Planque

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Le lendemain, Daryl nous emmène Lazslo et moi dans un immeuble du Queens qui sera notre nouvelle planque. Pour trois jours. Après ça, notre vie redeviendra normale, il me l'a promis. Je n'ai qu'à rester ici pendant trois jours, je ne sors que pour Lazslo et j'oublie ce que j'ai appris la veille. Et après, tout ira bien.

Tout ira bien.

Je ne suis pas sûre d'y croire mais j'essaie de m'en convaincre de toutes mes forces. Tout ça, ce n'est qu'une mauvaise passe et je m'y connais en mauvaises passes. Elles finissent toujours par passer.

Nous entrons tous les deux dans le studio sous les toits où je vais passer les trois prochains jours de mon existence. Après la villa de Diego, le changement est rude : une seule grande pièce avec minuscule salle de bain attenante, un matelas posé par terre, une petite kitchenette et une table sans chaises. Le côté chambre étudiante est renforcé par les fringues étalées par terre et les quelques cartons de pizzas et restes de fast-food, empilés près de l'évier. C'est le seul signe de vie dans ce lieu, les murs sont vides, nus et peints en gris froid. Un seul velux donne un peu de lumière.

« C'est là que tu vivais ?

-Entre autres. »

C'est ici qu'il passait ses nuits depuis plus de deux semaines ? Je ne retrouve pas l'image de Daryl dans cet appartement, je ne retrouve pas ses loisirs, ses passions, sa personnalité. J'ai l'impression d'entrer dans un studio mort.

« C'est l'endroit le plus sûr que j'aie trouvé. Julio ne sait même pas qu'il existe. »

Je hoche la tête en déposant mon sac par terre. Lazslo se met à fureter un peu partout, découvrant ce nouveau lieu inconnu. Après discussion et négociations, Daryl et moi sommes arrivés à un compromis : je ne retourne pas chez Diego et je ne suis plus sous la surveillance de Logan. Mais en échange, je m'installe ici et je n'en sors pas. Même pas pour aller à la boxe, même pas pour aller travailler lundi. Je me planque.

Pour trois jours.

« Alors tu vas aller où ? »

Je n'ose pas parler trop fort dans ce lieu si étranger. Daryl hausse les épaules.

« Ailleurs. T'inquiète pas pour moi. »

Finalement, à bien y réfléchir, je me demande si je n'étais pas mieux chez Diego... Cet appartement est si froid, si peu accueillant ! Savoir que je vais passer les trois prochains jours seule ici me serre la gorge d'effroi. Daryl m'a prévenue pendant notre discussion, comme un dernier atout pour me faire changer d'avis : il ne viendra pas me voir ici. Il ne faut pas que Julio sache où je suis. Et j'ai dû bloquer son numéro une nouvelle fois et promettre de bloquer tous les numéros qu'il utilisera pour me contacter. En gros, je disparais des radars. Je fais la morte. Personne à part lui ne sait où je suis. Je prends une profonde inspiration.

« Bon. »

J'aurais dû emporter deux ou trois livres. Je sens que le temps va être long. Daryl m'attrape la main pour me faire pivoter face à lui.

« T'es sûre de toi ? »

Non.

En voyant mon nouveau lieu de vie, je me prends à regretter ma décision. Au moins, chez Diego, je n'avais pas l'impression de vivre dans un lieu mort. Mais je vivais dans une villa payée avec de l'argent sale. Et ça...je ne peux pas l'accepter. Je hoche la tête.

« Ouais.

-Tu sortiras pas ?

-Promis. »

Je sais que me laisser seule ici lui coûte beaucoup. Mais pour que ça fonctionne, nous allons tous les deux devoir y mettre du notre. Après tout, c'est ce que font tous les couples, non ? Notre situation est juste...légèrement différente.

Trois jours.

Daryl sonde mon regard, visiblement inquiet.

« Ça va aller ?

-Oui. »

Il a passé tout le trajet à me donner des consignes visant à assurer ma sécurité. J'ai essayé de les retenir au mieux mais ce qui en est ressorti c'est que pendant trois jours, je serais morte.

Ça va aller.

Il acquiesce, plongeant son regard au plus profond du mien comme pour en retirer le moindre doute.

« Je dois y aller. »

Aussitôt, je baisse les yeux. Nous savons tous les deux ce qu'il va faire. Et j'essaie désespérément de ne pas y penser. Il attrape une mèche de mes cheveux pour l'entortiller sur son doigt. Je murmure :

« Alors...à lundi soir ? »

Il ne répond pas, les yeux fixés sur ma mèche. Puis son regard revient lentement se planter dans le mien.

« Ouais. »

Il a beau essayer de le cacher, je devine la peur dans ses prunelles marrons. Il est mort de trouille à l'idée de me laisser seule. Et même si je suis à peu près dans le même état, je veux le rassurer. Je pose une main sur sa joue, caressant doucement sa barbe naissante.

« Ça va aller. »

Il hoche doucement la tête alors que son regard tombe sur mes lèvres. Il mordille légèrement la sienne dans un geste si sexy que j'ai l'impression de sentir mon ventre chauffer. Presque instinctivement, j'approche ma bouche de la sienne pour l'embrasser. Ses mains glissent sur mes hanches pour me coller à lui. Je voudrais ne jamais le lâcher. Après un long baiser d'au revoir, il colle son front au mien.

« Oublie pas que je t'adore, ok ? »

Je souris.

« Moi aussi je t'adore.

-Cool. »

Là, c'est le moment où il doit me lâcher, se détourner, s'en aller. Mais il ne le fait pas. Au contraire, son pouce se glisse sous mon tee-shirt pour effleurer ma peau et il continue à me regarder comme pour graver les traits de mon visage dans sa mémoire.

« Tu me donnes des nouvelles.

-Oui.

-Régulièrement.

-Oui.

-Et tu sors pas.

-Oui.

-Et...

-C'est bon, Daryl, je sais. »

Il soupire doucement. Puis il dépose un autre baiser sur mes lèvres, un baiser plein de tendresse. Je frémis.

« Vas-y, maintenant. »

S'il continue comme ça, je ne réponds plus de rien !

Je le pousse un peu pour l'obliger à s'écarter de moi. Plus il repousse le moment du départ et plus je le redoute. D'ici quelques minutes, je me jette à ses pieds pour le supplier de ne pas me laisser seule, ce qui ferait un très mauvais effet. Il chuchote :

« A lundi, crevette.

-Fais gaffe à toi. »

Il acquiesce et me lâche enfin pour sortir du studio. Dès qu'il a fermé la porte, le froid m'enveloppe comme une bourrasque et me fais frissonner. Je m'assieds sur le matelas, le cœur lourd. Lazslo vient me rejoindre en jappant, sans comprendre pourquoi sa maîtresse est soudainement si triste. Je le serre contre moi et enfouit mon visage dans ses poils pour retenir mes sanglots.

Fire & Gasoline (Terminé)Where stories live. Discover now