[Milady] Les Nains, Markus Heitz

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Il faut cependant préciser que ce livre n'apporte rien de bien nouveau au genre fantasy, on retrouve un principe de quête sous forme de voyage initiatique avec un groupe d'aventuriers très atypique. Le méchant suprême est aussi un peu bateau et le combat final légèrement décevant, ce qui est vraiment dommage puisqu'il est vraiment le cœur du récit. En revanche, tout le charme sur scénario se trouve dans ses nombreux imprévus. Lorsque l'on se dit que ça ne peut pas être pire, Markus Heitz vous jette du haut d'une falaise vers le niveau inférieur des Enfers. Cela dit, ces rebondissements scénaristiques sont peut-être un peu trop nombreux, ce qui rend la lecture quelque peu frustrante lorsque l'on souhaite voir tel ou tel élément plus développé. La fin du deuxième tome est par ailleurs incroyablement frustrante, ce qui pousse immédiatement le lecteur à se jeter sur la suite des aventures de Tungdil.

En revanche, un gros point noir est à soulever sur ce roman, puisqu'il gêne la cohérence du texte. En effet, les personnages principaux sont beaucoup trop puissants. Même si les combats sont vraiment géniaux tant leur description est approfondie, nous imaginons difficilement deux pauvres nains s'en prendre à une armée entière d'orques surentraînés, capables de détruire des cités entières... et gagner. Même si les nains sont des machines de guerre surentraînées, il est difficile de croire qu'une armée de deux mille orques puisse être battue par deux individus de leurs opposants... Par ailleurs, dans l'ensemble du texte, les moments dramatiques sont assez mal gérés par l'auteur, nous ressentons difficilement le tragique de la situation, et surtout, le fait que les personnages s'en contrefichent la plupart du temps est un frein majeur pour les considérer comme des héros. C'est comme si vous perdiez votre meilleur ami, et que deux heures plus tard vous riez aux éclats comme si rien ne c'était passé, c'est l'impression que cette situation donne en tout cas.

3. Des personnages atypiques et dynamiques qui sauvent le texte

Puisque nous en parlions, abordons la question des personnages du roman. On peut dénombre trois personnages principaux : Tungdil, Boïndir et Boëndal, et à côté une petite trentaine de personnages secondaires, auxquels s'ajoutent une centaine de personnages « de décor ». Vous l'aurez compris, se perdre dans les personnages est très facile, surtout dans le peuple nain où une majorité des noms est compliquée à prononcer. Leur donner à tous un nom n'était peut-être pas forcément une bonne idée.

Cependant, les personnages principaux sont extrêmement bien développés, il est très facile de les identifier et de s'attacher à eux. Néanmoins, Tungdil reste un peu cliché, à cause du fait qu'il est orphelin, qu'il a un peu le même rôle que ces « élus » que l'on retrouve partout dans littérature fantasy, et qu'il est passé du « je ne sais rien faire » à « je suis une machine de guerre surentraînée » en cinquante pages, il fait un très bon chef de groupe et, chose rare pour les personnages de fantasy, il réfléchit avant d'agir. De plus, c'est un des seuls personnages du roman à assumer les conséquences des actes de son groupe, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, ce qui en fait un personnage attachant et très intéressant. Mais le fait qu'il ait été élevé par un mage humain le rapproche d'avantage de l'homme que du nain, ce qui rend le titre du livre quelque peu trompeur.

Ce qui fait réellement la force de ce groupe d'aventuriers unique est aussi certainement les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres. Là où nous avons une relation amicale dans plusieurs œuvres de fantasy, les relations sont ici plus tendues, voir problématiques, comme nous le verront notamment dans le deuxième tome, avec l'ajout de nouveaux personnages au groupe et le dévoilement de l'histoire arrière d'un des anciens présent. De plus, autre qualité, les personnages sont violents, ce qui permet un réalisme frappant, des scènes sanglantes et des blessures impressionnantes. Malheureusement, ce point prometteur est compromis par cette sorte d'invincibilité des personnages qui brise un peu la cohérence. C'est comme si l'auteur voulait les tuer, et se ravise au dernier moment. Ainsi, nous avons des scènes improbables de personnages se prenant des flèches dans la poitrine et retournant au combat quelques minutes plus tard sans être plus affecté que cela.

Puisque nous sommes dans les combats, discutons un peu des méchants ! Le Pays Sûr est peuplé de trois espèces majoritairement maléfiques : les orques, les Albes et Nôd'onn. Mais une chose est sûre, ce sont des méchants... méchants. Il n'y a aucune nuance dans leurs personnages, ils sont là pour faire le mal et cela se voit immédiatement. Ils ont plusieurs qualités, notamment le fait qu'ils soient sans pitié, mais également qu'ils fassent peur au lecteur, élément obligatoire pour tout bon roman. Cependant, cruel ne rime pas avec intelligent... Et c'est fort dommage. Les Albes réputés imprévisibles et invincibles ne le sont finalement pas tant que ça, les orques, cruels et sans pitié, se font expédier dans les Enfers par deux nains... Et Nôd'onn dans tout ça se révèle au final être le personnage le plus intéressant. Bien qu'il soit clairement l'image du mage habillé de noir, aux cheveux noirs, avec de la fumée noir, et des sorts maléfiques réputés infranchissables (en théorie, là encore...)

4. Les Nains : une volonté de réécrire Tolkien ?

Finalement, tous ces points négatifs nous amènent à penser que ce récit n'est pas si bien écrit que cela. Cependant, une interprétation plus poussée de ce dernier peut nous amener à penser que Markus Heitz s'est fortement inspiré de Tolkien, qu'il en a repris les grandes espèces et qu'il les a améliorées pour les rendre plus réalistes et violentes. Le scénario ne serait ainsi pas basé sur la quête de la Lame de Feu, qui bien que très intéressante reste finalement assez secondaire dans le texte, mais sur un nouveau travail des personnages du texte, qui sont pour les principaux développés à l'extrême.

Malgré tout, pour conclure, nous pouvons dire que ce texte est prenant, addictif. Il ne se veut pas spécialement développé, les amateurs de grandes descriptions seront par ailleurs certainement déçus, mais il se veut divertissant, privilégiant pour cela les scènes de combat aux scènes calmes, ce qui est à la fois un avantage et un défaut. Le passage d'un groupe de personnages à un autre est très fluide, mais donne néanmoins souvent l'impression d'un jeu de rôle au tour par tour, si bien que l'on se demande si Donjons & Dragons n'est pas l'une des sources d'inspiration de l'auteur. Le roman aborde des thèmes, certes déjà vus dans la fantasy, mais les amplifie également et les améliorent. Ainsi, les actes des aventuriers ont des répercussions sur le monde, que leurs actions soient bonnes ou non, ce qui donne vraiment une impression de réalisme à cet univers riche et cohérent.

Je conseille ce livre aux fans aguerris de la littérature fantasy et aux rôlistes, qui savent déjà à quoi s'attendre de préférence dans ce genre de texte. Un lecteur débutant ne saisira probablement pas toutes les références et aura du mal à se plonger dans l'histoire. Les personnages attachants sont la force de cette histoire surprenant qui devrait sans tarder gagner votre table de chevet.

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