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Elle me jette un regard, mais ne daigne pas me répondre. Comme d'habitude. Elle tient l'anse de son sac d'une main, et viens me rejoindre sur le canapé pour trancher le fermoir.

- Quand tu auras fini de manger, m'explique-t-elle en réorganisant ses affaires, n'oublie pas de prendre ta gamelle. Je l'ai mise sur le plan de travail.

Je bois une gorgée de thé avant de lui répondre :

- Maman ... J'aimerai bien être inscrite à la cantine, comme les autres adolescents.

Elle me jette un regard courroucé, qui me donne des sueurs froides.

- Neela, ne remet pas ce sujet sur le tapis. Tu mangeras ce que je te donne, point.

- Mais pourquoi ?

Aucune réponse, encore une fois. Je m'y attendais. De toute façon, je ne sais même pas pourquoi je lui pose la question. Je sais très bien pourquoi elle ne veut pas m'inscrire à la cantine. Ma mère estime qu'il est inutile de gaspiller de l'argent si je peux ramener la nourriture de la maison au lycée, quitte à nous serrer la ceinture.

Tout en avalant le dernier bout de pain, je l'observe ranger ses munitions dans une petite boite. Ma mère ne me ressemble pas du tout. Mis à part son teintcaramel et ses cheveux de jais qui caractérisent notre famille indienne, je n'ai rien hérité d'elle. Son nez est aquilin, ses yeux enfoncés et son visage est anguleux. Les gens qui me disent que je lui ressemble mentent profondément. Néanmoins, j'aurais préféré que ce soit vrai. Au moins, j'aurai réellement eu l'impression d'être sa fille.

- Vas-y, me lance-t-elle en jetant un œil à sa montre. Tu vas rater ton bus.

- Euh ... Il n'est que sept heures trente pourtant.

- Mieux vaut être trop en avance qu'en retard.

Je réprime un soupir et me lève du canapé. Je prends mon sac que j'avais laissé trainé par terre et me rend à la cuisine pour m'emparer du récipient dans lequel se trouve mon déjeuner. Ensuite, je quitte l'appartement et descend dans la rue pour marcher jusqu'à l'arrêt de bus. Il ne tarde pas à venir. Je salue le conducteur et m'installe au fond du véhicule. Je pose ma tête contre la vitre et regarde le paysage urbain défiler à travers. Mes paupières sont lourdes, et je manque plusieurs fois de m'endormir.

Le trajet est rapide, et j'arrive au lycée à huit heures moins le quart. Le portail est fermé, mais je me hisse au-dessus des barreaux pour le franchir. Une fois que je suis dans la cour de récréation, je remarque qu'il y a trois autres lycéens qui ont visiblement eu la même idée que moi. Je m'adosse contre un arbre et ferme les yeux jusqu'à ce que j'entende la sonnerie retentir. Péniblement, je me relève et je jette un regard circulaire à la cour. J'aperçois tout de suite une tête blonde parmi les flots de lycéens qui se bousculent entre eux pour entrer à l'intérieur de l'enceinte, et je lui fais aussitôt un signe de main.

- Salut Neela, s'exclame Opale tandis que je la rejoins. Bien dormi ?

Je hausse les épaules.

- Pas vraiment. Tu sais qu'une équipe de patrouille m'est tombée dessus, et qu'on a essayé de me filer une amende ?

J'entreprends de lui raconter ce qui s'est passé en détail. Mon amie a du mal à contrôler son fou rire.

- Quoi ? dis-je en croisant les bras.

- T'es vraiment déjantée comme nana. T'as vraiment cassé le nez d'une commandante ? J'hallucine. J'aurais dû être là !

Je souris fièrement.

- La prochaine fois que je viendrais, je te réveillerais avant de sortir de l'atelier, je réponds sur un ton sarcastique. Comme ça, nous pourrons embêter les patrouilleurs ensemble.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant