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Je dépose sèchement mon arme par terre et vient applaudir doucement, tout en affichant un sourire amer.

- Bravo. Tu m'as bien eue avec tes belles paroles et ton jeu d'acteur. Tu as été remarquable ! Grâce à toi, les incolores vont avoir une nouvelle recrue. C'est ce que tu voulais, pas vrai ? C'est pour cette raison que tu t'es donné autant de peine pour moi, pour que les rangs des incolores s'agrandissent, je n'ai pas raison ? Fantastique. Niveus va être ravi d'apprendre que tu as réussi à me rallier à votre cause, contre mon gré !

- Mais pourquoi est-ce que t'es aigrie comme ça ? me demande-t-il brusquement, presque en crachant. Je t'ai déjà dit que c'était la raison qui m'avait poussé à accepter de te sauver au début ! Je te connaissais même pas !

- Je t'ai dit d'arrêter de me mentir Keo.

- Mais je te mens pas !

Je lâche un petit rire sec avant de lever les yeux au ciel.

- Alors dans ce cas, dis-je en reportant mon attention sur le bleu, pourquoi est-ce que tu as dit à Clora que tu faisais « seulement ton boulot » hier, lorsqu'elle parlait du comportement que tu as avec moi ? Je doute qu'il s'agisse pour ma mère. Maintenant qu'elle euh ... Qu'elle n'est plus là, elle ... Tu ... Tu n'as plus à te soucier de tenir ta promesse ou non ...

J'ai envie de me donner une claque sur la figure. Qu'est-ce qu'il me prend de m'emmêler les pinceaux ? Voilà que je perds toute crédibilité en face de ce manipulateur. Je n'aurais pas dû évoquer ma mère, ça me déstabilise. Ça me rend plus faible. Et je déteste ça.

Le visage de l'adolescent se détend. Il se mord la lèvre inférieure un instant, avant de se rapprocher un petit peu plus de moi. J'hésite un instant à reculer. Je finis par rester là où je suis, car à quoi bon ? Je sens qu'il tentera de se rapprocher davantage, si je m'éloigne trop.

- Tu comprends vraiment rien, me réponds-t-il d'une voix douce. Te faire devenir incolore était peut-être ma motivation pour te sauver au début, en plus d'aider ta mère, mais ... Ca a changé quand j'ai appris à te connaître.

Non. Ça recommence. Mes joues s'enflamment à nouveau, mon rythme cardiaque s'emballe, mes yeux se baissent vers le sol. J'avais détaché ma chevelure pour dormir, et à présent elle tombe devant mon visage, sombre et épais rideau me protégeant de ce garçon qui fait naître en moi des émotions aussi intenses que contradictoires.

Comment se fait-il que dans un moment aussi important, Keo réussit à me mettre dans un état pareil ? J'imagine que lui seul en a le secret. J'ai l'impression d'être retournée à il y a quelques jours, lorsque nous nous étions tous cachés dans un immeuble abandonné pour y passer la nuit. J'avais fait un cauchemar, et Keo, qui était de garde, m'avait pris dans ses bras pour m'aider à me rendormir. Je me souviens très bien du martèlement de nos deux cœurs battant à l'unisson, des doigts chauds du garçon me caressant les cheveux, de son souffle régulier qui réchauffait ma nuque.

Pourquoi est-ce que je repense à ça, dans un moment pareil ?

- Je ne te crois pas, dis-je baissant derechef la tête. Tu continues de mentir.

Pourquoi est-ce que j'ai du mal à garder mes yeux rivés sur ceux de l'adolescent ?

- Qu'est-ce qui te fait croire que je mens ?

Il se rapproche davantage. Trop près, il est trop près.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant