1

1.9K 103 18
                                    

Une paire d'yeux bleus, qui me fixent intensément. Des larmes qui ruissèlent sur un visage couvert de taches de son. Des cheveux roux, qui me rappellent la couleur du soleil lorsqu'il meurt avant de renaître le lendemain. Ce bleu qui est agenouillé devant moi, n'en reverra probablement plus jamais de sa vie. Si je lui loge une balle dans la tête en cet instant précis, il périra avant même que le ciel ne s'obscurcisse.

- Pitié, je vous en supplie ... Laissez-moi partir ...

Ses sanglots redoublent d'intensité. Il nous implore de le laisser la vie sauve, en joignant ses deux paumes qui tremblent. J'aimerai lui souffler quelque chose, pour l'apaiser ne serait-ce qu'un peu, avant de porter le coup de grâce. Mais je doute d'en être capable. J'ai la gorge tellement serrée que je ne pense pas pouvoir sortir le moindre son.

- Je n'ai rien fais du tout. Je ... Je n'ai jamais voulu faire le moindre mal ! S'il vous plaît ...

Swan, l'élève de Terminale qui est chargé de m'épauler pour ma première exécution, me dévisage en fronçant les sourcils. Il tient le bleu en joue par précaution, mais fixe le canon de mon pistolet d'un air impatient.

- Alors tu le descends, oui ou non ? Les professeurs vont se demander pourquoi est-ce qu'on prend autant de temps.

Il a raison. Déjà que mes instituteurs n'ont pas une très grande estime de moi, je ne veux pas leur donner une raison de plus pour penser que je suis une mauviette.

Qu'est-ce que j'aimerai que ce soit aussi simple. Qu'est-ce que j'aimerai tirer sur la queue de détente, fermer les yeux, et entendre la balle transpercer le crâne de ce bleu. Qu'est-ce que j'aimerais être forte et courageuse. Mais le problème, c'est que je ne le suis pas.

- Allez tues le, me dit-il d'un air menaçant, ou alors c'est moi qui m'en charge.

Le bleu se met aussitôt à paniquer. Il secoue la tête comme un automate, les yeux écarquillés, le visage livide.

- N-Non, non ! S'il vous plaît ... Je ne veux pas mourir !

- Tais-toi !

Swan lui assène un violent coup avec la crosse de son fusil. Le pauvre s'étale par terre avant de se relever difficilement, et de porter une main à son nez. Qui saigne abondement. Bientôt, le mince filet écarlate cèdera place à une mare qui s'étalera tout autour de son corps inerte. Une mare rouge. Comme le sang. Comme mes yeux. Comme ...

- Neela ! s'écrie le lycéen, qui a de plus en plus de mal à rester calme. Qu'est-ce que t'attends pour le tuer ?

Ses cris viennent se mêler aux lamentations de l'adolescent en pleurs. Swan fronce les sourcils en voyant que ma main qui agrippe la poignée de mon pistolet est en train de trembler.

- Je n'y arrive pas, dis-je dans un souffle. Je n'y arrive pas.

C'est la vérité, je ne sais plus quoi faire. J'ai perdu toute faculté d'agir.

- C'est un ennemi ! Ne me dis pas que tu as de la peine pour lui ? Est-ce que tu as oublié ce que les bleus nous font subir ?

- Je n'ai rien à voir avec tout ça, hoquète le jeune garçon. Je n'ai rien fais du tout !

J'entends des pas se rapprocher au loin. Très loin. Sûrement d'autres bleus, qui fouillent les couloirs à la recherche d'autres rouges à abattre. Si je ne fais pas rapidement quelque chose, ils vont tomber sur nous, et là, je serais encore plus dans de beaux draps.

- Neela ! s'époumone derechef Swan en m'attrapant les épaules.

Il plante son regard rougeâtre dans le mien, et il se met à parler si rapidement qu'il me faut toute la concentration du monde pour comprendre ce qu'il raconte.

- C'est ta dernière chance. Si tu ne le tues pas dans dix secondes, je le tuerais. Mais je t'assure qu'une fois rentrés chez nous, je me débrouillerai pour avoir une discussion avec ton professeur principal !

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant