Fire & Gasoline (Terminé)

You drive me crazy

Malgré ma courte nuit et ma langue un peu pâteuse, dimanche je suis allée à la salle, histoire de me défouler un peu. C'est comme si mon corps réclamait les sensations que je lui ai refusé hier en allant au Blue Cross sans me battre. Sitôt mon échauffement terminé, je me dirige droit vers les sacs de frappe et choisit l'un des plus gros pour m'acharner dessus. De toute façon, ils sont tous disponibles, la salle est quasiment vide ! Sans attendre, j'enfile mes gants et je me mets à frapper.

Alors que j'enchaîne les coups, je repense à cette étrange soirée et à ce que j'y ai appris. Cette histoire entre Dorian, Jordanne et Daryl me met gravement mal à l'aise. Je déteste l'idée qu'il ait pu faire un tel coup de pute à son ami. Mais je me vois mal aborder le sujet avec lui...il m'a parlé de Jordanne sans mentionner les détails, donc je suppose qu'il n'a pas envie de me le dire, tout simplement. J'ose espérer qu'il n'est pas fier d'avoir piqué la copine de son pote.

J'envoie un coup de poing phénoménal dans le sac, pivote pour enchaîner avec un coup de pied, relève ma garde, frappe du poing et...

« Salut, Axelle. »

Je me retourne vivement, manquant de balancer mon poing dans la face de la personne qui vient de m'interpeler : Daryl. Celui-ci lève son bras par réflexe pour se protéger.

« Hey !

-Oh, désolée ! »

Je recule d'un pas et stabilise le sac en reprenant ma respiration. C'est vraiment stupide parce que malgré tous mes doutes, toutes mes questions sans réponse, je suis toujours aussi heureuse de le voir. Le reste, je m'en fous. J'aime bien être avec lui, c'est tout.

« Ça va ? »

Il ne répond pas et lorsque je me retourne, mon sourire s'efface brutalement devant sa mine renfermée. Il a l'air en colère.

« Faut qu'on parle. »

Aïe. Comment exprimer à quel point je le sens mal ce coup-là ? Je hausse un sourcil perplexe.

« De quoi tu veux parler ?

-T'y es retournée. »

Ah. De ça.

L'envie de mentir me vient naturellement mais je comprends rapidement que c'est inutile. Ce n'était pas une question. Il sait que j'étais au Blue Cross hier. Je hoche la tête en essayant de ne pas avoir l'air coupable.

« Ouais...

-Pourquoi t'y es retournée ? »

Mesdames et messieurs, la question à 100 000 balles ! Pourquoi j'y suis retournée ? Pour me rapprocher de lui ? Pour apprendre des choses qu'il ne veut pas que je sache ? Pour me battre ? Je hausse les épaules et baisse les yeux sur mes gants que je retire machinalement pour me donner une contenance.

« J'sais pas. »

Daryl m'adresse un regard ahuri.

« T'y retournes sans savoir pourquoi ?

-J'étais curieuse, c'est tout ! »

Il secoue la tête avec véhémence et me pointe du doigt.

« Non, la première fois c'était de la curiosité. T'es venue pour voir ce que c'était, tu t'es battue et t'es repartie.

-Et je t'ai sauvé les miches...je grommelle.

-Revenir hier, c'était pas de la curiosité, Axelle ! Conclut-il sans tenir compte de mon interruption. »

Je pousse un profond soupir et lui adresse un regard agacé.

« Qu'est-ce que t'en sais ? Tu me poses une question, je réponds et t'es pas content !

-Tu me réponds de la merde !

-Ça te va bien de dire ça ! »

Il s'apprête à dire quelque chose, s'interrompt et ferme les yeux un instant, manifestement excédé.

« Putain tu vas me le ressortir à chaque fois ? Je t'ai dit que j'étais désolé !

-Désolé de quoi ? De m'avoir caché qui t'étais ? De m'avoir menti ?

-Je t'ai jamais menti ! »

Le nom de Jordanne me brûle les lèvres mais je le retiens in extremis. Je ne suis pas sûre que la mentionner maintenant tourne à mon avantage. Je me contente de lever les yeux au ciel.

« Comment je peux le savoir ? Tu me dis jamais rien !

-Putain, t'es gonflée, Axelle ! Tu m'avais dit que t'avais pas l'intention d'aller au Blue Cross et tu t'y pointes deux fois et après c'est moi le menteur ? »

Aouch. Touché.

Bon, là j'admets que je ne sais vraiment pas quoi répondre parce qu'il a totalement raison. Je détourne le regard, un peu gênée.

« Qu'est-ce que ça peut faire que j'y aille ? »

Il m'attrape par le bras pour me forcer à lui faire face. Son regard brun me transperce littéralement.

« Je t'ai dit que je voulais pas que t'y ailles. »

Je me dégage avec brutalité.

« T'as pas à décider pour moi, Daryl !

-Putain mais tu veux pas comprendre, hein !

-Je veux pas comprendre quoi ?

-Que je m'inquiète pour toi ! »

En temps normal, je suppose que cette phrase m'aurait fait plaisir. Sauf que là, je suis juste énervée, et là seule pensée qui me vient c'est « tant mieux, comme ça il saura ce que ça fait ! ».

« Et tu crois que je m'inquiète pas, moi ? Je t'ai vu te faire casser la gueule et maintenant tu veux me tenir à l'écart ?

-Et tu veux pas t'inquiéter depuis chez toi en m'envoyant des textos comme une personne normale au lieu de te pointer dans un sous-sol pour péter des gueules ?

- Tu me soûles, Daryl ! »

Excédée, je ramasse mes gants que j'ai jeté par terre dans un mouvements d'humeur et m'approche de Daryl pour planter mon doigt dans son torse, l'air menaçant.

« Tu veux que je te dise ? Peut-être que ça me plaît de me pointer dans un sous-sol et de péter des gueules et t'as rien à y redire ! »

Ça me plaît ?

Je reste un instant saisie par ce que je viens de dire. Mais je ne peux pas le nier : oui, ça me plaît. Et oui, j'ai l'intention d'y retourner. Daryl écarte mon doigt d'un mouvement.

« Putain, t'es vraiment trop conne !

-C'est ça ! »

Je m'éloigne de lui, furieuse et récupère mes affaires avant de rentrer chez moi.