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Je suis tellement énervée que je tourne les talons et retourne dans ma chambre en claquant la porte. Dans les moments comme celui-ci, j'aimerai me donner des claques sur la figure. Qu'est-ce qu'il m'a pris de ne pas tirer sur la queue de détente ? C'était la meilleure des choses à faire, et pourtant, je ne l'ai pas fait. Ce n'est que maintenant que je réalise à quel point il va être difficile pour moi d'éliminer Keo. Il en a beaucoup fait pour moi. Et puis surtout ... Ma mère m'a dit de ne faire confiance qu'à lui. Je ne comprends pas pourquoi elle m'a dit ça. Peut-être que l'agonie lui a fait dire n'importe quoi. Je ne le saurais jamais.

Je continue le portrait de maman. Cette fois, je l'achève jusqu'au bout, puis je pose mon crayon pour l'observer longtemps. Pendant l'espace d'un instant, j'ai l'impression de la voir en face de moi. Elle semble si réelle ... Lorsque cette sensation s'évanouit, je plie le dessin et le fourre dans ma poche. A partir de maintenant, ce dessin sera mon talisman. Je ne m'en séparerai pas.

Je reste dans ma chambre pendant encore des heures, sans trop savoir quoi faire. Je fais des origamis, noircit une page à l'aide de croquis et me ballade dans ma chambre ... Jusqu'à ce que trois coups à ma porte se fassent entendre.

- C'est l'heure de manger, me dit Keo de l'autre côté. Viens.

J'entends ses pas s'éloigner. Non mais, pour qui est-ce qu'il se prend ? Le fait qu'il prenne ses aises dans ma maison m'horripile. Je sors de ma chambre en trombe et, une fois dans le salon, je me rue vers Keo, qui est encore dans la cuisine. Celui-ci lève sa tête en m'entendant débarquer. Il était en train d'étaler toute la nourriture des placards sur la table à manger.

- Bon sang, qu'est-ce que tu ne comprends pas dans « va-t'en » ?! m'écrié-je en tandis que le bleu se redresse. Je n'ai plus besoin de toi maintenant, alors si tu ne tiens pas à ce que je te loge une balle dans la tête, fiche le camp d'ici !

Il a l'air un peu moins décontenancé, cette fois-ci. Il me jauge rapidement du regard, puis déclare d'une voix calme :

- Dépose moi ce flingue, et on pourra en discuter.

- Je n'en ai pas envie !

- OK.

Ni une ni deux, Keo me pousse en arrière, agrippe mon poignet et tire sur mon pistolet avec force. Il a réussi à me désarmer en moins de dix secondes. Je tremble de rage tandis que le garçon range mon pistolet dans son holster qui était vide.

- Tu disais ? me lance le bleu en s'éloignant de moi pour reporter son attention sur les aliments.

Je lève les yeux au ciel en me retenant de lâcher une insulte. Son indifférence me rend dingue. Comment peut-il se montrer aussi nonchalant face à moi, qui suis son ennemie ?

- Il va falloir que tu arrêtes de te prendre pour le roi du monde, parce que tu n'es personne. Tu n'es qu'un fichu bleu, tu m'entends ? Et tu n'as rien à faire chez moi. Espèce de monstre. Tu as de la chance que je n'ai pas encore essayé de te tuer !

J'ai accompagné cette dernière phrase d'un crachat dans sa direction. Cette fois-ci, j'ai l'impression que le flegme de Keo se décline car il jette une boite de conserve sur la table pour venir se planter face à moi.

- Tu penses que c'est à cause de moi que ta mère est morte, hein ? Parce que j'ai la même couleur d'yeux que ces tocards qui l'ont tiré dessus ? Parce que je fais partie de la même région qu'eux ?

Je ne réponds pas. A la place, je crispe mes poings et serre les dents. Keo lâche un petit rire acerbe.

- Je pensais que t'étais différente des autres rougeauds, mais en fait, je crois que je me suis planté. T'es pareille qu'eux. Tu suis bêtement l'idéologie d'Adélaïde Roudaut sans te poser de question, juste parce que tout le monde le fait. T'es incapable de penser par toi-même. Ça craint.

NeelaWhere stories live. Discover now