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Keo m'amène jusqu'à l'escalier hélicoïdal. Les marches sont durement visibles avec les éclairages de sécurité. A un moment donné, je trébuche contre un corps, mais Keo me rattrape.

- Fait gaffe, me dit-il en m'aidant à me redresser. C'est pas le seul cadavre. Tiens-toi à la rambarde.

- C'est toi qui les as tués ?

Il ne me répond pas tout de suite. Quand il le fait, tout ce qu'il me sort, c'est un « oui ».

- Pourquoi ? dis-je en haussant un sourcil. Je croyais que les bleus ne tuaient pas leurs semblables.

Je l'entends glousser.

- T'es drôlement curieuse comme fille, hein ? me fait-il remarquer. Bah ... Je leur ai suggéré de sortir d'ici pour aider les autres bleus, vu que de toute façon, personne venait ici. La plupart ont acceptés, mais il y en a deux qui ont insistés pour rester. J'ai pas eu d'autre choix.

Je n'arrive pas à croire qu'il a tué des bleus pour que nous puissions descendre. S'il a sacrifié ses propres camarades sans problème, quand est-il de moi ? Il va falloir que je redouble de prudence. Keo m'a peut-être assuré qu'il ne me ferait rien, malgré tout ce n'est pas pour autant que je lui fais confiance. Il fait partie de l'autre camp. Mais pour l'instant, je me dois de le suivre, car il représente mon seul espoir pour sortir d'ici. Ce n'est qu'une fois dehors que je pourrais décider d'une stratégie pour me débarrasser de lui.

Le rez-de-chaussée est en proie à une agitation extrême, pis encore que l'étage dans lequel nous nous trouvions un peu plus tôt. Il y a tellement de monde que je suis obligée de m'accrocher à Keo pour ne pas le perdre de vue. Heureusement, personne ne s'intéresse à nous plus que ça. Au détour d'un couloir, une pluie de balle viens ricocher contre les murs. Quelques personnes se font toucher. Keo et moi nous mettons à terre et faisons semblants d'être morts jusqu'à ce que les bleus s'éloignent. Je les entends entrer dans des salles de classe, tirer sur des rouges qui s'y étaient réfugié ...

- Je ne comprends même pas pourquoi nous ne sommes pas encore morts, chuchoté-je à Keo qui est étalé près de moi.

- C'est juste une question de temps, me répond-il sur le même ton. Si on se dépêche pas de sortir d'ici, c'est clair qu'on va y passer, nous aussi.

Il m'aide à me relever et nous recommençons à trottiner en silence. Malheureusement pour nous, d'autres bleus ouvrent le feu et, dans ma panique, je m'éloigne de Keo pour aller me cacher derrière une benne à ordure. Je me suis à peine accroupie quand j'entends quelqu'un m'appeler de toutes ses forces.

- Neela ! Je sais que tu es là !

Je réprime un juron. Je reconnaitrais cette voix entre mille. Il s'agit de Laslo.

- Où es-tu Neela ?

Tais toi tu vas attirer les bleus, voilà ce que j'aimerai lui répondre. Mais je ne le fais pas. A la place, je sors de ma cachette et serre fort le pistolet que m'a donné Keo entre mes mains. De nouveaux tirs m'explosent les tympans et, instinctivement, je tombe par terre en me recroquevillant sur moi-même.s

- Neela ! s'exclame à nouveau mon camarade de classe.

Cette fois, sa voix est moins lointaine. Dans l'immense désordre que provoque la kyrielle des coups de feu, les appels de Laslo sont continus, mais toujours interrompus par des bruits parasites. Je n'arrive pas à lui répondre. Paralysée par la peur, je serre mes oreilles à m'en broyer les paumes, dans l'optique d'étouffer la détonation des armes à feu. C'est inutile.

Deux mains chaudes se posent sur mes poignets, et j'ouvre les yeux en sursautant.

- Viens, me dit Keo en m'aidant à me lever.

Il se rend compte que je tremble, alors il me prend la main et la serre fort contre la sienne. Je suis tellement mortifiée que je ne pense même pas à le lâcher.

- Neela ?

Je me fige. A quelques pas de nous, Laslo m'observe d'un air ahuri. Son regard passe de Keo, puis de moi, pour enfin revenir à Keo. Il s'attarde un moment sur nos doigts entrelacés. Son visage se décompose.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant