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Au bout de deux heures environ, je n'y tiens plus. Une goutte sillonne ma pommette pour venir se ficher sur le papier. Deux autres suivent. Ca y est, je n'arrive plus à tenir mon crayon correctement. Je tremble tellement. Je mets ma main devant ma bouche et je pleure en silence. Les autres ont raison, je suis tellement faible. Heureusement que personne ne me voit.

Le soleil commence à se lever, et une lumière mordorée vient éclairer ma chambre petit à petit. La simple sensation de ses rayons sur mon visage me fait reprendre mes esprits. Il faut que je me reprenne en main. Maman n'est plus là, et je doute que la pleurer puisse la ramener à la vie. Et puis ... Je ne crois pas qu'elle aurait aimé me voir dans cet état-là.

Je me lève péniblement, et enfile mes bottes à mes pieds. Keo a dû me les enlever hier, parce que je ne les avais plus sur moi lorsque je me suis réveillée il y a deux heures. Je change mes vêtements, et je jette un coup d'œil à mon reflet dans le miroir de mon placard. Je ne me reconnais pas. Déjà que mes iris sont rouges, le blanc de mes yeux l'est également, ce qui me donne l'illusion d'avoir un regard saignant. Mes paupières sont gonflées, mon nez rosé. Mes cheveux noirs sont en batailles, et des ecchymoses parsèment ma peau caramel. Je fais vraiment peur à voir.

J'essaye d'arranger un peu les choses : Je brosse mes cheveux et les noue en deux tresses collées. Ensuite, je viens essuyer mes larmes à l'aide d'un mouchoir. A peine si on remarque la moindre différence. Je suis sur le point de jeter le mouchoir par terre d'un geste rageur lorsque j'entends du bruit venir du salon. Il s'agit de Keo, sans l'ombre d'un doute. Instantanément, j'attrape le pistolet que j'avais posé sur mon lit et je sors de ma chambre sur la pointe des pieds.

Mon cœur bat à un rythme effréné. Le couloir est plongé dans le noir. Arrivé au bout, je m'arrête devant la porte et pose une main sur la poignée. Je m'efforce de la tourner le plus lentement possible, mais ça n'a aucun intérêt. La porte s'entrouvre en grinçant. Je ravale ma frustration et entre à l'intérieur malgré l'effet de surprise qui est raté. Une silhouette qui était en train de fouiller les placards se retourne aussitôt. Un rai de lumière barre la pièce d'une longue ligne ambré, d'où voltige une kyrielle de poussières. Les yeux bleus de Keo scintillent.

- Salut, me dit-il, bien dormi ?

Pour toute réponse, je pointe le canon de mon pistolet sur lui et pose un doigt sur la détente, sans pour autant le presser. Heureusement que j'avais pensé à charger l'arme et à chambrer une cartouche. Keo fait un bond de quelques centimètres.

- Wow ! T'as perdue la tête ou quoi ? Repose moi ce flingue !

Je sens mes joues s'échauffer.

- ... Qu'est-ce que tu fiche encore ici, toi ? Va-t'en !

- T'as déjà oubliée ce que je t'ai dit hier, hein ? Je t'abandonnerai pas.

Sans faire exprès, un rire sans joie s'échappe de mes lèvres. Le garçon qui me fait face fronce les sourcils.

- Quelle bonté d'âme ! J'aurai aimé que tous les bleus se montrent aussi généreux que toi, au point de vouloir rester auprès de leurs ennemis ... Peut-être qu'ainsi, ils auraient épargnés ma mère.

J'ai voulue sortir ma dernière phrase en crachant, mais au contraire, ma voix a chevrotée. Le visage haineux de Keo s'adoucit, et il m'adresse un regard qui se veut compatissant.

- Neela, je ... Je suis désolé pour ta mère.

Je secoue la tête avec une moue dégoutée.

- Épargne-moi ce ton, s'il te plaît. Je sais que je suis plus faible que les autres rouges. Je n'ai pas besoin de ta pitié pour m'en rappeler.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant