Au fond du gouffre

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Dorian a tenu à appeler un taxi, arguant que je n'étais pas en état de marcher pendant deux heures. Bon, il avait visiblement raison puisque je me suis endormie dans la voiture. Je n'ai commencé à me réveiller qu'en sentant celle ci s'arrêter. Je distingue des voix, celles du chauffeur et celle de Dorian. Je voudrais me rendormir. C'est si bon de dormir... Je peux rêver de lui comme s'il était encore avec moi.

« J'vous attend là, m'sieur ?

-...Non. »

Une portière s'ouvre, pas la mienne. Je sais que je dois ouvrir les yeux, je dois me lever, marcher, monter les escaliers...vivre. J'ai pas envie. Un courant d'air froid m'agresse lorsque la porte de la voiture s'ouvre de mon côté.

« Axelle ? »

Je lâche un grognement. Dorian se penche sur moi pour détacher ma ceinture. Je sens qu'il passe ses bras sous moi pour me soulever.

Oh, non.

« C'est bon! C'est bon, j'suis réveillée. »

La vache, tout mon corps est engourdi et j'ai des fourmis dans les jambes... Combien de temps j'ai dormi ? J'essaie de m'étirer rapidement et de délier mes muscles endoloris.

« Ça va ?

-Oui. »

Non.

Maladroitement, je parviens à m'extirper de la voiture en m'accrochant à Dorian qui fait de son mieux pour me soutenir. Je sais pas trop comment je vais faire pour monter quatre étages... La portière claque, me faisant prendre conscience d'un détail important :

« Mais...j'ai pas payé !

-J'ai payé. Tu me rembourseras. »

Clairement, là, je n'ai pas la force d'argumenter donc je hoche faiblement la tête en enfonçant mes mains dans les poches de ma veste. Ça caille ici, c'est pas croyable ! Le taxi redémarre et s'éloigne dans la rue sous mon regard vide. L'immeuble a beau être devant moi, j'ai l'impression qu'il va me falloir un effort surhumain avant de pouvoir m'effondrer dans mon lit. Je tremble de tout mon corps et je dois serrer la mâchoire pour ne pas claquer des dents.

« Putain, t'es blanche, on dirait un fantôme.

-J'suis toujours blanche.

-Pire. »

Une couche supplémentaire se pose sur mes épaules, une veste doublée, agréable et chaude. Je me blottis dedans tandis que Dorian m'entoure de ses bras pour frotter mes épaules.

« Tu devrais voir un méde...

-C'est bon. »

Et pour appuyer mes dires, je me mets tant bien que mal en marche vers mon entrée. Les trois marches qui mènent à la porte sont un calvaire. Elles étaient beaucoup moins hautes dans mes souvenirs. Mais j'arrive à donner le change et à ouvrir la porte sans trop de problèmes. Dorian jure en découvrant les escaliers en piteux état.

« Quel étage ?

-Quatre. »

Je m'agrippe à la rampe pour commencer l'ascension de la face Nord de mon immeuble.

Courage, Axelle !

Droite. Gauche. Droite. Gauche. J'arrive au premier étage avec l'impression d'avoir monté l'Empire State Building. En plein milieu du second escalier, mon pied bute contre la marche que j'imaginais plus petite et je m'affale par terre sans aucune grâce.

« Merde ! »

Je me retiens de justesse d'une main, l'autre cramponnée à la rampe. J'en ai marre.

« Ça va ?

-Ouais... »

Et si je dormais ici ?

Je me relève lentement, dépitée par mon état. Je sais pas si j'ai plus envie de pleurer ou de frapper quelque chose. Dorian grommelle derrière moi :

« Bon, ça suffit. »

En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouve soulevée de terre et il me colle sur son épaule en mode sac à patate. Autant dire que la position a vite fait de réveiller ma nausée.

Putain...

Je n'ai pas le temps de protester que Dorian se remet en marche comme si je ne pesais rien. Je renonce rapidement à me débattre. D'une part, ça ne ferait qu'accentuer mon envie de vomir et d'autre part... D'autre part j'ai une flemme intense de monter les escaliers. Je crois que je pourrais totalement me rendormir, là...

« C'est quelle porte ? »

Sérieux, déjà ? Je relève la tête.

« Laisse-moi descendre.

-Alors tiens debout ! »

Il me repose doucement par terre, me permettant d'ouvrir la porte de mon appartement. Lazslo se précipite aussitôt dans mes jambes.

« Salut, toi... »

Dire que j'ai failli le laisser tomber plus tôt dans la soirée... Je suis une maîtresse indigne ! Je le pousse pour laisser entrer Dorian qui a aussi le droit à une petite fête canine. Dès que la porte est fermée, je me précipite dans la cuisine pour étancher ma soif. J'attrape une bouteille d'eau, la vide de moitié, la remplit de nouveau et la garde avec moi alors que je retourne au salon.

« Haï, Lazslo. »

Le chien se précipite vers moi en remuant la queue. Depuis le départ de Daryl, j'ai pris l'habitude de dormir avec lui. Sa présence me fait du bien. Dorian me jette un coup d'oeil interrogateur :

« T'as un lit à me prêter ou je rappelle un taxi ? »

Je hausse les épaules.

« Le clic-clac est sous tes fesses. Si t'as la flemme, j'ai un lit double. Fais comme tu le sens. »

Franchement à sa place, je ne resterais pas ici. Cet appart est dégueulasse, même pour une fille pas très maniaque comme moi. Mais je comprendrais qu'il soit fatigué, personnellement je ne rêve que d'aller me coucher. J'ajoute :

« Si t'as soif, sers-toi. Si t'as faim...bah j'ai rien à bouffer. Fais comme chez toi. »

Il hoche la tête. Un silence gênant s'installe pendant que j'attends sa réponse. Il n'a pas l'air de le réaliser, donc je m'éclaircis la gorge avant de demander :

« Du coup ?

-Quoi ?

-Clic-clac ou lit double ? »

Il hausse les sourcils avant de comprendre de quoi je parle.

« Clic-clac, ça ira.

-Ok. »

Je me rends donc dans la chambre pour récupérer les draps, la couverture et les oreillers que je lui apporte. Il me remercie sans me regarder.

« T'as besoin d'aide ?

-Non. Va te coucher, t'as besoin de dormir. »

Si tu savais !

Avec un sourire reconnaissant, je lui souhaite une bonne nuit avant d'aller m'écrouler sur mon lit. J'ai à peine le temps de retirer ma veste et celle que Dorian m'a prêtée avant de sombrer dans le sommeil.

Fire & Gasoline (Terminé)Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin