[Crin de Chimère] Crocs & Alambics - Collectif d'auteurs

20 1 1
                                    

CROCS & ALAMBICS

Philippe Aurèle Leroux, Yoann Dubos, Constentin Louvain, Alexandre-Fritz Karol, Paul Vialart, R. Senelier, Fabrice Pittet, K. Sangil, Jenna Preston-Penley, Alicia Alvarez & Kaegor de Rion

Bonjour ! On se retrouve pour une nouvelle chronique chez Crin de Chimère. On s'intéresse cette fois-ci au recueil de nouvelles Crocs & Alambics, sorti en début d'année et qui a rassemblé plusieurs auteurs autour d'un thème commun.

 On s'intéresse cette fois-ci au recueil de nouvelles Crocs & Alambics, sorti en début d'année et qui a rassemblé plusieurs auteurs autour d'un thème commun

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

1. Monstres de laboratoires et laboratoires monstrueux

Crocs & Alambics est un recueil de dix histoires qui vous fait voyager aux limites de la définition de l'être humain. Dans des mondes sauvages ou au contraire plus proches qu'on ne le penserait, découvrez des aventures qui oscillent entre terreur et mise à l'épreuve intense en compagnie de personnages aussi inhabituels que dangereux.

Monstres, robots, extraterrestres, mais aussi un brin de malédiction et de la science sans ou avec trop de conscience, ce texte aux accents cyberpunks explore de nombreux sous-genre de la science-fiction et cherche à pousser le lecteur dans ses retranchements. Qui est le monstre et qui est l'humain ? Parfois, la question est plus compliquée qu'il n'y paraît.

Le recueil est disponible depuis le 25 janvier 2021 aux éditions Crin de Chimère, au format papier et numérique. Vous pouvez le trouver sur le site de la maison d'édition. Le lien est en commentaire !

2. Monstres et compagnie

Avant de lire ce recueil, je n'avais pas eu l'occasion de lire beaucoup de cyberpunk, que ce soit sur ce blog ou dans mes lectures de manière générale. C'est un genre encore assez méconnu et qu'on retrouve rarement seul, sans mélanges avec d'autres genres, et donc j'étais assez excitée à l'idée de découvrir ce que les auteurs de cette anthologie avaient concocté. Pour rappel, déjà, le cyberpunk, c'est la science et la robotique poussée à l'extrême dans un univers sombre et aux moralités discutables. C'est là que l'on retrouve nos amis les robots, mais aussi les cyborgs et les êtres humains augmentés, les monstruosités créées par la science et bien d'autres thèmes tout aussi joyeux. Ce n'est vraiment pas le monde des bisounours.

Et c'est globalement l'idée qui se dégage du recueil par ailleurs. Bon, déjà, c'est vrai, c'est Crin de Chimère donc vous savez que ça va être sombre, mais là c'est vraiment, vraiment sombre. Sur les dix histoires, difficile de voir percer le moindre rayon de lumière. On se trouve dans la crasse de la crasse de l'humanité. La morale n'existe plus, les scientifiques sont en roue libre et l'imagination sordide des hommes ne connait plus aucune limite.

Dans l'ensemble, j'ai accroché à la plupart des textes. Les idées sont bonnes et les moyens de respecter le thème du recueil toutes plus originales les unes que les autres. J'avoue quand même avoir eu quelques petites préférences, pour les nouvelles Où est le monstre ? de Constantin Louvain, La plus belle des réussites d'Alexandre-Fritz Karol dont j'aime décidément toujours autant la plume et Le cantique de Schrodïnger de R. Senelier. Et j'ai également eu un énorme coup de cœur sur Partie de chasse de Fabrice Pittet et le dernier texte du recueil, Xoth de Kaegor de Rion, qui détonne assez dans le récit puisqu'on penche clairement plus vers de la fantasy. Les autres textes sont aussi très sympas, mais m'ont un peu moins touchée, soit à cause de l'intrigue, soit dans le style choisi, mais ça n'en reste pas moins d'excellentes nouvelles.

Pour Partie de Chasse, ce que j'ai beaucoup aimé, c'est cette inspiration un peu pulp qui nous vient de l'âge d'or de la science-fiction. Des héros increvables et drôles, des monstres d'une taille ridiculement grande, des éléments en décalés et beaucoup de rebondissements. J'ai beaucoup accroché aux deux personnages principaux également, des chasseurs de monstres en apparence assez caricaturaux, mais qui ont une certaine part de tendresse surprenante pour leur stature. C'est aussi la seule nouvelle du recueil qui joue beaucoup sur le deuxième degré, et vu que les autres sont un peu pesantes dans leur atmosphère, c'est un vent de fraîcheur et de légèreté qui est plus que bienvenue !

Xoth c'est plus sombre, mais le texte est aussi hors du cadre de la science-fiction. J'ai beaucoup aimé l'audace de Kaegor sur ce coup-là, parce que la nouvelle est incroyablement terrifiante et originale. On se trouve dans la dark fantasy pure et dure, aucun doute là-dessus, et ça raconte l'histoire d'un scientifique et d'un homme-corbeau étrange qui s'avère être immortel. Ou l'est-il vraiment ? C'est ce que cherche à savoir le scientifique afin de reproduire cet exploit par lui-même et d'entamer une longue descente aux enfers nécrosée par son besoin de savoir. Ce texte m'a beaucoup touchée parce que c'est un thème que j'exploite aussi dans mes histoires, mais tout est incroyablement bien travaillé, on voit le changement dans l'atmosphère, le comportement des personnages et plus on avance dans la nouvelle, pire c'est. J'ai eu l'impression de courir un marathon et je ne me sentais pas très bien après la lecture ahah. Mais c'est parfait, c'est vraiment ce que j'attendais de ce texte dans ce genre de recueil, un excellent moyen de le conclure.

Tous les textes à leur manière abordent la notion d'être humain et de monstre, avec toutes les nuances que cela entraîne et la porosité des frontières entre les deux. Certains ont choisi d'embrasser cette voie en représentant l'homme comme un monstre, d'autre le monstre comme un humain, parfois sans qu'on sache qui est quoi. Les personnages sont presque tous des anti-héros, plongés dans des décors et des atmosphères dérangeantes et dépaysants, où les personnages se retrouvent bien souvent livrés à eux-mêmes et à leur propre conscience. J'aime beaucoup la manière de flotter d'un extrême à un autre entre les nouvelles, avec certaines qui vous font réfléchir et d'autres plus portées sur l'aventure.

La plupart des textes abordent des sujets durs et n'y vont pas de main morte avec la violence, et donc il est très dur de s'ennuyer. Il y en aura forcément quelques-unes au moins qui vous toucheront, et juste pour avoir eu le cran de travailler un registre très peu utilisé dans le monde de l'édition, ce recueil mérite une bien plus grande visibilité. C'est une chouette découverte que je recommande aux amateurs de frissons et aux personnes déjà habituées à lire de la science-fiction et qui en connaissent bien les codes, pas mal d'auteurs les réinventent complètement, et ça fait vraiment du bien à lire !

Un excellent recueil à découvrir 😀

3. Un petit extrait ?

— Non ! Pitié !

— Chut, petit ver de terre ! lui murmura Sherlo. Tu ne sentiras presque rien. Et pour ce qui est de la pitié, j'en ai plus depuis belle burette.

Grim appuya sur la détente et la seringue se planta dans la cuisse du soldat, réduisant le muscle et l'os en purée. Lorsqu'elle eut injecté son contenu, Sherlo la retira d'un mouvement dénué de délicatesse.

L'homme pleurait comme un enfant. De la bave écumait aux commissures de ses lèvres. Ils le tirèrent jusqu'au promontoire et le firent chuter dans les flots, où il commença à se débattre pour garder la tête hors de l'eau. L'anesthésiant agissait déjà sur son organisme malmené : ses yeux se révulsaient, sa bouche ressemblait à celle d'un poisson jeté sur le pont d'un chalutier. Dans quelques instants, la substance aurait terrassé son cœur et il sombrerait. Mais ses mouvements se faisaient toujours nerveux, ses hurlements soutenus... Peu à peu, il s'éloignait de la berge, laissant dans son sillage une traînée de sang dilué. De lui rayonnaient des ondes qui ridaient la surface du lac, là où surnageaient encore quelques morceaux de chair mélangés à des lambeaux de vêtements aux couleurs de l'Armée.

Le marwalach émergea non loin de sa proie, son long abdomen se tortillant à la manière d'un serpent aquatique. Désormais, son thorax et sa tête de crustacé oscillaient à plus de cinq mètres au-dessus de l'eau. Et toujours pas de queue en vue.

Ses antennes fouettaient l'air, ses yeux pédonculés étaient dirigés vers le soldat moribond, dont les gesticulations se raréfiaient. Le monstre ouvrit sa gueule, un puits de ténèbres encadré de dents chitineuses. Puis il attaqua, traçant une large rangée de mousse blanche dans l'étendue sombre du lac. Lorsque les pinces se refermèrent sur l'appât, broyant sa cage thoracique comme du bois sec, les cris du pauvre hère se transformèrent en râle d'agonie. Après quelques manipulations, le marwalach projeta sa proie brisée entre ses mandibules. Le corps, agité de soubresauts, disparut dans les tréfonds du système digestif.

Voilà 😀 C'est tout pour aujourd'hui ! Je vous souhaite une bonne semaine et vous donne rendez-vous bientôt pour de nouveaux articles !

GRAINES D'AUTEURS | Interviews d'auteurs & chroniques de livresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant