Neela

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Il glousse légèrement, puis recule enfin de quelques pas. Je réalise que même si Laslo boite, il reste tout de même assez rapide.

- Qu'est-ce qui te fait croire je compte me battre ?

- Tu tiens un couteau dans ta main, intervient Keo. Espèce de débile.

Laslo plie aussitôt son couteau et le range dans sa poche. Ensuite, il lève son bras et nous montre son objet rectangulaire. Je me rends compte qu'il s'agit de son appareil photo, celui que sa grand-mère lui avait offert. Mes sourcils se froncent.

- Euh ... marmonné-je. Je ne comprends pas ...

- Tu te souviens lorsqu'un jour je t'ai dit que je voulais faire quelque chose de spécial, pour que les Informateurs me remarquent ? Eh bien ... Je crois que je sais enfin ce que je vais faire. Je n'aurais jamais trouvé si tu n'avais pas trahi la région, Neela.

Ni une ni deux, il positionne son appareil photo devant son visage et appuie sur le déclencheur. L'objectif me fait penser à l'œil unique d'un cyclope, qui nous fixe pour tenter de nous déstabiliser. Ca réussis plutôt bien, puisque je frémis lorsque le flash blanc me frise les yeux.

- Qu'est-ce que tu fous ? s'exclame Keo en raffermissant sa prise sur le poignet de son arme d'épaule. Tu tiens vraiment à crever, c'est ça hein ?

Laslo l'ignore à nouveau. A la place, il abaisse son appareil et me lance un sourire triste.

- C'est fini, Neela. Tu ne pourras plus jamais essayer de manipuler les rouges, puisque tout le monde saura qui tu es vraiment.

Il passe la sangle de l'appareil photo autour de son cou et recule lentement.

- J'espère que tu te rendras comptes de tout le mal que tu as fait quand ils viendront t'arrêter.

Je le regarde s'éloigner en boitant. Je suis bien trop sonnée par ses paroles pour réagir, et mes pieds sont comme vissés au sol. Il disparaît du salon, puis peu de temps après, la porte d'entrée se ferme en claquant. Keo abaisse enfin son arme et fait volte-face.

- C'est ton « ami » qui avait essayé de te tuer vendredi dernier, hein ? débite-t-il. Qu'est-ce qu'il voulait encore ? Et comment il a fait pour venir jusqu'ici ? Pourquoi est-ce que ...

Il me pose d'autres questions d'une voix qui découle toute l'urgence de la situation, mais je ne l'écoute pas. Je repense à tout ce que Laslo vient de dire. A son attitude bizarre. A son appareil photo qu'il a ramené avec lui, pour voler un cliché de Keo et moi. Et soudain ... Les pièces du puzzle s'emboîtent. Mes yeux s'écarquillent d'horreur.

En voyant que je ne réagis pas, Keo pose ses mains sur mes épaules et me secoue sans ménagement. Il me crie quelque chose pour me faire sortir de ma torpeur. Je m'arrache brusquement à son étreinte et traverse le salon telle une furie. Arrivée au vestibule, j'ouvre la porte d'un coup et me rue vers les escaliers. Je descends les marches si vite que je loupe une marche et manque de glisser. Je me retiens à la rambarde au dernier moment.

Quand je sors de l'immeuble, je comprends tout de suite qu'il est trop tard. J'ai à peine le temps de voir la motocyclette de Laslo s'éloigner au loin dans la route, avant qu'elle ne disparaisse de mon champ de vision. Je reste plantée là sur le bitume, le visage décomposé. Quelques secondes s'écoulent avant que Keo me rejoigne à son tour, complètement déboussolé.

- Mais qu'est-ce qu'il t'arrive Neela ?

Il me prend le poignet et me fait rentrer dans le hall de l'immeuble, sans doute effrayé à l'idée que quelqu'un aperçoive ses iris bleus.

- ... Keo, nous devons partir d'ici tout de suite ! dis-je d'une voix affolée.

- Calme toi, qu'est-ce qu'il te prend ?

- Non, je ne me calmerais pas ! Nous devons aller au Centre de Communication, maintenant !

- Hein ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

Mon cœur cogne contre ma poitrine, et mes doigts frémissent vivement. A vrai dire, mon corps tout entier est pris de tremblements. Je ne sais même pas comment je trouve la force de rester debout.

- Je sais ce qu'il va faire ... Laslo nous a pris en photo pour nous dénoncer aux informateurs. C'est ça, sa vengeance.