Neela

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Il est dans un sale état. Ses cheveux bruns sont ébouriffés, son visage est marqué par des cernes immenses et il se tient difficilement sur un pied. Il essaye d'avancer, mais il ne parvient qu'à claudiquer de manière étrange. C'est à ce moment-là que je remarque que quelque chose enserre sa jambe sous son pantalon. Sûrement un bandeau en coton. Je me rappelle aussitôt qu'il a fortement été blessé durant l'attaque des bleus au lycée, le vendredi dernier. Il a dû perdre beaucoup de sang. Il ne reste plus rien du garçon vigoureux que je connaissais auparavant.

- Laslo, répété-je en continuant d'avancer. Qu'est-ce que tu ...

- Ne bouge plus.

Il a dit ça d'une voix si calme et si basse qu'il a réussi à me faire frissonner. Je l'obéi alors. Quand bien même je connais Laslo ... Je n'ai pas oubliée qu'il a tenté de me tuer la semaine dernière. Je déglutis.

- Qu'est-ce que tu fais là, Laslo ?

Il s'approche de moi en boitant. Une fois qu'il est à quelques centimètres de mon visage, il s'arrête pour me dévisager. Je sens son souffle chaud caresser ma joue. J'espère qu'il n'entend pas mon cœur qui bat à tout rompre.

- C'est fou ce que tu peux être idiote, Neela.

Je n'avais jamais réalisé à quel point les iris rouges pouvaient être terrifiants. A présent, je m'en rends compte. J'ai l'impression que les yeux de Laslo saignent. Son regard est âpre, froid. Même s'il est mal en point, tous ses muscles sont contractés. Il est prêt à se battre. Contre moi.

- Alors ça y est, dis-je d'une voix faible. Tu me considères réellement comme une traîtresse.

- Tais-toi.

- Tu es venu pour te venger, n'est-ce pas ? Tu avais promis que tu te vengerais. Laslo, je ne suis pas ...

- Je t'ai dit de te taire !

Il me bouscule en arrière, pas assez fort pour que je tombe, mais suffisamment pour me faire vaciller. Il sort rapidement quelque chose de sa poche. J'ai à peine le temps de percevoir le reflet d'une lame qu'il déplie l'objet et l'approche de ma nuque. Un couteau de poche.

- Où est-ce qu'il se trouve ? me chuchote-t-il en regardant autour de lui comme un forcené.

- ... Euh de ... De qui est-ce que tu parles ? dis-je sur le même ton.

J'ai du mal à rester sereine avec la lame aiguisée qui se trouve à quelques millimètres de ma peau. J'essaye de focaliser mon attention sur le regard perçant de Laslo pour tenir mon esprit occupé, mais ce n'est pas si simple. Une goutte de sueur perle de mon front, sillonne ma tempe pour au final s'écraser par terre.

- Je te parle du bleu pour lequel tu m'as abandonnée, Neela !

- J-Je ne comprends pas ...

- Comment ça tu ne comprends pas ? s'écrie-t-il. Neela, arrêtes de faire semblant. Je sais qu'il est là, j'en suis sûr ! Tu l'as cachée ici !

- Laslo calme toi, je ...

Je n'ai pas le temps de finir, car la porte qui mène au couloir s'ouvre à brûle-pourpoint. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'il s'agit de Keo. Tandis que je l'entends courir vers nous, je ferme les yeux très forts. Cette histoire va mal se finir, je le sens.

- Lâche là ! scande Keo derrière moi.

- Non, répond Laslo.

J'entends Keo attraper quelque chose avant de dire :

- Tu préfères que je te bute ?

Je me risque à entrouvrir les paupières. Étonnamment, Laslo ne regarde pas par-dessus mes épaules. Non, c'est moi qu'il fixe. Avec une intensité troublante. Sans ciller, sans bouger. Au bout d'un moment, il baisse sa main et la ramène le long de son flanc, éloignant la lame de ma gorge nue. Je peux enfin respirer à nouveau.