Fire & Gasoline (Terminé)

Drowning

Trois jours plus tard

Voilà cinq jours que je suis installée chez Esteban et que je n'en sors quasiment pas. La plupart de temps, quand je ne suis pas au travail ou en train de sortir Lazslo, je m'enferme dans ma chambre et prends quelques calmants pour dormir. J'ai du mal à manger et j'ai refais une crise d'angoisse en pleine nuit. Mais je me force à donner le change.

Je n'ai pas eu de nouvelles de Julio malgré mes nombreuses relances et je n'arrive pas à décider si c'est une bonne ou mauvaise chose. J'essaie de ne pas y penser, en vain. C'est là que les calmants sont utiles pour m'assommer pendant quelques heures. Mais la partie la moins drôle, c'est quand je me réveille alors que j'aurais voulu rester endormie pour toujours.

Comme prévu, ce week-end, Esteban a fait sa virée en moto entre copains et c'est Diego qui est venu me tenir compagnie. Je crois qu'il s'en veut vraiment pour ce qu'il s'est passé parce qu'il me porte vraiment beaucoup d'attention, comme s'il essayait de se faire pardonner. Dimanche, Hayleh et passée également, pour prendre de mes nouvelles, ce que j'ai trouvé à la fois touchant et profondément agaçant. Apparemment, la nouvelle s'est répandue et je suis désormais « Axelle, la fille qui s'est fait plaquer par Daryl ». Génial.

Entre temps, le Meridian Café a fermé pour congés annuels qui dureront un mois, ce qui m'arrange. Je vais avoir la divine possibilité de rester quasiment H24 dans mon lit à me morfondre. Mais pour faire ça sans qu'on m'emmerde, je dois rentrer chez moi. Et c'est ce que j'ai l'intention de faire.

Lundi matin, je me lève donc aux alentours de 10h, après avoir supporté une sale insomnie qui m'a tenue éveillée jusqu'à 4h du matin. Et comme tous les matins, mon premier réflexe est de vérifier mon téléphone, en attente de nouvelles. Mais encore une fois, rien. Lazslo me saute dessus pour me réveiller et je le câline tendrement pendant quelques minutes. J'ai pris l'habitude de dormir avec lui depuis le départ de Daryl, et sa présence me fait du bien. Je quitte mon lit et enfile un short sans regarder en direction du miroir. A ce stade, contempler mon regard vitreux, mon teint cireux et mes cheveux en bataille est au-dessus de mes forces. Je sors de la chambre, suivie par mon chien. Du bruit dans la cuisine m'indique qu'Esteban est déjà levé. Je l'ai entendu rentrer tard cette nuit. Je prends une grande inspiration, me compose une expression neutre parfaitement factice et entre dans la pièce.

« Salut, Este...Oh merde ! »

Je détourne la tête en plaquant ma main sur mes yeux. Trop tard. L'image est gravée dans ma mémoire à vie ! J'entends une grande agitation à quelques mètres devant moi.

« Putain, Axelle, qu'est-ce que tu fous là !

-Je viens déjeuner, abruti ! Depuis quand tu te balades à poil dans l'appart ??

-Je croyais que t'étais au taf ! »

J'ose jeter un coup d'œil entre mes doigts. Il a attrapé la première chose qui lui est tombée sous la main (le paquet de céréales) et le tient devant son entrejambe comme cache de fortune. Lazslo lui tourne autour en reniflant joyeusement. Je tourne de nouveau la tête en croisant son regard mortifié de honte.

« Je t'ai dit que j'étais en congés, le café ferme pendant un mois.

-Ah...j'avais oublié.

-...tu veux pas aller mettre un truc ?

-Euh, ouais. »

Il longe le mur, sa boite de céréales toujours judicieusement placée alors que je m'écarte de quelques pas pour le laisser passer. J'ai envie d'éclater de rire, ce qui est assez rare pour être souligné. Je me laisse tomber sur une chaise en soupirant et me sers un grand café. Je suppose que ce genre de choses arrive entre colocataires... Je relève le nez de mon mug lorsque Esteban revient dans la cuisine, en jogging. Il n'ose même pas croiser mon regard, ce qui m'arrache un sourire moqueur.