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Je n'arrive pas à croire que Niveus, le dirigeant des incolores que personne ne connaît - pas même les incolores eux-mêmes -, veut que nous ayons la vie sauve, Keo et moi. Le pire, c'est qu'il a tenu à ce que la région toute entière le sache. Ils ont lancés des milliers et des milliers de flyers dans probablement toute la France Rouge. Comment ? En survolant la région à bord d'hélicoptères volés.

Nous sommes restés un court moment à se regarder les uns les autres, et puis Wyatt s'est éclairci la gorge avant de prendre la parole. Il nous a expliqué que Niveus a sous-entendu que si les rouges tentaient quoi que ce soit pour nous blesser, les incolores passeraient à l'action pour nous défendre.

- Mais euh, je pensais que les incolores étaient contre la violence ? ai-je dit en fronçant les sourcils.

Wyatt m'a répondu de sa voix calme et posée :

- C'est le cas. Mais parfois, rester les bras croisés devant une mauvaise situation est inutile. Il faut forcer les choses pour faire réagir les gens. Tu comprends ?

J'ai hoché la tête, sans conviction. Je voulais lui poser plus de questions, mais Clora nous a dit qu'il fallait remonter dans la voiture au plus vite, tant que les rues étaient encore peu animées. A présent que nous sommes dans le véhicule, Clora continue de conduire tandis que nous autres restons baissés.

Au bout de quelques heures, mon dos me lance à force de rester dans cette position inconfortable. Mais je tiens le coup en me concentrant sur le bruit du moteur. Je suis une fois encore assise entre Wyatt et Keo. Après la discussion que j'ai eue avec ce dernier la veille, j'ai encore un peu de mal à le regarder. Pourtant, je sens son regard sur moi à quelques reprises. Je me demande ce qu'il doit penser de moi ...

Accablée par la fatigue, je m'endors sans le vouloir, ma tête posée entre mes bras. Mais ma sieste ne dure pas longtemps, car je me fais réveiller par Clora qui s'écrie :

- Non, la poisse !

La voiture fait une embardée, projetant tous ses passagers vers l'avant. Je fais mine de me redresser, mais je me souviens aussitôt que je n'ai pas le droit de m'exposer aux vitres, à la vue du monde extérieur.

- Qu'est-ce qu'il y a ? dis-je, alarmée.

- Les patrouilleurs sont en train de faire arrêter les voitures pour un contrôle d'identité !

- ... Quoi ? s'exclame Keo.

La jeune fille laisse échapper un juron et s'arrête malgré elle derrière une voiture rouge.

- Il suffit qu'un soldat s'approche un peu et il remarquera que j'ai les yeux bleus ! Quelle poisse ...

- Mais ... souffle Mehdi d'une voix faible. Il doit bien y avoir un moyen d'éviter les patrouilleurs, non ?

- Impossible. Si notre voiture sort de la file, ils le remarqueront aussitôt ... Et là tu pourras être sûr que tous les patrouilleurs se mettront à nous poursuivre ! Nous sommes bloqués.

Pour la première fois depuis que je suis montée dans le véhicule, je tourne la tête vers Keo. Il en fait de même. Nous nous regardons dans le blanc des yeux durant quelques secondes. Je dois tirer une tête d'enterrement puisqu'il me chuchote :

- Déstresse. Ça va aller.

Mais Clora n'est pas de cet avis-là.

- Comment est-ce que ça pourrait aller ? s'indigne-t-elle. Nous sommes littéralement faits comme des rats. Il n'y a aucune issue possible pour nous ! Je n'aurais jamais dû participer à cette mission suicide ...

Et elle continue de geindre toute seule. Elle est probablement trop concentrée à maudire les rouges qui passent de voiture en voiture pour remarquer Mehdi qui sort discrètement le pistolet que lui a donné Keo - car ce dernier est plus à l'aise avec son fusil - avant de s'assurer qu'il est bien chargé et chambré de munitions.

- Mehdi ? je lance. Qu'est-ce que tu fais ?

La conductrice détourne le regard de la rue pour se focaliser sur le concerné. Elle écarquille les yeux.

- ... Mehdi ? répète-t-elle, ahurie.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant