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Je retiens un soupir. Oh, ce serait si simple de faire demi-tour et de l'abandonner à son sort ! Après tout, personne ne m'en tiendrait rigueur. Je repense à tout ce que Madeline m'a fait endurer cette année. A toutes ses moqueries, à ses messes basses qu'elle a faite avec ses meilleurs amis Adriel et Thane. Elle a toujours eu besoin de me rabaisser pour se sentir valorisée. Et je ne peux pas lui en vouloir, parce que c'est comme ça que ça marche. C'est ce que la société nous apprend. En écrasant les autres, on devient plus fort.

Je pourrais partir, là maintenant. Personne n'en saurait rien. Et surtout, Madeline ne m'embêtera plus jamais de ma vie. Oui, je pourrais partir. Mais alors pourquoi est-ce que je ne le fais pas ? Pourquoi est-ce que j'avance une jambe devant moi, redresse la tête, et tend mon bras pour me mettre à tirer sur ces bleus ? Je fais un sans-faute pour les deux premiers, mais le troisième se retourne à temps et bondit à côté pour dévier ma balle. Il tente de m'atteindre à son tour, mais je me baisse et j'effectue un roulé-boulé avant de me relever. Nous nous tournons autour pendant quelques secondes, jusqu'à ce qu'une détonation se fasse entendre, et qu'une tache grossisse sur le bras de l'ennemi. Une autre balle dans sa nuque, et s'en est terminée pour lui.

Une fois que le bleu qui vient d'être abattu est à terre, j'arrive à voir Madeline debout, un fusil à sa main ensanglantée. Je n'ai jamais vue un modèle semblable de ma vie, alors il doit sûrement s'agir d'une arme des bleus que ma camarade a pût confisquer, lorsque j'ai commencé à tuer ses assaillants.

Je devrais être mortifiée, horrifiée par ce que je viens de faire. La première et dernière fois que j'ai tué quelqu'un, c'était à contrecœur. Mais cette-fois, je l'ai fait sans réfléchir. Et dans tout ça, je ne ressens rien. Absolument rien d'autre qu'un grand vide. Devrais-je être inquiète ? Ou plutôt heureuse d'enfin être devenue une meurtrière digne de ce nom ? Je n'en sais rien, et je n'ai pas le temps d'y penser.

La jeune fille abaisse le canon vers le sol, me regarde un petit moment avant de déclarer :

- Merci Neela.

Ses larmes ruissèlent toujours sur ses joues, mais un sentiment incongru se reflète à travers ses yeux vermeils : de la sérénité. Elle fait preuve d'un sang-froid admirable, alors que, pour ma part, j'ai le plus grand mal à respirer normalement. Comment fait-elle ? Je décide de ne pas lui poser la question, et simplement de hocher la tête.

- ... Pas de quoi, dis-je d'une voix mal assurée.

Je me retourne afin de m'en aller, lorsqu'elle me rappelle.

- Neela ?

Je fais volte-face. Je dois être en train de rêver, car je vois un sourire se dessiner sur son visage.

- Fais attention à toi, me dit-elle en essuyant ses larmes à l'aide de ses doigts.

Je n'ai pas le temps de lui dire quoi que ce soit, car elle file au pas de course vers le côté opposé. Je vois sa silhouette rapetisser dans le couloir, et pendant une seconde, j'en viens à me demander pourquoi nous n'avons jamais été amies toutes les deux. Mais la question est tellement ridicule, et inappropriée vu la situation que je me remets à courir.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant