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Je vacille, mais je reste sur mes pieds. Je ne comprends pas ce qui lui arrive. Là tout de suite, il me fait penser à un de ces rouges affamés. Ceux qui réclament à manger en frappant aux portes des maisons comme des forcenés. Ils sont toujours agressifs, désespérés et effrayants. Ma mère ne m'autorise jamais à leur ouvrir la porte.

- Tu sais Neela, ma grand-mère me disait toujours que la pire chose qui puisse arriver à quelqu'un, dans notre époque actuelle, c'est de se faire trahir et abandonner. Elle me disait toujours que la seule manière de survivre à l'horreur de la crise mondiale, c'est de s'entraider.

Il déglutit et desserre ses doigts.

- J'essaye toujours de t'aider Neela. Peut-être que tu n'en as pas conscience, mais je veille toujours sur toi. Parce que tu es plus fragile que les autres. Et si les rôles étaient inversés, si je n'étais pas inscris à la cantine et que j'avais rapporté un déjeuner ce midi, j'aurais partagé mon repas avec toi. Sans hésiter. Je serais venu te voir avant tout le monde. Tu sais je crois que Madeline n'avait pas vraiment tort en disant que j'en fais tellement pour toi, et que malgré tout, tu ne penses qu'à toi.

Je secoue la tête avec insistance, comme une automate. Ses paroles sont aussi tranchantes qu'une lame de couteau. Je ne devrais même pas être étonnée. Je connais Laslo depuis assez longtemps pour savoir qu'il ne mâche pas ses mots.

- Ce n'est pas parce que je n'ai pas partagé mon déjeuner une fois que je suis égoïste, Laslo. Je ne pensais pas ... Que euh ... Que ça t'affecterai à ce point. Ce n'est pas juste. Tu ne peux pas m'en vouloir pour une chose pareille.

- Ça ne m'affecte pas, dit-il, éreinté. Je suis juste déçu que tu m'es trahi.

- Mais je ne t'ai pas trahi !

Il lâche un soupir et lève une main avant de dire :

- Laisse tomber. J'y vais, je suis fatigué. Bonne soirée.

Puis il sort de la chambre en me laissant seule. Je n'essaye même pas de le rattraper, je suis encore blessée par tout ce qu'il vient de me dire. J'entends ses pas lourds et bruyants traverser l'appartement, et la porte d'entrée grincer avant de se fermer en claquant. Je m'assieds à même le sol et me déchausse d'un geste rageur. J'envoie valser mes Rangers dans la pièce et j'enroule mes bras autour de mes jambes.

D'après Laslo, je suis une rouge fragile. Et visiblement, il estime que ce n'est pas assez insultant comme ça, puisque je suis également une égoïste et une traîtresse. Est-ce vrai ? Je n'en ai aucune idée. En tout cas, je suis trop en colère pour me remettre en question. Je ne sais pas pourquoi je fais autant d'effort avec Laslo : certes, il est gentil avec moi. Enfin, il l'était. Mais nous sommes trop différents. Il est clair que nous deux, nous ne sommes pas faits pour être ensemble.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant