Dans la continuité de mon book de conseils et articles autour de l'écriture, je vous propose dans celui-ci des portraits d'auteurs et des critiques de livres pour enrichir un peu plus votre culture littéraire et découvrir des personnalités sympathiq...
Hello ! On repart sur les terres obscures de l'imagination de Maxime Herbaut pour un nouveau roman ! C'est un auteur que je suis de longue date, vous pouvez d'ailleurs retrouver les chroniques de ses précédents romans en commentaire à cette ligne : Agravelle ou l'envers du temps et Un chien d'enfer. Cette fois-ci, on part vers le registre policier avec une de ses dernières sorties : Monsieur Crousticracq !
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Chapeau melon et grosse moustache
Monsieur Crousticracq est une icône du petit écran, mondialement connue non seulement pour ses chips, mais surtout pour le personnage en lui-même, qui a su gagner le cœur de nombreux fans depuis les années 1980.
Mais voilà que dans l'entreprise derrière l'homme au chapeau melon et à la moustache, rien ne va plus. Des meurtres en cascade semblent emporter un à un certains membres influents qui ont aidé à la création du personnage de publicité, en utilisant par ailleurs les dites publicités pour mettre leur mort en scène. La paranoïa règne, et tout le monde, comme dans un feuilleton télévisé, se demande qui sera le prochain.
Émile Allias, le créateur du personnage, reçoit depuis quelques temps des lettres inquiétantes qui lui indiquent qu'il est peut-être le prochain sur la liste. De son côté, Jean-Christophe Schmeps, l'acteur qui a donné vie au personnage dans les années 1980, est suivi par des personnes qui ne semblent pas lui vouloir que de bien. Tous les deux vont se retrouver embarqués dans une histoire morbide abracadabrante, à l'instar de la longue aventure qu'a été la création du personnage...
Monsieur Crousticracq est disponible aux éditions Glamencia depuis le 9 juin 2022. Vous pouvez vous le procurer au format broché et numérique sur le site de la maison d'édition. Le lien est en commentaire.
Il y en qui n'ont pas bu que de l'eau avant d'écrire
C'est le troisième roman de Maxime Herbaut que je lis, donc je sais à quoi m'attendre : des genres littéraires tordus à l'excès qui se chevauchent, de l'humour absurde, des questionnements philosophiques et un texte à la fois très drôle et très noir si l'on se penche un peu plus dans les messages du texte. C'est encore le cas ici.
On change un peu de registre ici avec un roman qui oscille entre le thriller et le fantastique, mais dans deux parties bien distinctes l'une de l'autre. Il y a en gros deux histoires qui peuvent être presque lues séparément (en apparence), mais qui abordent toutes les deux le même sujet : Monsieur Crousticracq et son empire.
La première partie est le gros de l'intrigue. On y suit Émile Allias, un vieux publicitaire plein de regrets, qui vient assister à une conférence sur l'oeuvre de sa vie, Monsieur Crousticracq, et y apprend qu'une menace pèse sur les employés qui ont travaillé sur le personnage. Ça, il le sait déjà, parce que lui-même a déjà reçu des menaces qu'il n'a pas pris au sérieux. Bien malgré lui, Émile se retrouve plongé dans l'histoire nébuleuse qui a mené à la création du personnage de Monsieur Crousticracq pour essayer de comprendre pourquoi certaines personnes cherchent à les faire disparaître.
L'intrigue se découpe elle-même en deux parties : la partie thriller, avec le personnage qui enquête, mais aussi toute la partie sur l'histoire de la création de Monsieur Crousticracq, qui peut paraître un peu hors propos et lourde, mais prend une importance capitale dans la vraie deuxième partie de l'histoire puisqu'elle soulève une problématique commune aux deux histoires : la rançon de la gloire, et comment la célébrité peut rapidement se retourner contre vous ou vous enfermer dans un carcan, et cela du jour au lendemain. C'est une thématique très intéressante et qui se construit au fil de l'histoire en arrière-texte et qu'on peut manquer si l'on ne fait pas attention. Ce n'est pas juste une plongée dans le monde de la publicité, mais bien une grosse satire de son univers pompeux et enjôleur, rempli de crasses en tout genre et de couteaux dans le dos. J'ai trouvé que c'était vraiment très bien écrit et très original. C'est quelque chose qu'on ne voit vraiment pas souvent en littérature, et qui peut d'ailleurs être lu comme étant la parole d'un auteur au travers d'un personnage qui apparaît dans la deuxième partie de l'histoire.
On retrouve aussi ce thème dans la partie plus portée sur le thriller, avec le personnage de Jean-Christophe Schmeps qui pour échapper à la célébrité et à l'intrigue, change lui carrément d'apparence et de sexe. J'ai trouvé le parallèle vraiment très bien trouvé. La partie thriller en général ne vous laissera pas tomber avec des tas de rebondissements et un final digne d'un film, à la fois dramatique et très glauque, mais c'est aussi un peu la marque de fabrique de l'auteur ! Je vous laisse le plaisir de découvrir ça par vous-même.
La deuxième partie de l'histoire peut en revanche surprendre puisqu'elle change totalement de registre, passant du roman purement réaliste à un texte abstrait fantastique, voire merveilleux, qui nous fait rentrer dans la peau de Monsieur Crousticracq, à la poursuite de son étoile (et de sa moustache). Le texte se présente comme une annexe du récit au premier abord, puisque son existence est liée au livre, on sait dès le titre de cette deuxième partie de quoi il s'agit. C'est un conte philosophique qui flirte avec plusieurs genres allant de la dystopie au merveilleux, d'abord enchanteur en apparence sauf que ça devient très vite extrêmement sombre et limite horrifique, un peu comme... Ah oui, un peu comme beaucoup de parcours de célébrités, comme c'est étrange, c'est sûrement juste une coïncidence !
C'est la partie que j'ai préférée, beaucoup moins terre à terre et très libre d'interprétation, et qui donne vraiment tous son sens à la première partie de l'histoire.
En bref, c'est encore un OVNI littéraire, comme les livres précédents, qu'il n'est pas vraiment possible de classer tellement le texte est riche et part dans des directions très différentes. C'est un style qui ne plaît pas à tout le monde, mais pour ma part, je suis toujours aussi fan, et j'attends avec impatience de voir où les prochaines aventures de l'auteur vont nous mener !
Un petit extrait ?
— J'en ai des tas, de souvenirs, moi ! protesta-t-il brusquement, avec une véhémence qui le surprit.
— Ah oui ? Combien d'entre eux sont sans rapport avec les chips ?
Il n'eut pas à réfléchir longtemps pour prendre la mesure du gouffre qu'ouvrait en lui cette question.
— Tu vois, c'est exactement là qu'est le problème. Tout ce que tu as cru être ou faire tournait autour d'une seule chose, que tu as confondue avec toi-même pendant si longtemps qu'il t'est aujourd'hui impossible de faire la différence. Aussi, la seule idée que tu puisses être autre chose, exister indépendamment, sur un autre plan, t'effraie et t'attire comme le sourire de l'abîme. Celui qui m'a convaincu de m'embarquer m'a raconté tout ça, et je n'avais plus qu'une envie : voir s'il y avait un moyen de passer de l'autre côté, de savoir ce qui se passe ailleurs, comment vivent ceux qui ont une vraie vie, une vie à plusieurs facettes. Et tandis que je voyageais sur mon bateau d'océan en océan, sans que j'en aie la moindre idée, mon île émergeait lentement dans les Cathodes, prenant forme jour après jour, m'attendant déjà à mon insu...
C'est tout pour aujourd'hui ! Merci d'avoir suivi cette chronique jusqu'au bout et rendez-vous bientôt pour de nouveaux articles !
