Fire & Gasoline (Terminé)

Go home, noob

L'oxygène semble soudain s'être raréfié autour de moi. Je sens à peine la main de Daryl se contracter sur la mienne. Mon cerveau semble se figer dans la glu avant de se remettre à fonctionner à toute vitesse.

J'ai bien entendu ? C'est moi qu'il veut défier ? Qu'est-ce qu'il me veut ce mec ? Je le connais pas ! Pourquoi moi ?

Ouais, fonctionner c'est un bien grand mot. Disons que mon cerveau formule en quelques secondes l'intégralité des chuchotis qui se mettent à parcourir la foule. Pas bien difficile de comprendre de qui il veut parler, des filles ici il n'y en a pas 50. Il n'y en a qu'une. Et c'est moi. Ce qui n'explique pas pourquoi il veut me combattre. Les yeux de Bennie parcourent le public avant de s'arrêter sur moi, comme deux rayons lasers qui me chauffent la peau. Voyant que je n'ai pas bougé, un sourire cruel étire ses lèvres. Est-ce qu'il me déteste autant que je le déteste ? Je crois plutôt qu'il est toujours ravi quand j'entre dans l'arène. D'après ce que j'ai pu comprendre, je fais monter les paris.

« C'est de toi qu'il parle, petite. »

Petite ?

Un jour faudra vraiment que je me décide à lui ordonner de ne pas m'appeler comme ça. C'est franchement humiliant. De nouveau, je sens la main de Daryl presser la mienne. Tous les yeux sont braqués sur nous. Est-ce que j'ai le choix ?

Peu importe.

Je vais régler cette affaire en deux-deux et ensuite, je me barre. Avec un haussement d'épaule qui a pour seul et unique but d'énerver mon adversaire, je lâche la main de mon ami. Je crois qu'il me dit quelque chose mais je ne l'entends pas. J'avance lentement dans l'arène avant de me débarrasser de mes chaussures et chaussettes. Une voix résonne dans la pièce :

« Fais péter le haut ! »

Des rires parcourent l'assemblée et j'essaie tant bien que mal de ne pas y prêter attention. Quelle bande de gros cons. J'attache rapidement mes cheveux, sous le regard cruel de mon opposant du soir. Bon, à première vue, il n'a pas l'air bien dangereux. Un peu plus grand que moi mais rien d'inquiétant, probablement plus lourd cela dit au vu de son embonpoint. Le genre rugbyman mais plutôt pilier, nourri au cassoulet et à la bière. Je lui adresse un regard hautain.

Il tient 3 minutes, pas plus.

S'il pense que sa carrure lui donne le moindre avantage sur moi, il se trompe lourdement ! Lorsque Bennie donne l'ordre de commencer, je ne prends même pas la peine de me mettre en garde. Le type grimace.

« T'as peur ? »

C'est marrant, au vu de son physique, on pourrait imaginer qu'il a une voix assez impressionnante mais en fait, pas du tout. Sa voix est fluette, très nasillarde et en fin de compte, plutôt désagréable. J'esquisse un sourire moqueur en ouvrant les bras d'un air de dire « viens vérifier, mon gars ! ». Il reçoit le message 5 sur 5 et se jette sur moi en essayant de me mettre une droite. Sans aucune difficulté, je l'évite et passe sous son bras pour me retrouver dans son dos. Il manque de tomber à la renverse, emporté par son élan. La foule hurle de rire. Je dois me retenir pour ne pas en faire autant lorsqu'il se retourne vers moi, cramoisi de rage.

« Tu galères ? »

Il ne répond pas et se contente de serrer les poings. Pour un peu, il taperait du pied comme un enfant en colère. J'esquisse un sourire moqueur qui ne le rend que plus enragé. Il se précipite sur moi et veut de nouveau me frapper au visage. Je pare un coup, en esquive un autre et l'attrape violemment par la nuque pour enfoncer mon genou dans son estomac. Il se plie en deux, le souffle coupé, et j'en profite pour tourner sur moi-même et lui envoyer mon pied dans la face. Il s'écrase sur le sol. En fait, c'est plutôt cool de se battre contre des débutants. On peut bien s'appliquer dans les mouvements et faire des prises qu'on ne pense pas à faire ou qui sont trop risquées en combat plus intense. Je me remets en garde en attendant qu'il se relève. Après tout, c'est lui qui m'a voulue. Alors j'ai bien le droit de m'amuser un peu. Alors qu'il a encore un genoux à terre, je passe mon bras autour de sa nuque et le bloque avec l'autre avant de me jeter en arrière. Son corps suit le mouvement et sa face s'écrase violemment sur le sol. Je me redresse en souriant. Les spectateurs hurlent leur joie de me voir défoncer un pauvre type et je crois que certains crient mon nom (ou alors ils crient « la fille », ce qui me gave légèrement). Au milieu du brouhaha, je distingue quelques voix venant de derrière moi, destinées cette fois à mon adversaire. Je regarde rapidement pour voir un groupe de mec (le reste de l'équipe de rugby?) qui vocifèrent rageusement. Enfin, surtout un parce que les autres affichent des mines de déterrées ou se cachent carrément le visage pour ne pas assister au spectacle. Lorsque mon regard croise celui du coéquipier bruyant, il fronce les sourcils en pointant un doigt accusateur sur moi.