Bonjour ! Sans doute la dernière chronique de ce mois d'avril avec un gros, gros roman (je peux vous garantir que si vous frappez quelqu'un avec, ça fait très mal) chez Inceptio Editions, scellant notre mois 100% science-fiction apparemment, vu que je n'ai lu que ça de tout avril ahah.
Dystopia est la suite directe d'Utopia, du même auteur. Cette chronique contient donc des spoilers. Si vous n'avez pas encore lu le tome 1, vous pouvez le découvrir en commentaire à cette ligne.
Attention, une communauté en cache peut-être une autre
Quelques mois après l'arrivée des Omégas à Elysia et la disparition du dirigeant de la cité, la situation politique reste tendue. Si en apparence, le peuple de Barthélémy a été accepté et les expérimentations sur ceux détenus prisonniers cessés, tout le monde ne partage pas l'optimisme d'Elias et de Caine, bien au contraire. Alors que tous les deux essaient de faire passer une série de lois pour donner aux Omégas les même droits que les autres, une série de meurtres inquiétants vient mettre en péril l'équilibre fragile sur lequel est posé la cité. Mais c'est loin d'être leur unique problème. Maya est en mission d'exploration, suite à la localisation de « nouvelles » cités de survivants.
À Arystra, une théocratie divisée entre les très pauvres et les très riches et obnubilée par le culte d'Holon, Veil Daylor, un jeune homme issu des Gutters, la partie pauvre de la ville, lutte pour survivre tout en s'occupant de sa mère à la mémoire défaillante. Alors qu'il se rend chez des amis proches, il ne trouve que des soldats et des corps. Fou de colère, il commet une erreur qui va lui coûter cher en les annihilant avec une force et des pouvoirs qu'il ne se connaissait pas. Ce qu'il ignore encore, c'est que ces pouvoirs sont les signes d'une appartenance aux paladins d'Holon, des êtres capables de dépasser l'ordre naturel et de s'exprimer à travers la magie. Cependant, ce n'est pas ce qui intéresse Veil. Ce qu'il veut, c'est une nouvelle justice pour son peuple. Une justice que son nouveau rang social pourrait bien lui permettre d'atteindre.
À Orancia, une cité émergée où le temps est littéralement de l'argent, l'arrivée de Maya vient donner un grand coup de pied au système fragile et précaire sur la ville est construite et alors qu'elle est déjà menacée par un facteur non-contrôlable par l'homme. Alors qu'Inaya Tempus, la PDG de la ville, décide de l'accompagner à Elysia pour signer des accords, sa jeune sœur, Tania, se retrouve seule à devoir gérer la grogne du peuple qui ne fait que s'empirer un peu plus chaque jour.
Elysia, Arystra et Orancia ont un point en commun : des failles magiques qui apparaissent, dont ils ne connaissent rien, et qui s'avèrent de plus en plus dangereuses. Alors que chacun tentent de trouver des réponses à leur problème, le destin va les pousser les cités les unes vers les autres, comme sur un grand échiquier où chaque mouvement a des conséquences désastreuses.
Pourtant, il n'y a qu'à la croisée des chemins que des réponses pourront être trouvées. À leurs risques et périls.
Ce gros bébé de 700 pages qu'est Dystopia est disponible au format papier et numérique depuis le 26 janvier 2021. Vous pouvez le commander sur le site de la maison d'édition. Le lien est en commentaire à cette ligne !
Prises de pouvoir et prises de bec
Eh beh, quelle lecture ! Le premier tome était déjà un gros pavé à digérer, mais celui-ci l'est encore plus. Il traite de tellement de choses différentes que j'ai beaucoup galéré à rédiger le résumé que vous avez au-dessus. Vous allez en avoir pour votre argent, vous pouvez en être sûr. Ce livre, il rassemble au moins quinze livres en un seul. Vous allez être plongés dans une expérience qui vous demande de garder plein de choses à l'esprit, parce que chaque chose, chaque événement, même infime, a de l'importance. Et c'est complètement fou !
Nous nous trouvons quelques mois après les événements du premier tome. J'avoue avoir été un peu confuse au début, parce qu'il se trouve qu'on ne commence pas du tout avec Elias et Caine, mais avec un certain Veil Daylor, qui est une énorme surprise et un parfait inconnu, nous y reviendrons. Je trouve que l'idée d'avoir élargi les frontières du premier tome est une excellente idée. J'avais un peu peur qu'on retombe dans le débat Omégas/Elysia, mais en fait, ça ne prend vraiment qu'un petit dixième de l'intrigue et c'est le juste équilibre. Très vite, nous sommes propulsés dans cette histoire de failles étranges. J'ai beaucoup aimé l'évolution de la cité. On savait à la fin du premier tome que ça allait être compliqué, et on ne peut pas avoir plus raison. J'ai beaucoup aimé la mise en avant des personnages qui s'étaient monté plus discrets dans le premier tome : Chloé, Lyna, Richard Flyn et bien d'autres qui prennent vraiment leur importance ici. Au niveau des intrigues d'Elysia, on reste globalement dans l'esprit du premier tome, mais les enjeux de ce deuxième viennent peu à peu prendre le dessus, ce qui renverse complètement le jeu des forces et l'image de ville indestructible du premier tome.
Mais les deux vraies nouveautés de cette histoire, ce sont Arystra et Orancia, les deux nouvelles villes. Une dans le désert, une dans l'océan, deux topoï de science-fiction en apparence assez connus. J'ai beaucoup aimé le travail pour les différencier à tout pris d'Elysia. Arysta et son despote à l'éthique plus que discutable, Orancia et son gouvernement fondé sur la corruption et l'argent... Ah, comme quoi, les humains n'ont pas beaucoup changé. Ces nouveaux types de gouvernements apportent de nouveautés et viennent mettre en lumière les problèmes, avec Elysia, de leurs modes de gouvernance. J'ai beaucoup aimé la manière d'amener la dystopie dans la chute progressive de ces trois villes, au point où l'on finit par se demander jusqu'où elles vont tomber.
Avec Arystra, on retrouve aussi le concept de la religion d'Holon, dont les lecteurs du tome 1 n'en gardent pas forcément un bon souvenir. J'avais le sentiment que cette histoire n'était pas finie, et ça ne fait que se confirmer dans cette nouvelle partie de l'histoire. La croyance, c'est un peu le cœur de cette deuxième partie. La croyance en l'argent, la croyance en les dirigeants, en la science, dans les pouvoirs des Omégas, la croyance que rien ne changera ou que tout est écrit. C'est très chouette de voir le thème être déclinés des dizaines de fois, ce qui agit comme un lien entre toutes les intrigues et un facteur de séparation.
De manière générale, le worldbuilding de ce texte est tout simplement incroyable. Pour lier autant d'intrigue et faire que tout soit clair à la fin, il faut du courage et une organisation de fou furieux, et rien que pour ça, ce livre mérite d'être lu. Si vous aimez les intrigues à plusieurs couches, et que quand tu atteins une couche, tu découvres qu'il y en a encore en-dessous, ce livre est fait pour toi. C'est un véritable marathon où tout a de l'importance, où on t'envoie des indices qui te mènent en fait à une autre intrigue, et pourtant, à la fin, tout a du sens. Il n'y a pas eu de choix faciles de faits dans la création de l'intrigue, ce qui est aussi un miracle. Il y a des dizaines de personnages, et pourtant, vous savez qui est qui, où il va et pourquoi, et quand le worldbuilding est quelque chose qui vous passionne, ça vous explose le cerveau. Les brouillons de ce texte doivent être un foutoir sans nom.
J'ai adoré l'histoire de ce second tome. J'ai eu un peu de mal à retrouver mes repères avec toute la nouveauté du début, mais à partir du moment où l'on retrouve les personnages du tome 1, on reprend peu à peu les marques. L'histoire est en trois parties, la première étant clairement un échauffement avant l'incroyable bazar des deux suivantes. C'est comme lire un film Marvel. Vous connaissez les personnages, vous apprenez à les voir évoluer et puis tout part en vrille en un battement de cil et vous devez retenir votre souffle jusqu'à la fin. Et vous avez plutôt intérêt à prendre une grande inspiration, parce que vous allez devoir le retenir longtemps votre souffle. Ce livre passe son temps à vous donner des micro-crises cardiaques, et vous achève à la fin au marteau, carrément. Oui, bon, c'est Inceptio, mais là, c'est du Inceptio en mode hardcore. J'ai mal à mon kokoro.
Au niveau des personnages, j'ai été ravi de retrouver Elias et Caine, qui maintenant qu'ils sont proches ont une complicité qui est super chouette à voir. Tu as envie de les tapoter sur la tête tout le long, même si Caine n'aimerait probablement pas. J'ai beaucoup aimé le personnage de Veil également, qui est plein de dilemmes entre son combat, ses opinions personnelles, l'envie de changer les choses mais la crainte de tout perdre si cela arrive. C'est un personnage ultra complexe et compliqué à appréhender, mais bon sang que ses scènes de baston sont badass. J'ai un peu moins accroché à Inaya et l'intrigue d'Orancia, que je trouve un peu laissée en second plan par rapport à Arystra, même si ça n'empêche pas de mettre en lumière l'immense tas de caca qui s'y produit.
En bref, ce texte est une excellente conclusion à Utopia et un énorme coup de cœur juste comme le premier. L'auteur a un talent fou dans la construction de mondes et de personnages, avec un accent sur des batailles traumatisantes et des personnages aux fortes têtes mais qui apprennent à travailler ensemble. C'est un livre qui prend du temps à lire le temps d'assimiler les informations, mais je peux déjà prédire que ce sera un de mes plus gros coups de cœur de cette année. Foncez découvrir la duologie si vous ne l'avez pas fait, vous ne le regretterez pas !
Un petit extrait ?
Veil s'était toujours posé la question de ce qui avait poussé Draconis à fonder Arystra à cet exact endroit. Toute son existence, on avait dit à Veil qu'il n'y avait aucun danger à ce que les Gutters soient au fond du Gouffre. La vie était déjà assez dure comme ça, riaient souvent ces derniers.
Ils avaient tort.
Car aujourd'hui, le volcan venait de se réveiller. Heureusement, le Gouffre ne se trouvait pas en son centre mais sur le flanc. Veil se précipita en courant vers le nord de la ville. Plus vite que jamais, sa grande taille jouant en sa faveur. Il sauta les débris, poussa sans ménagement certains réfugiés.
Une coulée de magma s'échappait du cratère fumant. La roche en fusion dégageait une telle chaleur, qu'à plusieurs centaines de mètres Veil dut s'arrêter, haletant. Ses poumons lui faisaient un mal de chien, ses cuisses étaient en feu, presque aussi brûlantes que la lave en face de lui.
Il contempla l'avancée inexorable de la marée de feu. Opaz le rattrapa quelques minutes plus tard, hors d'haleine. Il se passa une main sur le visage, rabattant ses cheveux fins en arrière.
— C'est la merde, chef.
Bien résumé.
La roche craquait sous la chaleur. La lave consumait tout sur son passage. Les champs qui s'étaient adaptés à la nature aride des terres devenaient poussières, s'envolant pour rejoindre celles qui tombaient habituellement sur les Gutters.
Les pyroclastes étaient déjà un signe en soi, réalisa-t-il. Il y en avait toujours, plus en hiver qu'en été, c'était cyclique, mais un volcan éteint ne devrait pas souffler de cendres.
Qu'est-ce que c'est encore ? se demanda-t-il. Devant lui, presque au centre du cratère, là où jaillissait le flot de lave, la fumée semblait être écartée par un éclat de lumière. Telle une illusion provoquée par la chaleur, une immense Faille découpait le paysage. Elle paraissait flotter en l'air, comme tenue par des cordes invisibles. Des arcs électriques animaient ses contours, comme des battements de cœur.
Et voilà pour aujourd'hui 😀 Je vous souhaite une bonne fin de semaine et à bientôt pour de nouveaux articles !