EUPHORIA [T1]

59. ISHA

Comme prévu, Key revint seul plus tard. Il semblait avoir envie de parler et moi, eh bien, j'avais quasiment toujours envie de la même chose. Du sexe. Avec lui, avec un autre, peu m'importait en fait, je voulais juste clairement baiser.

Je soupirai en fermant les yeux. Je ne le disais pas mais mon rôle était pesant, comme une fatalité contre laquelle je ne pouvais me battre. Quand l'envie venait, je ne pouvais qu'y succomber. Comme une drogue à laquelle je n'arrivais jamais à résister.

- Comment te sens-tu ?

- Tu veux parler, soupirai-je.

- Pas toi ? J'ai pensé que ça te ferait du bien...

- Ce n'est pas de parler dont j'ai envie, lui dis-je en le regardant droit dans les yeux.

Il ne répondit pas tout de suite. Je soupirai en tournant les talons. Je ne me voyais pas rester en sa présence dans l'état où j'étais. Je préférais rentrer dans l'Inner, aller rejoindre celui qui pouvait remplacer Rio quand je ne dormais pas.

- Où vas-tu ?

- Keman, ne me retiens pas sauf si tu peux assumer...

- B, où vas-tu ? insista-t-il en me tirant vers lui.

Je me penchai vers lui et l'embrassai. Il me rendit mon baiser, à ma grande surprise. Je le sentis me soulever avant de me déposer sur le bord de sa balançoire sur le balcon. Je croisai les jambes sur le divan moilleux qui se balançait doucement. Il prit une chaise et s'assit en face de moi avant de murmurer :

- J'aimerais que l'on parle avant s'il te plaît. Dis-moi si tu vas bien...

Je ne sus que répondre. Non, je n'allais pas bien mais je n'allais pas le dire parce que je pouvais me débrouiller toute seule, je n'étais pas sa princesse fragile ou une de ses filles qui dépendaient d'un homme. A mes yeux, un homme n'était utile que dans un lit ou alors bon à être utilisé à mes fins, rien d'autre.

- Ne joues pas les psy avec moi.

- Tu ne veux pas parler ?

- Non.

Key soupira, un air pensif. Je me penchai vers lui et m'arrêtai à quelques centimètres de son visage, lui donnant le choix. Il franchit la distance qui nous séparait et m'embrassa. Je passai aussitôt mes bras autour de son cou et l'attira vers le lit avec moi.

Tragiquement, être abusé sexuellement avait un impact si grand en moi que mon corps avait gardé l'habitude d'avoir des relations sexuelles tout le temps, si bien que j'étais souvent en manque mais pouvoir choisir comme maintenant qui serait mon partenaire était un lot de consolation bien maigre, bien que c'était déjà ça. Et surtout être d'accord, c'était nouveau.

Le sexe était connu pour être addictif et j'avais eût la confirmation en lisant des livres sur le sujet. Chaque victime réagissait différemment, certains se faisaient plaisir, d'autres se prostituaient ou encore avait des relation sexuelles avec n'importe qui. Il y avait d'autres comportements destructeurs mais j'étais au moins sûr que nous avions ces trois là.

Ce n'était pas en vain que l'on m'avait transformé en toxicomane ou plutôt nymphomane, une accro au sexe. Cela faisait des victimes plus obéissantes et qui rapportaient gros puisque je savais satisfaire un homme de tellement de façon que les clients de Zeus repartaient toujours content, ne manquant pas de revenir.

Et puis, parfois, dans l'abus, on ressentait du plaisir, même maltraité, ce qui nous plongeait encore plus dans le trouble et la culpabilité. Un autre moyen de nous contrôler d'après Lionel .

- B !

Je sursautai et regardai Key qui me fusillait du regard. Il me lâcha et se relevai pour quitter le lit, je le retins en marmonnant :