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Je ne réalise jamais à quel point le sommeil est merveilleux ... Jusqu'au moment où je me réveille, et que tous mes problèmes me reviennent brusquement à l'esprit. Je repense à maman qui n'est plus là. Au prénom qu'elle m'a donné, et son sens caché. Mon esprit vagabonde vers ce bleu que j'ai tiré dessus lors de ma première mission, puis vers ces deux bleus que j'ai dû tuer pour sauver Madeline. Je repense aux gens de ma classe. A Opale, ma meilleure amie, qui est peut-être morte. A Laslo qui me hait, et qui a tenté de me tuer. Ensuite, je repense à ma discussion avec Keo, le dimanche dernier. A la manière dont je l'ai agacé, à son regard désillusionné. Je ferme les yeux et tente de me rendormir pour m'échapper à ce flot de pensées éprouvantes. En vain.

Trois jours se sont écoulés. Pendant trois jours, je n'ai rien fait d'autre que d'éviter Keo et de rester dans ma chambre. C'est ce que je fais de mieux. J'ai essayé de reparler à l'adolescent quelques fois, mais c'était assez difficile. Même s'il ne semble plus être en colère contre moi, je me sens toujours aussi coupable de mal me comporter avec lui. Une partie de moi le déteste pour faire partie de cette région qui a tellement fait de mal aux rouges. Et une autre partie me pousse à être plus clémente envers lui, à ranger mon animosité et à tendre la main à Keo. Si bien que je ne sais plus sur quel pied danser.

Je m'extirpe du lit et m'assied à mon bureau. Là, je m'empare de mon crayon et du cahier à croquis que je ne prends plus la peine de ranger. Sauf que je n'ai aucune inspiration, et malgré mes dix heures de sommeil, je n'ai aucune énergie. Frustrée, je laisse tomber et je reste là à ne rien faire pendant un certain temps. Mais je fini vite par m'ennuyer, alors je décide de me préparer.

Je change mes vêtements et défait mes deux tresses collées. Mes cheveux étaient restés noués depuis la veille, si bien qu'ils se sont maintenant ondulés. Je décide de les laisser lâchés, même si je ne suis pas trop à l'aise à l'idée d'arborer cette coiffure. Parce qu'au lycée, je devais systématiquement m'attacher les cheveux. Sinon ? Les instituteurs m'envoyaient au bureau du proviseur. Ça ne s'est produit qu'une seule fois, et depuis, je n'ai jamais manqué à la règle.

Assis sur le canapé face à la télévision éteinte, Keo continue de ranger toutes sortes de chose dans un sac à dos. En temps normal, je lui aurais demandé de ne pas toucher à mes affaires ainsi. Mais j'ai compris que ça ne servait à rien. Même si j'ai encore un peu de mal à supporter Keo, je sais maintenant qu'il n'a aucune idée derrière la tête. Il se moque que mes iris soient rouges, que nos deux camps se haïssent depuis la création des trois régions.

Il faut que j'apprenne à baisser ma garde. Si ma propre mère m'a confié à lui, il faut que je lui fasse confiance. Mais le problème, c'est que je ne sais pas comment faire.

- Euh ... dis-je en m'approchant de Keo, qui a le dos tourné. Salut.

Il tourne la tête, et m'adresse un sourire.

- Salut. Ça te va bien, cette coiffure.

Ses yeux s'attardent un instant sur mes ondulations qui pendent sur mes épaules, et je sens le rouge me monter aux joues. J'aurais dû les attacher, comme d'habitude.

- Merci, dis-je sans réussir à masquer mon embarras. Tu ... Tu n'as toujours pas fini les préparatifs ?

- Si, je suis juste en train de vérifier que tout est en ordre.

Je lâche un gloussement sans le vouloir.

- J'avais raison. Tu as réellement une obsession avec ces sacs.

Il secoue la tête et vient s'arc-bouter contre le canapé.

- Une obsession, tu parles. C'est surtout la seule chose que je peux faire, ouais.

- C'est faux. Tu peux également regarder la télévision.

- Pour écouter les baratins qu'un informateur raconte sur ma région ? Non merci.

- Alors tu peux ...

Je ne finis pas ma phrase. Keo sourit à nouveau.

- C'est rien va. C'est pas si barbant que ça en a l'air de s'occuper des sacs. T'inquiète.

NeelaWhere stories live. Discover now