Fire & Gasoline (Terminé)

T'as l'air salement amoureuse

Je suis montée dans la voiture avec un coup de pied dans le derche. C'était douloureux. Et ce n'est rien comparé à l'angoisse qui me ronge l'estomac comme un acide alors que Lorelei s'arrête devant l'immeuble de Daryl. Elle me jette un regard menaçant, comme pour me dissuader d'émettre la moindre suggestion. Je me mords la lèvre.

« Et s'il veut pas me voir ? »

Pourquoi voudrait-il me voir en fait ? Lorelei hausse les sourcils puis laisse échapper un rire en secouant la tête.

« Je vais attendre un peu ici. »

Super !

Envolée mon plan d'évasion consistant à entrer dans l'immeuble, attendre qu'elle parte et prendre mes jambes à mon cou ! Je grogne, ce qui ne la fait que sourire davantage.

« Allez, descends. Tu me remercieras un jour. »

Pas convaincue, j'ouvre la portière et quitte le véhicule sans un mot. Le jour décline petit à petit, colorant le ciel d'orange et de rose. Mon cœur bat tellement fort qu'il me fait mal et chacun de mes muscles semble peser une tonne. Mais le pire c'est cette boule d'angoisse qui me serre l'estomac et comprime ma gorge. Et s'il refusait de me parler ? Pour être honnête, je crois que c'est ce que je ferais à sa place. Je me suis comportée comme la dernière des abruties. Je me force à entrer dans l'immeuble et monter les escaliers pour me planter devant sa porte. Dès que j'aurais frappé, ça sera le point de non-retour. Je vais tout lui dire. Tout. Et j'ai hâte de pouvoir enfin lui parler à cœur ouvert, comme si j'allais me délester d'un poids trop lourd qui pèse depuis longtemps sur mes épaules. Lorelei a raison : je lui dois au moins ça. Surtout, j'ai hâte de voir son visage et entendre sa voix, ne serait-ce que quelques secondes. Je frappe trois coups sur la porte d'une main tremblante. Je sais qu'en quelques secondes, je peux le perdre. Je peux tout perdre. J'entends la serrure qu'on déverrouille puis le morceau de bois pivote pour laisser apparaître mon ami.

« Axelle ? »

Je ne sais pas trop à quoi je m'attendais mais il n'a l'air ni en colère, ni malheureux. Il a juste l'air surpris de me voir. Je m'appuie contre le chambranle de la porte, craignant de tomber dans les pommes aux premiers mots que je vais prononcer.

« Je suis désolée, Daryl. »

Bon sang, les larmes me montent déjà aux yeux ! Et impossible de savoir si c'est la peur de sa réaction, la tristesse de l'avoir blessé ou la joie de le voir enfin. Il me regarde de haut en bas, comme s'il avait du mal à me reconnaître.

« Je t'ai pas dit la vérité. »

Je t'en supplie, ne ferme pas la porte.

J'aurais pas la force de frapper de nouveau. Je me sens comme au bord d'une falaise, un pied dans le vide, à mi-chemin entre la vie et la mort. Prête à faire le grand saut. Je me lance :

« Je...je t'aime bien. Genre...vraiment, vraiment bien. »

Bravo.

On a jamais vu une déclaration aussi merdique. J'aurais dû préparer un truc classe au lieu de suivre Lorelei dans ses conneries, maintenant je passe pour la pire des débiles !

« Et j'ai pas envie d'arrêter de te voir... Je suis bien avec toi. »

Je sens que je me mets doucement à pleurer. J'ai l'impression de tout lâcher d'un coup. J'essuie rapidement une larme sur ma joue.

« T'es la seule personne avec qui j'ai l'impression d'être...heureuse. »

C'est tellement étrange de le dire à voix haute...Encore plus que de le ressentir. Quand on est plus habitué au bonheur, on a du mal à le reconnaître. Je baisse les yeux. J'aimerais ajouter tellement de choses mais je sens que les sanglots m'étranglent. Ils m'empêchent de parler. Le silence s'étire pendant une éternité. Toute ma vie est suspendue à ce simple instant. Tout le bordel qu'a été ma vie et que Daryl est venu bouleverser pour me faire sourire de nouveau. En fait, la meilleure chose qui me soit arrivée, c'est lui. Il se racle doucement la gorge.