Bonjour, bonjour ! Cette fois, ça y est, j'ai rattrapé tout mon retard pour les services presses Inceptio ! Je ne pensais pas voir ce jour arriver, alors applaudissez-moi, merci. Quoi on s'en fiche ? Bref, c'est parti pour la chronique du jour, sur un tout petit roman sympathique.
Run, girl, run
En 2072, la peine de mort a été rétablie en Europe. Le pouvoir croissant donné à la police a provoqué une flambée des arrestations injustes et des condamnations expéditives et un développement accru de la technologie pour traquer les rares criminels qui tenterait de passer entre les failles du filet.
Virginia fait partie de ces fugitifs un peu fous qui pensent pouvoir échapper aux outils d'espionnage de la police. Un matin, elle s'est réveillée à côté d'un cadavre, et elle est désormais recherchée pour meurtre. Même si elle clame son innocence, elle sait que si elle est arrêtée, elle mourra.
Pourtant, elle ne peut pas abandonner maintenant. Sa petite sœur, Hélène, atteinte d'une maladie, n'a plus beaucoup de temps à vivre. Son seul espoir est un produit inventé par Virginia que les médecins refusent de lui injecter. Pour qu'elle puisse s'en sortir, elle va devoir aller lui injecter elle-même, même si cela doit sceller son sort.
Par chance, la médiatisation de son affaire va lui donner un coup de main du destin inattendu.
Fugitive est disponible depuis le 9 juillet 2021 aux éditions Inceptio au format papier et numérique. Vous pouvez vous le procurer sur le site de la maison d'édition. Le lien est en commentaire.
Une course contre la mort
C'est un tout petit roman que nous offre cette fois-ci les éditions Inceptio, qui fait à peine deux cents pages. Et honnêtement, vous ne les verrez pas passer tellement l'intrigue est dense et prenante. C'est clairement une lecture idéale pour les vacances, ça se lit en un peu plus de deux heures à peine. Parfait à emporter pour la plage !
Le texte oscille entre science-fiction et thriller. Le texte est une chasse à l'homme (enfin... à la femme ici) géante où l'on suit le point de vue des traqueurs et de la traquée de manière assez égale, mais également les personnages qui subissent les conséquences de tout ça, notamment la famille de Virginia. C'est un roman basé avant tout sur l'action : on commence directement dans l'action, et ça se poursuit jusqu'à la fin.
Nous nous trouvons donc dans un futur proche terriblement d'actualité qui nous parle une fois encore des dérives de la technologie, notamment à des fins d'espionnage. C'est un sujet qui revient souvent ces derniers temps dans les médias, notamment avec la manière dont la liberté sur Internet est de plus en plus restreinte. Cette partie est d'ailleurs également abordée par l'apparition tout au long de l'intrigue de hackeurs dont je vous laisse découvrir la fonction par vous-même. Ici tout spécifiquement, on se place en plus dans une dénonciation du système judiciaire abusif, ici encore quelque chose d'extrêmement actuel pour toutes les raisons que l'on connait.
La restauration de la peine de mort est un choix intéressant qui vient appuyer un peu plus l'argument, notamment dans les dérives de ce que ça pourrait engendrer. On entend souvent aujourd'hui « ce type a de la chance qu'il n'y ait plus de peine de mort » à chaque fois qu'on voit un type qui fait de sales choses dans les médias, mais cela est-il justifié ? C'est le débat du livre, avec un personnage que tout accuse, mais qui continue de clamer son innocence. Virginia sait que si elle est prise, elle sera condamnée.
Le roman aborde également l'utilisation des réseaux sociaux et des médias à des fins plus positives et solidaires. Tout au long de sa cavale, Virginia va recevoir l'aide de plusieurs personnages pour survivre un peu plus longtemps. Il y a également des mentions de la Virgimania bien au-delà du cadre de l'intrigue, avec des gens qui aident à leur échelle en portant des coupes de cheveux similaires, des symboles. C'est un topos qui était utilisé dans Hunger Games déjà et que j'avais beaucoup apprécié pour sa symbolique très forte (notamment des personnages qui imitent les tresses de Katniss et, bien sûr, le symbole du geai moqueur), et j'ai beaucoup apprécié revoir ça apparaître dans ce roman.
Là où le roman va diviser, ce sera certainement dans le traitement des personnages. Aujourd'hui, on est quand même habitué à des types de dystopies basées sur l'émotionnel, avec des personnages féminins souvent proposées comme martyrs. Ici, on reste surtout dans l'action. Il y a assez peu d'émotions, il y a peu de développement de lien entre les personnages, et l'attachement au personnage peut être moindre. Mais je pense que, plus que le personnage, c'est à la symbolique qu'il représente qu'il faut s'intéresser, et c'est le cas pour tous les personnages du roman, qui sont plus le corps d'un emblème qu'un personnage avec lequel on va avoir un attachement émotionnel fort.
De même, le rythme du récit est très dense et rapide, ce qui va rebuter les lecteurs de l'imaginaire qui ont l'habitude de lire des intrigues qui tendent à s'étendre dans le temps. Je l'ai déjà lu dans plusieurs chroniques sur le roman. Pourtant, je trouve au contraire que ce type de narration est complètement pertinent et justifié dans ce cas précis. On n'est pas dans un récit avec une dictature à combattre sur le temps, on est à l'instant T, dans une course poursuite. Les fugitifs n'ont pas un rythme de vie paisible, ils passent leur temps à courir et à se cacher. Ils ne bénéficient pas de repos. L'intrigue du texte cherche à reproduire le rythme de la cavale : pas de temps morts, pas de chapitres de développement. On le voit d'ailleurs très bien : quand le personnage ralentit, elle est instantanément en danger.
Ainsi, pour lire ce livre, il ne faut pas simplement considérer l'intrigue de base, mais bien ce qu'elle sous-entend symboliquement et sa forme en elle-même, ce qui en fait un roman très original dans sa forme même. Le roman joue avec ses couches pour donner une expérience immersive au lecteur et pour qu'il retienne quelque chose de sa lecture. Pour moi, le pari est complètement réussi sur ce point.
Pour conclure, je suis vraiment contente qu'Inceptio ait donné sa chance à ce texte. Je pense qu'il fait partie de ces histoires vers lesquelles on ne va pas forcément, alors qu'elles ont un potentiel de fou furieux, et c'est cool de voir des maisons d'édition leur donner leur chance (un peu comme La déréliction de la chaussette trouée, qui est un peu dans la même configuration). C'était une très chouette découverte et j'espère en lire plus de ce.tte auteur.trice bientôt !
Un petit extrait ?
Le moniteur des signes vitaux n'affichait aucune amélioration. Désormais, Hélène passait plus de temps endormie qu'éveillée. Constamment épuisée, elle répondait avec peine aux questions des soignants.
La seule chose qui illuminait brièvement ses journées, quand Anna n'était pas là, était la visioconférence avec sa mère. Mais même cela, depuis quelques jours, lui coûtait en énergie.
« Je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir, Maman », répétait-elle régulièrement. « J'ai si peur. Vous me manquez tellement. Quel genre de monstre sépare ainsi une famille qui a plus que jamais besoin de se retrouver ? C'est donc toléré parce qu'une institution l'a décidé ? Où est la décence, ici ? Quand bien même Virgie serait coupable, et je sais très bien qu'elle ne l'est pas, qu'est-ce que nous, nous avons fait de mal ? »
Elle voyait bien dans les yeux de sa mère que c'étaient là des propos difficiles à entendre. Mais c'était plus fort qu'elle. La colère s'accumulait dans sa cellule hospitalière. Être dans les bras de sa mère et de sa sœur, c'est tout ce qu'elle demandait dans un moment aussi difficile. Lorsqu'elle avait encore l'énergie d'écrire, elle adressait des petits mots aux policiers qui alternaient la garde devant sa porte. Ces derniers avaient désormais l'ordre strict de ne plus les ouvrir, depuis que l'un d'entre eux s'était effondré de tristesse en lisant la lettre qui lui était adressée.
La jeune malade maniait les mots avec brio, et là, elle s'en servait en tant qu'arme. Il y avait tellement de rancœur en elle à évacuer. Par conséquent, lorsqu'elle écrivait pour remettre en question le sens du service – qui ici constituait à tuer le plus rapidement possible une jeune malade -, même le plus froid des hommes se retrouvait hanté par une culpabilité dévorante. Sa douleur de la séparation était transmise avec une justesse déroutante sur le papier.
C'est tout pour aujourd'hui ! Je vous souhaite une bonne journée et à bientôt pour de nouveaux articles 😀