Bonjour, bonjour ! Nous nous retrouvons en ce début de mois de juin pour une première chronique du côté de la science-fiction ! Ça faisait un petit moment que nous n'avions pas exploré de la dystopie, et donc j'avais hâte de m'y remettre.
L'humanité ne reproduit jamais les mêmes erreurs, jamais
Après une série d'événements mondiaux qui ont fragilisé l'Ancien Monde, la monarchie du Royaume-Uni s'est effondrée sur elle-même. De ses cendres est née la GRB, la « Grande République Britannique ». Originellement présentée comme l'espoir de pouvoir enfin changer les choses, elle ne tarda malheureusement pas à céder à ses anciens démons pour devenir une dictature où tout, de la pensée à la libre-circulation, est contrôlé par un seul et unique homme : Allen Hampden, le « Protecteur ».
Au printemps 2100, le régime, bien que faisant figure de monstre inatteignable, est en réalité plus instable que jamais. Le « Protecteur », paranoïaque, craint de plus en plus pour sa vie et a l'impression que même ses plus proches conseillers veulent sa mort. Pour regagner le contrôle de la situation et son prestige, il ordonne que l'on lui rapporte la tête du « Lettré », dirigeant de la Résistance, un mouvement de plus en plus important qui n'a qu'un seul but : le renverser. Ses quatre conseillers se mettent sur le coup, chacun avec une approche différente et plus ou moins dans l'optique de grapiller un petit peu plus de pouvoir au passage.
La quête s'annonce longue et compliquée, et les craintes du « Protecteur » se confirment. Mais qui va le trahir le premier ? Parviendra-t-il à arrêter le complot avant qu'il ne soit trop tard ?
Dans les entrailles corrompues du « Protectorat », beaucoup vont apprendre à leur dépens que leur socle de demi-dieu intouchable est en réalité en équilibre sur une Tour de Pise à deux doigts de s'effondrer.
Funeste Albion est disponible depuis le 12 avril 2021 aux éditions Beta Publisher. Vous pouvez le découvrir au format papier et numérique sur leur site web ! Le lien est en commentaire !
Dans les entrailles d'une dictature en décadence
C'est encore un excellent roman que nous offre Aymeric Janier, et qui est tout aussi qualitatif que le précédent, L'Étoile d'Orion, sorti en 2019. On reste dans le milieu politique et l'espionnage, mais cette fois-ci dans le cadre d'une dystopie qui s'entremêle avec du polar pour votre plus grand plaisir !
J'ai adoré le cadre de l'intrigue. Nous sommes dans le Royaume-plus-si-uni des années 2100, et qui est complètement métamorphosé : une guerre des classes où le moindre faux pas peut te valoir la mort, une guerre de pouvoir entre un dictateur paranoïaque et ses ministres moyennement fiables, une guerre entre une armée avec tous les pouvoirs et une Résistance plus rusée, une guerre de manipulation des mots pour un parti comme pour l'autre... Il y a énormément de petites intrigues qui mises bout à bout forment un grand tout chaotique et qui montre l'ampleur de la gangrène qui se forme sous cette Grande République Britannique.
À cela s'ajoute le fait que l'on a deux intrigues un peu parallèles, celle qui raconte comment on en est arrivé de la monarchie à ce nouveau régime, et celle qui explique ce qu'il est en train d'en advenir. On se rend vite compte que si tout est arrivé à la suite d'une chute de dominos aux répercussions de grande ampleur, le « Protecteur » n'a fait que la ralentir. J'aime beaucoup la manière dont on passe d'un Protectorat tout puissant et inébranlable au début de l'histoire, jusqu'à ce que l'on comprenne que tout n'est qu'une grosse façade bien plus complexe qu'elle n'y paraît et pas très, très stable.
C'est donc un texte à l'atmosphère plutôt sombre, ce qui se traduit notamment dans les descriptions des lieux, qui prennent beaucoup de symboliques, notamment le brouillard, qui revient à plusieurs moments de l'intrigue quand un personnage doit faire un choix crucial. J'ai trouvé ça super chouette et bien fait. Tout comme dans le précédent roman, aucun élément n'est laissé au hasard et tout, même les petites choses insignifiantes, peuvent avoir des conséquences catastrophiques. On en voit d'ailleurs un bon exemple avec un élément de l'histoire qui parait anodin et qui va provoquer beaucoup, beaucoup de problèmes, puisque ça va devenir l'élément déclencheur de l'intrigue.
Le cœur du récit, ce sont bien sûr ses personnages également, et ils sont nombreux ! Pas de panique néanmoins, tout est extrêmement fluide et on les différencie tous très bien. Le livre mélange différents points de vue, avec cinq vraiment importants : Allen Hampden, le mystérieux « Lettré », Evan Saint-John, Percy Fairfax et Elizabeth Cartwright. Chacun représente un rôle indispensable : la confiance, l'espoir, l'ambition, la rédemption et le changement. Tous les personnages sont extrêmement intéressants et problématiques à la fois, parce qu'ils sont à la fois un apport de solutions et un apport de problèmes supplémentaires, ce qui rend l'intrigue impossible à prévoir. Il y a énormément de rebondissements qui viennent changer et modifier le cours des choses, ce que j'ai beaucoup apprécié. La fin était un chouillas prévisible, mais tout le chemin pour y arriver ne l'est vraiment pas.
Parmi les personnages que j'ai beaucoup aimés, il y a le « Lettré », la figure un peu du grand sage, mais un grand sage loin d'être inoffensif. J'ai eu un peu l'impression d'être en face de Paathurnax, tu peux le croire jusqu'à un certain point, mais ensuite ? C'est un personnage assez intéressant qui se place directement en miroir avec Allen Hampden, le dictateur, qui lui vit le chemin inverse : alors que le « Lettré » tente de résister et de ne pas fonder un nouveau culte de la personnalité autour de lui, le « Protecteur » prend peu à peu conscience que sa position d'idole du peuple peut lui attirer des effets de plus en plus indésirables. C'est un personnage complexe et vraiment bien traité. Dans un autre registre, j'ai aussi adoré le personnage d'Elizabeth, qui représente le côté espion de ce nouveau livre, et avec qui se passe la majorité des scènes d'action, qui sont certainement les plus percutantes du livre tellement elles sont fortes en symbolisme et font froid dans le dos.
De manière générale, l'écriture est excellente. Si j'avais un petit reproche à faire, c'est la tendance à raconter l'histoire de certains personnages dans quelques chapitres, qui ralentissent un peu l'intrigue sans que ce soit vraiment nécessaire de temps à autre, mais dans l'ensemble, j'ai passé un excellent moment de lecture. Le texte est addictif, avec de vrais enjeux et de vraies conséquences qui viennent les seconder. On retrouve beaucoup l'influence de George Orwell, qui est d'ailleurs cité plusieurs fois, et cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de dystopie de ce genre, donc c'est un excellent point !
Encore une très chouette lecture à découvrir, elle vaut vraiment le coup !
Un petit extrait ?
Les hommes quittèrent la capitale par des voies séparées. Ils avaient une feuille de route très précise : enlever les intellectuels « récupérables », puis les transférer vers des « sites de redressement » — sortes de trous noirs où la torture était censée remettre de l'ordre dans leur esprit — ; abattre les autres et effacer jusqu'à la moindre trace de leur existence.
La première vague de rafle eut lieu sans surprise à Cambridge, fief frondeur que la Résistance avait infiltré sans trop de difficultés. Dans cette ville, la perméabilité aux idées antirépublicaines avait toujours été forte, et ce avant même la naissance de la GRB. Surpris, pour la plupart dans leur sommeil, les opposants n'eurent pas le loisir de s'enfuir ou de riposter. Certains subirent l'humiliation suprême d'être embarqués manu militari devant leurs proches.
[...] Dans nombre de villes, mais aussi au cœur des campagnes, le même scénario se répéta : des hommes et des femmes furent arrachés à ce qu'ils pensaient être une vie confortable, aux contours immuables ; des individus de tous âges qui, face à leur Némésis, virent soudain leur existence basculer.
Certains, comme par enchantement, tournèrent le dos à leurs convictions antirépublicaines, d'autres minimisèrent leur degré de collusion avec la Résistance. D'autres enfin se tinrent droit jusqu'au bout et refusèrent tout net de coopérer avec ce qu'ils nommaient « l'ennemi intérieur ».
Ceux-là eurent la tête recouverte d'un sac de toile noir et furent transportés dans des fourgons blindés vers un ailleurs dont ils ne revinrent jamais. Les forces de police traditionnelles, tout comme les « fureteurs », avaient reçu pour consigne formelle de ne pas intervenir, quoi qu'il se passât.
Et voilà pour aujourd'hui 😀 Je vous souhaite une bonne journée et vous donne rendez-vous très bientôt pour de nouveaux articles !