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Il caresse doucement ma pommette de son pouce, puis se penche à nouveau pour m'embrasser. Ce baiser est encore plus enivrant que le premier. J'ai l'impression de léviter, d'être en dehors de mon corps. Je ne pèse plus rien. Quand il s'éloigne, je réalise que je ne suis pas rassasiée. Je m'avance donc, sur le point de me hisser sur la pointe des pieds ... Lorsqu'un fracas métallique résonne au fond de la pièce. Le bruit d'une porte que l'on force.

Instinctivement, je porte ma main à mon pistolet que j'avais rangé à l'intérieur de l'étui usé, caché sous mon t-shirt. Keo quant à lui recule vivement, à l'affut. Il balaye la pièce en trois secondes, et me pousse en avant après m'avoir chuchoté avec empressement :

- Vite, la fenêtre !

Je cours vers cette dernière, comprenant tout de suite ce qu'il veut que je fasse. J'enjambe le muret, et saute à l'extérieur. Heureusement que nous nous trouvions au rez-de-chaussée ... Je me redresse au moment où Keo saute à son tour, et quand je lève la tête ... Le monde n'est plus que chaos.

Ce bruit, que je pensais à tort être celui de mon cœur, n'est d'autre que le bourdonnement inlassable des hélices des hélicoptères bleus qui survolent la ville. D'aussi loin que se porte mon regard, il y a des véhicules de patrouille à la pelle. Et les soldats, il y en a tellement ! Je n'en ai jamais vu autant de ma vie. Même si la plupart semblent fouiller les rues avec ferveur, certains nous ont visiblement aperçus, puisqu'ils se mettent à courir vers nous ...

- Mais c'est quoi tout ça ? s'écrie Keo en entrouvrant la bouche, et en écarquillant les yeux.

Il est peut-être perdu, mais moi, pour ma part ... Je crois savoir ce qu'il s'est passé. Nous étions tellement dans notre bulle, distraits par les yeux et la chaleur de l'autre, que nous n'avons même pas remarqués que quelque chose se tramait à l'extérieur. Il nous a fallu seulement quelques minutes d'inattention pour nous tirer nous même une balle dans le pied.

Dorénavant, notre situation a empirée ... Nous ne pourrons plus passer inaperçus. Nous ne pourrons probablement plus tenter de nous rendre au repère des incolores.

Car nous sommes cernés.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant