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- Je crois que Laslo a lâché une bombe, susurré-je alors que j'observe un rouge s'énerver contre un patrouilleur qui lui attrape le bras en lui criant de s'en aller. Je veux dire ... Regarde les, Keo. Ils se mettent dans tous leurs états à la vue d'une seule photo, dont ils n'ont aucune preuve quant à l'authenticité ...

- Comme à chaque fois qu'un traître est affiché à l'écran ?

- Non. Cette fois ... C'est différent.

Un coup de feu fend l'air, et des cris retentissent. C'est un soldat qui vient de tirer sur le ciel, éreinté que personne ne l'écoute. Les rouges qui le cernaient autour de lui reculent vivement de quelques mètres, craignant que le patrouilleur ne baisse son pistolet pour le braquer sur eux.

- Ouais, si tu le dis, me lance Keo en haussant les épaules. En attendant, c'est pas ça qui m'inquiète le plus. Moi, j'ai surtout peur que notre trajet jusqu'à la Porte Bannier devienne inutile, maintenant qu'on est recherchés dans toute la région.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Je pensais pas que la photo prise par Laslo prendrait autant d'ampleurs, c'est pour ça que j'avais proposé d'aller nous planquer dans les souterrains de la ville. Mais maintenant que tous ces rougeauds sont à nos trousses ... Ca me semble risqué de rester à Orléans. Peut-être qu'on devrait aller plus loin. Dans la région Bleue, peut-être ?

Je suis sur le point de lui dire qu'il est fou, que je refuse de quitter ma région, lorsqu'un mouvement attire mon attention. Là, à quelques mètres de nous, un homme chétif à la moustache grisonnante s'approche dangereusement de notre véhicule. Il n'en a que faire de la pluie, qui s'abat violement sur sa tête dont il n'a pas pensé à protéger de sa capuche. Mon souffle devient laborieux.

Avec la veine que nous avons, je parie que c'est derrière sa voiture que nous nous sommes cachés ! Je pose une main sur l'avant-bras de Keo, pour l'avertir. Mais c'est inutile, puisque son regard est dirigé dans la même direction que le mien. Habilement, aussi doucement que ses doigts le lui permettent, il détache son pistolet de sa ceinture. Mais malheureusement, il le prend trop vite en main, et dans sa hâte, le canon vient se cogner contre la portière dans une plainte métallique. Les yeux de Keo s'agrandissent de terreur alors que l'homme s'arrête net sur le bitume mouillé. Il a entendu.

Je laisse passer un délai de trois secondes avant de me relever brusquement.

- Neela ! gronde Keo en chuchotant. Mais qu'est-ce que tu ...

J'ignore Keo pour contourner la voiture à grands pas. L'homme âgé m'a visiblement reconnu, puisque ses yeux sont exorbités et que sa mâchoire donne l'impression qu'elle va tomber par terre. Sous la surprise sans doute, il n'a pas le réflexe de parer mon poing que je lui envoie à la figure. Le pauvre s'étale par terre, assommé. Je m'accroupis près de lui et lui retire son imperméable, que je tends à Keo derrière moi. Il l'enfile sans attendre, et jette la capuche sur sa tête.

- Cool ça cache mes yeux, s'enthousiasme-t-il. Mais, et toi ?

- Plus tard. Il faut vraiment que nous ...

- Eh ! s'exclame au loin un patrouilleur. Qu'est-ce que vous faites ?!

Je me retourne et me met à courir de toutes mes forces, Keo sur mes talons. Heureusement que le soldat ne se trouvait pas assez près pour voir mon visage, mais je doute qu'il nous laisse partir aussi facilement. Le clapotis de la pluie étouffe les bruits aux alentours, mais je parie que les rangers du patrouilleur martèlent le sol, prêt à nous attraper.

- Cours sans t'arrêter, ni te retourner ! crié-je à l'attention de Keo, qui reste derrière moi malgré qu'il soit plus rapide, probablement pour protéger mes arrières. Il ne faut surtout pas que quelqu'un nous voit !

Dès le premier pâté de maison, nous savons tout de suite que notre fuite va être plus compliquée que prévu. Car nous ne sommes pas tous seuls : il y a d'autres rouges aux alentours, qui doivent sûrement se demander ce qu'il se passe. Si nous continuons ainsi, ils ne vont pas tarder à comprendre.

- A la prochaine intersection, dis-je en haletant, mêlons nous aux autres rouges ... Et ... Il faudra nous séparer ...

- Compris, me fait savoir Keo.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant