Interview n°2 - Flora Lune

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Le deuxième point, c'est qu'il y a "trop" d'oeuvres de littérature de l'imaginaire, et c'est difficile de trouver ce qui nous plait vraiment dans tout ce fouillis, et de tirer son épingle du jeu en tant qu'auteur, car comme on l'a dit plus haut, il est devenu très difficile d'innover, et quand on ouvre un livre, l'une des premières craintes que l'on ait c'est de tomber dans du "déjà-vu".

L'auto édition est donc devenue une solution pour beaucoup d'auteurs... une fausse bonne idée selon moi. Oui c'est clair que c'est gratifiant de voir son oeuvre enfin publiée et de pouvoir être recensé comme "auteur", mais le prix à payer, c'est une oeuvre qui n'a généralement reçu aucune correction de forme et de fond si ce n'est celle de l'auteur, et qui n'a aucun suivi de communication, de publicité... à moins d'avoir assez d'argent pour payer tout ce beau monde. Pour moi, l'édition classique est la meilleure, parce qu'on a en face de nous des gens qui connaissent leur métier, et qui vont faire tout ce qu'il faut pour que l'oeuvre sorte du lot et se vendent bien, il en va de l'argent qu'ils y ont investi. Alors certes, c'est une voie très fermée, quasiment inaccessible pour les jeunes auteurs, les remarques de l'éditeur ne font pas toujours plaisir à entendre... mais je pense que le jeu en vaut la chandelle.

Toujours sur les discriminations, on peut également remarquer que les littératures de l'imaginaire, en librairie, sont souvent campées par des hommes. On trouve très peu de femmes éditées dans le domaine. Penses-tu qu'il existe un certain sexisme du monde littéraire vis à vis de la fantasy et de la science-fiction ? Aurais-tu des propositions pour améliorer la condition des autrices dans les littératures de l'imaginaire ?

Questions de moeurs j'ai envie de dire. Même si les femmes se sont suffisamment battues et ont prouvé qu'elles pouvaient faire aussi bien que les hommes, ce n'est toujours pas ancré dans les esprits. Dans l'esprit collectif, quand on parle d'un truc "de femme", on pense forcément "de qualité médiocre". Dans l'esprit collectif, les seuls domaines dans lesquels une femme a le droit d'exceller sont la beauté, la cuisine... les domaines desquels les hommes sont absents en somme ! (Et encore c'est de moins en moins vrai pour la cuisine, à la maison c'est madame qui popote, mais celui qui est sur le devant de la scène, c'est monsieur... ). J'ai une histoire en tête, celle d'une femme qui avait envoyé un manuscrit sous son nom, et que l'éditeur avait refusé. La même femme envoie le même manuscrit au même éditeur, mais sous un nom masculin, et là, elle est rappelée. La misogynie dans le monde éditorial est bel et bien avérée, d'ailleurs il me semble que J.K. Rowling a préféré utiliser ses initiales pour cette raison-là... et je ne pense pas me tromper en affirmant que nombre de "grosses" maisons d'édition sont gérées par des hommes.

Les hommes manquent cruellement de confiance en eux, ils se disent que si les femmes commencent à "envahir" le domaine de la littérature (comme la plupart des autres domaines), elles vont les supplanter, et préfèrent cacher ça en affichant du mépris... ce qu'il faudrait, c'est changer cette manière de voir les choses. Les femmes ne font pas mieux ou moins bien que les hommes, elles font différemment.

Changeons un peu de sujet pour parler des réseaux sociaux. Tu as une page Facebook et tu es également membre de Wattpad France, l'un des plus gros rassemblements de Wattpadiens sur la plateforme. Il y a quelques temps, je décriais la pratique abusive de la publicité. Que penses-tu des plateformes d'écriture ? Sont-elles vraiment utiles ou encouragent-elles la course aux vues ? Que penses-tu de cette dictature de la publicité pour obtenir des lecteurs ?

Ah c'était toi ? :D

Je ne connais pas beaucoup de plateformes d'écriture à vrai dire, j'ai été un temps sur Skyrock mais encore fallait-il avoir des choses intéressantes à dire...

Concernant Wattpad, je pense que tout est dans l'usage qu'on en fait. Personnellement, quand j'ai découvert le principe d'échanges d'avis, ça a été une véritable révolution dans ma façon d'utiliser le site. Je suis partisane du "donner pour recevoir", autrement dit, j'allais souvent chercher des histoires à lire, je commentais de façon assez détaillée, et quand j'avais fini, je proposais à l'autre de venir lire mon histoire... sauf que 9 fois sur 10, je me heurtais à un "désolé j'ai pas trop le temps de lire en ce moment". Décourageant quoi. Au moins grâce aux échanges, c'est clair dès le début. Dans cette optique, Wattpad m'a effectivement permis de me faire connaître, mais surtout de découvrir de belles histoires que je n'aurais pas connues autrement... et de faire de belles rencontres aussi !

Après, c'est vrai que le système de classement est un engrenage qui encourage la fameuse "course aux vues" : plus on a de vues, plus on est haut dans le classement, et plus on est haut dans le classement, plus on a de chance d'être vu... dans cette optique, c'est naturel de vouloir se faire de la pub, mais c'est quasiment impossible de se maintenir dans la course si on ne partage pas avec les autres auteurs en lisant leurs histoires... et ça, beaucoup de gens qui font de la pub sauvage ne l'ont pas compris.

Pour notre dernière question, parlons de choses plus légères ! L'une des thématiques de ton roman touche aux anges. Pourquoi cette fascination pour ces êtres ? C'est un sujet assez courant en fantasy, comment te les as-tu appropriés ?

Je ne sais pas trop ce qui m'a poussée à écrire sur les anges en premier lieu, à part le fait qu'ils étaient présents dans DQ, mais sous une autre forme que celle que je leur ai donnée.

Les anges ressemblent énormément aux humains, à la différence qu'ils possèdent une paire d'ailes dont ils apprennent à se servir tout au long de leur vie (il faut cent ans pour en avoir la maîtrise totale). Ces ailes sont le reflet de ce qu'ils sont intérieurement, elles brillent par leurs actes d'amour, et se noircissent dans la colère et la haine. Ils peuvent éprouver des émotions comme la joie et la peine, mais doivent apprendre à les inhiber car elle les détourne de la vraie justice - or, c'est à ça qu'ils aspirent.

A partir de l'adolescence, les anges commencent à ressentir des émotions dont ils doivent se débarrasser car aucune ne peut être nuancée ou modérée, contrairement aux humains. Elles donnent à leurs ailes différentes couleurs : gris pour la tristesse qui conduit à des actes d'auto-destruction, le jaune pour l'envie et la jalousie, rose à violet sombre pour le désir... si ces couleurs perdurent, elles évoluent en haine, représentée par le noir.

Leur rôle est de maintenir l'équilibre entre les diverses forces et espèces, ce qui les pousse parfois à prendre part à certains combats contre les humains ou en leur faveur. Mais les premiers d'entre eux que Yuna rencontre sont des anges corrompus, qui ont les ailes entièrement noires et qui se servent de leurs pouvoirs à des fins personnelles.

Je voulais donner aux anges une dimension plus noire, plus sérieuse que celle dont on a l'habitude... ne pas en faire des être purs, mais aspirant à la pureté, ou y ayant complètement renoncé de la pire des manières.

Et bien sûr, c'est le rituel : donne deux mots à la personne qui passera après toi ! Elle devra les caser dans son interview. 

Hum... Je tiens à dire que j'ai galéré à caser les miens ! Pour le suivant, ce sera "flamme" et "berceuse" ;)

Merci beaucoup et rendez-vous dans deux semaines pour rencontrer un nouvel auteur !

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