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- Non, non et non ! C'est hors de question que je prenne autant de risques pour deux inconnus !

Ça doit maintenant faire cinq minutes que Wyatt et Mehdi sont arrivés en compagnie de Clora, une incolore qui ne doit pas être plus âgée que Keo et moi. Elle remue frénétiquement sa tête pour exprimer son désaccord, faisant bouger ses deux couettes ondulées. Impossible pour Mehdi de lui faire changer d'avis, malgré toutes ses explications et ses supplications.

- Mais allez Clora ! tente à nouveau Mehdi, pour la je-ne-sais-combientième fois maintenant. Toi qui a l'habitude de te rendre au repère des incolores, je ne comprends pas pourquoi tu refuses de les déposer là-bas ...

- Mais regarde les, ce sont des « traîtres » recherchés par les soldats ! Je refuse de participer à cette mission suicide, surtout que toi et moi on va y laisser notre peau si les choses tournent mal !

Keo et moi avons pris soin de ne pas intervenir une seule fois depuis leur retour. Pourtant ... Cette fois-ci, je craque. Je n'arrive pas à empêcher les mots qui me brulent la gorge de jaillir de mes lèvres.

- Les autres ne sont pas obligés de savoir qui nous sommes.

Toutes les têtes se tournent vers moi. Assise contre la paroi rugueuse, ma main tenant la lampe pour éclairer le petit groupe, je n'ai eu aucun mal à m'effacer le temps pour les incolores de débattre sur notre sort, à Keo et moi. Après tout, en temps normal, ce n'est pas comme si j'avais l'habitude d'être remarquée ...

- Quoi ? répète Clora en posant une main sur sa hanche. Qu'est-ce que tu as dit ?

Son piercing à la narine accroche aux diodes électroluminescentes de ma lampe, le faisant scintiller pendant un court instant.

- J'ai dit que les autres, les rouges, ne sont pas obligés de nous reconnaître, répété-je en me relevant difficilement sur mes jambes.

Après de longues heures passées à être restée assise sur le sol, mes articulations protestent. Je continue sur ma lancée :

- Nous pouvons nous fondre dans la masse, Keo et moi.

- Ah oui ? ricane la jeune fille. Et comment tu comptes t'y prendre, Einstein ? Je te rappelle que vos jolis minois sont placardés dans toute la ville. Probablement dans toute la région !

Les secondes s'égrènent, et je reste plantée là, à chercher quoi lui répondre. Mais je ne trouve rien. L'adolescente m'a prise de cours. Elle sourit fièrement face à mon mutisme.

- C'est ce que je pensais : tu n'en as aucune idée, au final.

Je serre mes doigts à m'en faire mal. Tout chez Clora : son attitude, son assurance démesuré et même son physique me rappelle ma camarade de classe Madeline. Va-t-elle vouloir me tourner en ridicule, elle aussi ? Elle est sur le point de se retourner vers Mehdi, quand Keo vole à mon secours.

- On pourrait peut-être se déguiser en incolores, nous aussi, dit-il de sa voix chaude. On pourrait se couvrir d'haillons Neela et moi, et nous enduire le visage de crasse. Ça doit pas être bien difficile de trouver des vêtements usés ...

Il se relève à son tour, et s'avance jusqu'au halo argenté, seule source de lumière à des lieux à la ronde. Les yeux bleus clairs de Clora s'attardent un instant sur ceux de Keo, qui, quant à eux, sont plus sombres. Elle lui adresse un sourire.

- Intéressant, elle répond en hochant la tête. Ce n'est pas une mauvaise idée, ça. Je n'y avais pas pensée.

Keo, fidèle à son caractère amical et chaleureux, sourit à son tour de toutes ses dents. Mes sourcils se froncent et mes doigts se resserrent sur la poignée de l'appareil électrique.

- Alors ? dis-je d'une voix plus forte que je ne l'aurais voulue. Tu es partante, Clora ?

Celle-ci lâche un long soupir et lève un index vers moi, l'air de me dire de patienter, le temps pour elle de réfléchir. De peser le pour et le contre, sans doute.

- Allez, s'il te plaît, supplie le jeune incolore au bout d'un moment, en voyant que son amie ne dit rien.

Même Wyatt qui est encore moins bavard que moi s'éclaircit la gorge pour dire :

- Tu n'as rien à craindre Clora. Nous sommes cinq, cinq guerriers. Je suis sûr que tout va bien se passer.

La concernée nous regarde tour à tour, un pli barrant son front hâlé. Mais elle finit par revenir à Mehdi, qui la regarde avec des yeux implorants. La jeune fille lâche un deuxième soupir.

- Ne me regardes pas comme ça, c'est bon ! assène-t-elle avant de reprendre une voix plus douce. D'accord, d'accord ... Je viendrais avec vous. Mais à une seule condition : c'est moi qui m'occupe de vous relooker, Neela et Keo !

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant