalement à un public adulte, qui sera sans doute plus touché par l'histoire. C'est aussi un texte à analyser pour bien en comprendre tous les enjeux. En tout cas, pour ma part, c'est un coup de coeur !

Un petit extrait ?

Une effroyable douleur étreint alors tout mon corps. Je sens la lame d'acier s'enfoncer dans mon dos, déchirant chair et muscles. Je tais un hoquet de stupeur. Le mal s'évanouit aussi soudainement qu'il est apparu. L'air s'échappe de mes poumons avec difficulté et mon cœur tambourine si fort dans ma cage thoracique que mes cotes peinent à le contenir. Je jette un rapide regard circulaire autour de moi. Personne ne semble avoir remarqué mon indisposition. Tous sont concentrés sur le roi et sa triste besogne. Je passe une main tremblante sur mon dos, mais n'y décèle aucune blessure, même infime. Sans doute ai-je rêvé ? Mais à peine cette pensée se dessine-t-elle dans mon esprit, que j'ai la sensation qu'on me transperce de part en part. Les terribles coups mettent en charpie mon corps et mon âme. J'étouffe un hurlement de douleur. Le monde se brouille. Un épais nuage blanc envahit mas vision alors que le sang martèle mes tempes. J'entends des cris lointains qui se rapprochent. Pourtant personne autour de moi ne parle. L'aboiement d'une meute de chiens transperce mes tympans. Ils sont sur moi. Je sens un museau humide fouiller dans mes entrailles répandues sur le sol. Je suis à terre. Mais quand suis-je tombée ? Plusieurs bottes foulent la terre, m'encerclent. L'une d'entre elles se pose sur mon corps, puis s'abat sur mon visage. Ma respiration s'éteint, mettant fin à mes souffrances. Mes yeux, eux, restent ouverts, et contemplent une dernière fois la forêt qui m'a vu naître. L'odeur de l'humus accompagne mon ultime soupir. Mon âme rejoint le tout.

Une main frôle ma peau. Des doigts s'emmêlent aux miens et serrent si fort que mon corps réagit. Mes paupières papillonnent comme pour effacer la vision cauchemardesque qui s'est emparée de mon esprit.

Voilà, c'est tout pour aujourd'hui :D Merci d'avoir lu cette chronique jusqu'au bout et à bientôt pour de nouveaux articles !

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