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Mes cheveux se dressent sur la tête.

- Tu as vu quelqu'un ? demande la voix que j'assimile être à celle de la commandante.

- Oui, là, derrière cette voiture !

J'entends des pas précipités venir vers moi, ainsi que le bruit d'un pistolet qu'on sort d'un holster ... En toute logique, le patrouilleur a dut tirer que la queue de détente, et armer le chien si son pistolet est à simple action. Je n'arrive pas à croire qu'il compte tirer sur moi. Mes jambes réagissent toutes seules. Je m'élance hors de la voiture et court droit devant moi, le plus vite possible. J'entends une balle siffler près de ma tête, et je me baisse aussitôt. Je sais qu'ils n'ont pas vu mes yeux, et qu'ils ne peuvent donc pas savoir que je suis innocente. Mais mes joues s'échauffent tout de même.

- Je suis une rouge ! m'écrié-je sans réfléchir. Une rouge !

Je doute que ça change quoi que ce soit pour eux.

- Eh bien retourne-toi, que nous puissions t'identifier ! me répond-il sur le même ton.

Je n'ai pas envie de me retourner, car aussitôt, ils me demanderont ma carte d'identité et j'aurais gagné une sacré amende. Nous ne sommes pas aussi pauvres que la famille d'Opale, mais nous restons des rouges. Personne n'est riche dans la France Rouge, excepté la présidente de la région et les maires des villes. Mais c'est une autre histoire. Ma mère serait tellement déçue d'apprendre que je continue de sortir en douce la nuit ... Je ne veux pas la décevoir davantage. Je pousse un long soupir, en faisant mine de capituler. Je me lève doucement, les mains en l'air, et je déclare :

- D'accord, mais baissez votre arme.

La commandante intervient.

- Non. Rien nous prouve que tu n'es pas une bleue. Allez, si tu ne te retournes pas, nous serons obligés d'ouvrir le feu.

Aie, elle a dût comprendre que je manigançais quelque chose. Je n'ai pas le choix. Je me tourne doucement, en ouvrant mes yeux bien grands, afin qu'ils puissent voir l'iris. Je dois me faire violence pour ne pas bouger. Je suis complètement à la merci de ces gardes : s'ils le veulent, ils peuvent me tuer là tout de suite.

Un des patrouilleurs m'aveugle avec sa lampe torche. Une fois habituée à la lumière, je prends sur moi pour ne pas cligner des yeux. J'ai l'impression que mes poings vont se désintégrer, tant ils sont crispés.

- C'est bon, finit par dire la commandante, c'est bien une rouge.

Je peux enfin respirer librement. Elle demande à son équipe de retourner surveiller la zone, sort un bloc note avant de se retourner pour me demander :

- Bien. Je peux savoir ce que tu faisais dehors, à l'heure du couvre-feu ?

Une excuse. Vite, il faut que j'invente une excuse.

- Je, euh ... J'étais partie faire mon footing, et je n'ai pas fait attention à l'heure. Ça ne recommencera plus, je vous le promets.

- J'espère bien, grince-t-elle entre ses dents. S'il y a un couvre-feu, c'est pour que les gens le respectent. Pour que les rouges puissent dormir la nuit. Imagine un instant si tout le monde faisait comme toi, si tout le monde sortait dans les rues à vingt-trois heures. Il serait impossible pour nous de canaliser une aussi grande foule. Et qui sait, nous serions tellement focalisé sur les gens comme toi que nous ne remarquerions peut-être pas les bleus !

Elle a sorti cette dernière phrase en crachant. Des gouttelettes de salive sortent de ses lèvres pour venir éclabousser mon visage. Mon sang bouillonne. J'ai de plus en plus de mal à ne pas à feindre l'indifférence.

- Tu es bien scolarisée dans un lycée militaire, n'est-ce pas ?

J'acquiesce. Même si je n'ai pas d'insigne sur moi, il n'est pas difficile de deviner que je suis une apprentie soldate, avec la tenue de combat que j'arbore.

- D'accord, alors écoute-moi bien jeune fille. Je sais que tu as l'impression de te donner un genre en enfreignant les règles, mais laisse-moi te dire que c'est complètement absurde. Tu es formée pour protéger la région, et non pour te rebeller. A moins que tu veuille ressembler à une incolore ?

- Non madame, je réponds.

- Commandante, rectifie-t-elle en fronçant les sourcils. Bien. Tu as de la chance, pour cette fois, tu vas pouvoir t'en tirer avec une contravention. Mais écoute-moi. Si jamais je te revois dans les rues après l'annonce du couvre-feu, je t'emmènerai aussitôt au Centre d'Exécution, où les exécuteurs pourront décider de ton sort. Compris demoiselle ?

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant