Neela

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Trop tard. Je n'ai même pas le temps de tourner ma tête qu'on me pousse de tout son poids sur le côté, et mon corps bascule en arrière comme une chiffe molle. Le sol plein d'aspérité m'écorche aussitôt chaque parcelle de ma peau qui est exposé : mon visage et mes mains. Sonnée, je lève mes yeux pour me rendre compte que la personne qui vient de me pousser est Thane. Je ne devrais même pas être étonnée. Il a des bras très vigoureux. Adriel et Madeline, à côté de lui, sont hilares.

- Non mais vous n'allez pas bien ? m'écrié-je en me relevant dare-dare, les poings crispés. Qu'est-ce qu'il y a de drôle dans le fait de pousser quelqu'un par terre ?

- C'est drôle parce que ça montre à quel point tu es faible, dit Thane en souriant malicieusement.

J'aimerai bien refaire le portrait de ce blondinet arrogant. Opale se lève du banc pour se dresser à mes côtés.

- Lâchez lui un peu la grappe, les morveux.

- Tu es sa nounou ou quoi ? intervient Madeline d'une voix acerbe. Pauvre Neela, elle ne sait pas se défendre toute seule ...

Mes joues s'échauffent. J'en ai plus qu'assez que ces trois rouges me prennent pour une imbécile.

- Où est-ce que tu étais ce midi ? crache Madeline en se tournant vers moi.

- Dans la cour de récréation, dis-je du tac au tac. Pourquoi ?

- Ah, on peut savoir pourquoi est-ce que tu n'as pas mangé à la cantine comme tout le monde ?

Il y a de la colère dans sa voix. Autour de nous, les autres élèves de la classe nous regardent en souriant. Ils s'attendent sûrement à une violente dispute. Malheureusement, Laslo n'est pas encore là. Je ravale ma frustration pour me concentrer sur mon interlocutrice, dont les cheveux bouclés ondoient dans l'air de l'après-midi. Il ne faut pas que je perde les trois brutes de vue, ou sinon, ils pourraient profiter de mon inattention pour me frapper.

- Curieux, Madeline Roger s'intéresse à moi tout d'un coup ? Je pensais que tu avais mieux à faire que d'épier mes faits et geste. Tu m'admire à ce point ?

Son sourire enragé s'évanouit.

- Tu es partie te cacher pour ne pas avoir à partager ta nourriture avec les autres, je n'ai pas raison ? Espèce d'égoïste. Tu avais un déjeuner entier pour toi toute seule, et tu as préféré le manger dans ton coin !