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Keo revérifie ses sacs de nourriture dans la fièvre. Une bonne chose qu'il les avait préparé à l'avance, car ça nous fait gagner du temps. Ensuite, nous allons nous équiper dans le petit arsenal au fond du couloir. La pièce - qui n'en est même pas une à proprement parlé - est tellement exiguë qu'une fois à l'intérieur, nous y sommes serrés. Je fais rentrer des sachets de munitions dans mon sac, tandis que Keo glisse un pistolet à sa ceinture. Il ne veut décidemment pas se séparer de son fusil qui se balance très légèrement contre son flanc lorsqu'il fait un geste. Je remplace mon ancien pistolet par un neuf du même modèle, et fait passer au-dessus de ma tête la sangle du fusil que j'ai choisi. Je n'aime pas trop les armes d'épaules, principalement parce qu'ils sont un peu lourds pour moi. Mais étant donné les circonstances, je ne peux pas me permettre de m'aventurer dehors avec seulement un pistolet dans le holster.

- Comment va-t-on faire une fois que nous serons dehors, Keo ? dis-je alors que nous nous engageons dans le couloir. Je veux dire, tes yeux ... Ils ...

J'ai du mal à trouver mes mots. Heureusement pour moi, Keo vient à ma rescousse.

- Bah ... Ca va être compliqué de me fondre dans la masse, c'est vrai. Mais t'inquiètes. Si jamais je me retrouve en danger, je fermerais les yeux va.

Il accompagne ses paroles d'un petit rire, que je trouve incongru vu la situation.

- Keo, soupiré-je tandis que nous atteignons le salon. Je suis sérieuse. Tu vas être la cible de tous les rouges !

Il s'arrête face à moi pour poser ses grandes mains sur mes épaules. Ce simple geste parvient à peine à calmer l'angoisse qui m'a gagné depuis le départ de Laslo.

- Eh, je t'ai dit que ça va aller. C'est pas la première fois que je vais me balader en territoire ennemi. Depuis tout petit je me faufile entre les rougeauds sans qu'ils me voient, c'est pas maintenant que ça va changer. Alors déstresse, OK ?

Je hoche la tête sans conviction. Quelque chose me dit que ce n'est que pour me rassurer qu'il se montre aussi confiant. Ses iris bleus, tellement brillants qu'ils me font penser à deux fragment d'étoiles, tremblent tout autant que les miens. Mais lui au moins, il parvient à se contrôler. Moi ? J'ai l'impression de manquer d'oxygène, comme à chaque fois que je suis en proie au stress.

- T'as pris tout ce qu'il te fallait ? me demande l'adolescent en s'agenouillant pour renouer les lacets de ses rangers. Parce que tu sais, on reviendra plus ici.

J'acquiesce. Je me suis forcée à ne rien prendre d'autre que mon carnet de croquis, un crayon et une gomme. Si ça ne tenait qu'à moi, j'aurai emporté toutes mes créations, ainsi que quelques affaires de maman. Mais à quoi bon se surcharger inutilement ? Ça me fait de la peine de tout laisser derrière moi, sauf que je n'ai pas le choix.

- Comment est-ce que nous allons faire ? dis-je. Laslo va arriver au Centre de Communication beaucoup plus tôt que nous. Nous n'arriverons jamais à temps ...

- Ouais, sauf qu'il n'est pas question pour nous d'aller là-bas.

- Euh ... Mais pourquoi ?

Il se relève et me regarde de toute sa hauteur.

- Neela, tu l'as toi-même dit. Le temps qu'on arrive, ce dégénéré aura déjà tout balancé aux informateurs. Ça sert à rien. Autant nous enfuir tant qu'on le peut encore.

Je n'émets pas de résistance lorsqu'il m'attrape le poignet pour m'entraîner hors de l'appartement, parce qu'il a raison. A part nous faire tous les deux tuer, rejoindre Laslo dans le C.D.C n'aurait aucune utilité. Tandis que nous descendons les escaliers à une vive allure, je fulmine intérieurement. Je n'arrive pas à digérer le fait que j'ai laissé partir Laslo sans broncher. Pourquoi n'ai-je rien fait pour l'empêcher de sortir de l'appartement ? Je dois avouer que le rouge est drôlement malin. Il nous a pris de court avec son appareil photo. Lorsque je m'étais réveillée de ma léthargie, il était déjà bien trop tard.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant