Fire & Gasoline (Terminé)

Pourquoi on coucherait ensemble?

Bon, ce n'est pas la première fois que je mets les pieds dans un milieu « plein de morts de faim » ! Franchement, entre le garage où j'entretiens ma moto, la salle de boxe et, il y a quelques années, mon travail dans un garage, j'ai rapidement compris comment me comporter dans ces cas là. Tout sourire, Daryl m'entraîne vers le groupe posé près de la sono et se met à serrer des mains et tchecker à tout va en me présentant au passage. Je n'ai pas une très bonne mémoire des visages et des noms, donc j'oublie rapidement la plupart des gens rencontrés mais je m'en fiche. Ils sont tous très accueillants et désireux de me mettre à l'aise. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouve avec une bière à la main, assise en tailleur par terre en train de parler moto avec Esteban. Daryl reste à côté de moi tout en discutant avec Diego et d'autres personnes et me jetant de temps en temps des petits regards fiers, genre « t'as vu ? Ils sont cools mes potes ». Ça me fait rire. Je commence à comprendre pourquoi il se sent bien ici. Malgré la sono qui diffuse un mix électro-rap dégueulasse, les bruits parfois envahissants des moteurs et l'odeur de marijuana quasi omniprésente, je me sens à ma place. Ça vient peut-être tout simplement de la diversité des personnes présentes, comme si tout le monde avait sa place ici. Le seul domaine dans lequel je dénote, c'est la tenue. La plupart des filles sortent manifestement le grand jeu pour ces soirées : robes moulantes, talons aiguilles, pochettes. D'autres arborent des shorts tellement courts que j'ai régulièrement l'impression de les voir cul-nu. Autant dire que je fais un peu figure d'ovni avec mon jean, mes baskets et mon débardeur !

« Tu t'y connais ! Tu fais de la moto depuis longtemps ? »

Esteban a l'air surpris de mes compétences en matière de mécanique. Il m'adresse un regard admiratif avant de se concentrer sur le joint qu'il est en train de rouler. Je bois une gorgée de bière.

« Assez, ouais. La première fois j'avais 14 ans. »

Je me souviendrais toute ma vie de ce jour, au collège. J'avais pris l'habitude de sortir en douce le soir pour retrouver des amis plus vieux que moi et, de fil en aiguille, l'un d'entre eux m'avait proposé un tour en moto. Bon, je ne conduisais pas mais déjà, les sensations m'avaient subjuguée. J'avais l'impression de voler, d'être invincible, inarrêtable. J'étais tombée folle amoureuse de ce sentiment de liberté et de toute puissance. Moins de trois mois plus tard, je conduisais seule une moto pour la première fois. Et la vitesse était devenue mon second amour, après les sports de combat.

« J'ai aussi bossé dans un garage, pendant quelques temps. C'était pas mal. »

Il hoche la tête avant d'allumer son pétard pour en tirer quelques bouffées.

« Faut que je te montre ma bécane. Tu vas halluciner.

-Ouais, ça fait trois fois que tu me le dis depuis une heure...

-J'attends que tu finisses ta bière. T'es lente. »

J'avoue que j'ai été tellement absorbée dans la conversation, j'en ai totalement oublié ma boisson ! Bon, pour ma défense, c'est ma deuxième et elle est presque finie. Je l'avale d'un trait, histoire de faire taire Esteban qui me regarde faire avec un petit sourire aux lèvres. Puis je me lève.

« On y va ? »

Il rit en secouant la tête comme si je venais de faire quelque chose de particulièrement drôle et se lève à son tour. Je tapote l'épaule de Daryl pour le prévenir.

« On va voir la moto d'Esteban. On revient. »

Le regard sombre de mon ami passe de moi à Esteban, s'arrête sur le pétard, revient sur moi, puis il hoche la tête.