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La chaleur insoutenable me fait suffoquer. Maman m'entraîne derrière elle, et Keo ferme la marche en assurant mes arrières. Trois adolescentes bleues essayent d'atteindre ma mère, mais une d'entre elle se fait aussitôt tuer par celle-ci. Keo se charge des deux autres.

- Est-ce qu'il y a une autre porte de sortie ? s'écrie l'adolescent derrière moi.

- Oui, dis-je avant de m'éclaircir la gorge, mais il se trouve à l'autre bout de l'établissement. Je connais un moyen plus rapide pour sortir, suivez-moi !

Nous évoluons à contre-sens en nous protégeant du mieux possible, mais de toute manière, il y a de moins en moins de bleus maintenant. D'autres rouges sont arrivés en renfort pour nous aider à repousser l'ennemi. Des cadavres s'étalent à perte de vue. Je ne m'attarde sur aucun visage, contrairement à Keo. A en juger par sa mine affligée, bon nombre de ses amis ou camarades de classe ont dû perdre la vie.

Nous rentrons dans une salle de classe laissée à l'abandon et je me dirige vers le fond. Là, je pousse une table contre le mur et monte dessus. Je demande un couteau, et ma mère m'en passe une. Quand Keo me voit m'acharner sur la grille du conduit d'aération, il me dit :

- Ah donc c'est ça ta brillante idée, hein ? Pas mal du tout. T'es plus maligne que je le pensais.

Je l'ignore royalement. Ce n'est pas moi qui suis à l'origine de cette idée. Je n'aurais jamais pensé au conduit d'aération si Opale ne m'avait pas un jour dit qu'elle était rentrée de cette manière dans un supermarché pour y voler de la nourriture. Opale ... Si seulement je savais où elle se trouve.

Au bout de quelques minutes, la grille se dévisse enfin. Je la jette par terre et je fais signe à Keo et ma mère de me suivre. Nous rampons en file indienne dans les conduits exigus et sales. La poussière s'insinue dans mes narines, dans ma bouche, et me fait éternuer à deux reprises. Visiblement, ils ne doivent pas considérer la propreté comme une priorité.

Nous arrivons au bout d'une autre grille, et je redemande le couteau de maman pour le fracturer. Heureusement, il n'émet pas une grande résistance. La lumière du jour est aveuglante. Je me faufile à l'extérieur et alors que je m'apprête à me baisser pour aider les autres à s'extraire du conduit, mon cœur loupe d'un battement. Plusieurs bleus qui faisaient le guet près de l'entrée du lycée en flamme me remarquent et commencent à se ruer vers moi. Ils sont à une cinquantaine de mètres, mais vu l'allure à laquelle ils courent, ils seront ici dans moins d'une minute.

- Dépêchez-vous ! crié-je tandis que Keo apparaît hors de la cavité. Des bleus nous ont vus !

- Aide ta mère à sortir, me répond-il en faisant passer la sangle de son fusil au-dessus de sa tête. Je te couvre.

Je m'exécute aussitôt. Une fois que ses pieds ont touchés le sol, maman m'attrape la main et m'entraîne dans sa course. Keo ouvre le feu derrière nous. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule et je constate qu'il a des problèmes.

- Je vais aller l'aider, dis-je en me détachant de son emprise. Il a du mal à tirer. Donne-moi ton fusil.

- N'y pense même pas ! me crie-t-elle aussitôt. Tu es trop faible ma fille, tu n'es pas de taille.

- ... Mais maman, je suis l'une des meilleures tireuses de ma classe !

- J'ai dit non !

Elle sait que j'ai raison. Pourtant, pour une raison qui m'échappe, elle ne veut pas que j'y aille.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant