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- Notre pays ne peut venir en aide à la Belgique, puisque nous avons également besoin d'être pris en charge. Il en est de même pour les autres pays souhaitant s'allier avec la France. Les violences entre les rouges et les bleus sont tels que notre pays doit d'abord se focaliser sur ces deux régions en guerre. Je ne reviendrais pas sur ma décision, même si ...

Dans l'écran de la télévision, les yeux jaunes d'Adélaïde Roudaut semblent vitreux. A l'école, on nous apprend que l'homme n'a jamais eu les yeux jaunes, ni rouges. Et même les yeux bleus des français bleus n'ont pas l'air naturel : ils sont très foncés, et n'ont aucun éclat. Je me souviens des yeux de Keo. Ils semblaient tellement artificiels ! Et les yeux bleus clairs de cet incolore qui me faisait face, alors que j'admirais un graffiti dans la rue commerçante laissée à l'abandon. Je lâche un soupir en croisant les bras. Je suis jalouse de tous ces incolores qui n'ont pas eu à subir cette opération pour changer la couleur de leur iris.

La présidente de France continue son discours rébarbatif à propos de garder le pays isolé du reste du monde. Ses paroles sont les mêmes à chaque fois, ou pratiquement les mêmes. Elle tente de changer la forme en vain, mais le fond est toujours pareil. J'arrête de l'écouter pour me focaliser sur le jeune homme qui se tient près d'elle. Vince Roudaut ne ressemble pas du tout à sa mère.

Ses cheveux blonds sont plaqués en arrière avec du gel, et ils s'accordent à merveille avec ses yeux ambrés. Il est grand, si grand qu'Adélaïde Roudaut semble encore plus petite. Son visage est impassible, il n'exprime rien. Ni colère, ni joie, ni nervosité. Vince Roudaut m'a toujours fait penser à un robot. Il est peu loquace, et les rares fois où il ne l'est pas, il parle comme s'il avait avalé une encyclopédie.

- Bonjour Neela.

Je sursaute, et le pain que je tenais dans ma main glisse par terre. Je le ramasse et le pose sur la table basse, avant de me tourner vers ma mère qui me regarde derrière le canapé. Elle a des cernes sous les yeux, et ses cheveux sont moins impeccables que d'habitude.

- Bonjour, dis-je d'une petite voix. Tu t'es réveillée plus tôt aujourd'hui.

Elle hoche la tête. Depuis le lundi dernier - le jour où elle m'a criée dessus parce que je regardais un reportage sur les incolores -, elle ne fait que m'ignorer. A vrai dire, c'est ce qu'elle fait la plupart du temps. Même lorsque nous ne nous sommes pas disputées. Mais elle ne me salue jamais. Je me demande ce qu'il se passe.

- Oui, se contente d'elle de dire. Viens manger sur la table.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant