Le café c'est dégueu

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« Axelle !! »

Putain, mais quoi encore ?

Depuis le début de ma journée, ça doit être la septième fois que Sam, mon patron, prononce mon nom avec agacement. Et je n'en suis même pas à ma pause déjeuner ! Je me retourne, sourcils froncés. Il me désigne une table vide mais pas encore débarrassée.

« Je t'ai demandé de débarrasser ça il y a 10 minutes ! Tu dors ou quoi ?

-Non, je m'occupe des clients ! »

Je vois du coin de l'œil mes collègues s'écarter d'un pas en entendant notre prise de bec. Ils en ont l'habitude et je sais qu'ils sont tous horrifiés par la façon dont je réponds à notre boss mais c'est plus fort que moi. J'ai toujours eu un problème avec l'autorité, et encore plus quand l'autorité en question est un pauvre crétin maigrichon que je pourrais faire pleurer d'une droite dans la face. La vraie question c'est : pourquoi ne m'a-t-il pas encore virée. Depuis 3 mois que je travaille ici, je pense lui en avoir donné de multiples raisons que ce soir par mon insolence ou ce qu'il appelle mon « caractère de cochon. ». Mais je crois tout simplement qu'il a la flemme de recruter un remplaçant. Je fais mon travail correctement, les clients n'ont pas à se plaindre et mes collègues non plus. En fait, je serais l'employée modèle si je faisais un peu plus d'effort pour faire semblant de l'apprécier. Mais voilà...j'ai pas envie.

« Active un peu, tu tournes au ralenti aujourd'hui ! »

Okey, là il me cherche totalement. J'attrape un torchon, un plateau et lui passe devant sans un mot pour aller débarrasser la table en question. Entre mon manque de sommeil et mes pensées qui dérivent beaucoup trop souvent vers Daryl, je dois admettre que j'ai du mal à m'atteler à la tâche aujourd'hui.

« Axelle ! »

Oh putain, je vais le frapper.

« Tu vois pas qu'il y a des clients qui attendent au comptoir ? Bouge-toi ! »

Okey, on reste calme. Tant que je suis dans la salle, je dois être polie et souriante. Je jette un coup d'œil aux clients en question. Jo, mon collègue, s'est déjà précipité pour s'occuper d'eux. Donc, aucun besoin pour Sam de me gueuler dessus. Donc, il voulait juste me faire chier. Donc, je vais me le faire. Je retourne en cuisine avec mon plateau que je pose brutalement à la plonge.

« Tu devrais te détendre, Axelle. »

Je me retourne pour faire face à mon enfoiré de patron.

« Me détendre ? Tu me gueules dessus depuis ce matin !

-J'essaie juste de te réveiller un peu ! T'as deux de tension, ça fait peine à voir ! »

C'est ta face de rat qui fait peine à voir, ducon.

J'attrape l'assiette de gaufres qu'un cuisinier a posé sur le comptoir.

« Je fais ce que je peux ! Et je m'en sortirai bien mieux si tu me lâchais la grappe deux secondes !

-Hey, je peux encore te faire une remarque ou deux ! Marmonne-t-il. »

Ah, il fait moins le malin quand je hausse aussi le ton ! Ça profite de sa position de patron mais ça préfère bouder comme un gosse dès que ça tombe sur quelqu'un qui ne se laisse pas faire ! Vraiment pathétique. Je me dirige vers la sortie.

« Oublie pas le...

-JE SAIS ! »

En passant, je chope une sucrière et j'amène le tout vers une table. Bon sang, je déteste ce job.

***

Lorsque vient enfin ma l'heure de ma pause, aux alentours de 11h, je retrouve Jo, un autre serveur et Ahmed l'un des cuisiniers pour manger un sandwich, dans l'arrière cour. Assis sur les marches de l'escalier en béton, en face des poubelles, c'est clairement pas l'endroit le plus cosy mais bon. Sam refuse de nous laisser manger en salle ou devant le snack. Et au moins, ici, on peut discuter sans qu'il nous entende, ce qui nous permet de l'insulter à volonté. Ce que je ne manque pas de faire, et ça fait bien rire mes collègues.

« Face de cul de blaireau ? T'y vas un peu fort, non ? Demande Jo pendant qu'Ahmed s'écroule sur les escaliers, hilare.

-Tu rigoles ? Ce con me cherche depuis ce matin !

-J'avoue qu'il est vraiment lourd aujourd'hui. Il a du passer une mauvaise nuit... »

Oui bah, je suis prête à parier qu'elle n'a pas été pire que la mienne et j'en fais pas tout un plat ! Je me venge pas sur lui au moindre problème donc j'apprécierais qu'il en fasse autant. Ahmed grimace.

« Bah c'est pas le seul ! Ma fille a pleuré toute la nuit sans qu'on puisse la calmer, c'était une horreur !

-Je croyais qu'elle faisait des nuits complètes maintenant ?

-En principe oui, mais là, elle a juste été insupportable. À vous dégoûter d'avoir des enfants...

-Et c'est que la première ! »

Nous rions ensemble mais je ne peux m'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur, comme à chaque fois que l'on évoque les enfants. Ça me fait toujours mal de penser que je n'en aurai sans doute jamais.

« En parlant de gosse, reprend Jo, Axelle t'as vu la famille qui était près de la fenêtre ?

-Ouais.

-Le gamin était absolument imbuvable. Il m'a fait chier pendant dix minutes parce qu'il voulait des chocapics.

-Sérieux ?

-Je te jure ! Et le père qui me regardait en mode « bah quoi, vous avez pas de chocapics ?? » Je les aurai baffé. S'ils veulent des céréales, ils ont qu'à en acheter au lieu de venir ici !

-T'aurais du leur dire.

-Merci, je tiens à ma paye ! »

Ahmed intervient, la bouche pleine.

« Ch'est chur, tout le monde est pas auchi inconchient que toi Akchelle ! »

Je souris en répondant.

« Heureusement, t'imagines l'enfer ?

-Mais ch'est clair que cha fait du bien de t'entendre remettre Cham à cha plache de temps en temps !

-J'avoue ! Approuve Jo, en fait ça nous soulage autant que toi sauf que nous on risque pas de se faire virer ! »

Je hausse les épaules.

« Il peut bien me virer, j'en ai rien à battre.

-Il le fera pas, remarque le cuistot, il a peur que tu le retrouves pour lui casser la gueule ! »

Nous éclatons encore de rire. En un sens, je crois qu'il a raison sur ce point.

« Si un jour il débarque avec une tête au carré et que je suis pas là, vous saurez ce qu'il s'est passé !

-Oh, j'adorerais le voir comme ça, rêve Ahmed, ça lui ferait fermer sa gueule quelques temps.

-Ouais. J'en ai presque hâte que tu te fasses virer ! »

Je donne une petite tape sur le bras de mon collègue.

« Rêve pas ! Si je saute, tu sautes avec moi !

-Quoi ?? Pourquoi ?

-On est une équipe, Jo ! T'as déjà entendu parler de l'esprit d'équipe ?

-Et toi t'as entendu parler du chômage ? Je lâche pas un taf pour tes beaux yeux !

-Mais t'auras pas le choix ! »

Nouveaux rires. Je sens soudain mon téléphone vibrer. Daryl ?

Arrête de penser à lui.

Je sors le portable mais ce n'est que mon alarme qui nous prévient que la pause est finie. Sam est du genre tatillon sur les horaires. Je me lève avec lassitude.

« Faut y retourner. »

Fire & Gasoline (Terminé)Where stories live. Discover now