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Des gardiens rouges qui étaient occupés à surveiller d'autres zones - car les gardiens sont épars, ils sont postés par intervalles réguliers afin de mieux protéger le grand mur qui s'étale sur toute sa largeur - se ruent vers nous, alertés par le bruit de la fusillade. Keo a réussi à en toucher un ou deux, mais la plupart continuent leur course. Soudain, j'ai peur pour lui. J'ai peur qu'il se fasse tuer à son tour. Le bleu n'a pas l'air de s'en préoccuper, il reste statique et multiplie les tirs. Mais il n'est pas invincible, il n'est pas un super héros. Il reste un adolescent, un apprenti soldat. Il peut mourir à tout moment.

- Allons-y ! dis-je en posant ma main sur son bras.

J'ai l'impression que ma voix le réveille. Il hoche la tête et court vers l'endroit où la barrière n'est plus surveillée.

- Dépêches toi, dit-il en croisant ses doigts pour me faire la courte échelle.

- M-Mais, les fils sont électrifiés !

- Ils le sont pas, crois-moi sur parole. Je suis passé dessus plusieurs fois, il m'est jamais rien arrivé. Ils ont mis des fils de barbelés juste pour nous faire peur, et pour empêcher les ennemis de passer.

Je le regarde d'un air effaré. Derrière lui, les rouges sont assez loin, mais ils continuent de se rapprocher dangereusement de nous. J'émet sans le vouloir un petit hoquet.

- Euh ... Je ne sais pas si ...

En apercevant mon hésitation, l'adolescent se redresse et m'attrape les mains.

- Neela, tu me fais confiance ?

Je hoche la tête. Maintenant qu'il m'a tout dit ... Oui, je lui fais confiance. Il n'a plus rien à me cacher, du moins, je l'espère.

- Alors saute par-dessus cette barrière sans réfléchir !

Il se détache de moi et se remet dans la même position qu'il avait précédemment. Je souffle un bon coup, et me vide la tête avant d'écraser avec la semelle de ma chaussure les deux mains qu'il tend devant lui. Keo me hisse en haut. Le mur n'est pas très haut, il fait moins de deux mètres, ce qui est, je l'admets, plutôt bizarre. Le cœur trémulant, je m'agrippe aux fils, et je me rends compte que le bleu avait raison. Ils servent seulement de décoration ...

Comment est-ce possible ?

Je n'ai pas le temps de me poser plus de questions. J'enjambe cette ronce artificielle et tombe lourdement au sol ... Seulement, je ne suis pas toute seule, de l'autre côté. Il y a des gardiens bleus qui, à l'instar des soldats rouges, surveillent la barrière !

- Plus un geste ! s'écrie un jeune gardien en levant son fusil.

Plus rapide que l'éclair, je tire sur la queue de détente avant même qu'il n'ait eu le temps d'actionner le sien. Deux autres gardiens bleus qui se trouvaient dans la zone tentent de m'atteindre, mais Keo, qui a réussi à franchir le mur sans problèmes, se charge de les descendre. Je m'abaisse près du corps du gardien bleu que j'ai tué afin de lui confisquer son fusil, non sans éprouver une culpabilité immense. Il a l'air tellement jeune ! Quel âge avait-il, dix-huit, dix-neuf ans ? Je n'arrive pas à croire que je lui ai logé une balle. J'ai envie de vomir.

- Neela, on y va !

Keo a déjà commencé à courir. Alors que pose mes doigts sur la crosse de l'arme du bleu qui gît dans une mare de sang, celui-ci papillonne des yeux. Je retire mes mains, comme si je m'étais brûlée.

- ... Neela ? dit celui-ci d'une voix gutturale. Neela Bakshi ?

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant