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Elle est morte, ça ne fait pas de pli. Je me relève à la hâte, sonnée par ce qu'il vient de se passer. Est-ce que je viens tout juste d'échapper à ma mort ? Je n'ai pas le temps de réfléchir au pourquoi du comment, car, plus loin, une silhouette court vers moi en agitant un fusil.

J'ai beau avoir eu des pensées suicidaires quelques secondes plus tôt, j'ai tout de même été formée à réagir dans une situation de danger. C'est mon instinct de survie qui l'emporte sur mes sentiments. J'aurais le temps de me lamenter sur mon sort plus tard. Je fais volte-face et court derechef à toute allure. Heureusement que je suis assez rapide.

- Eh ! s'écrie une voix au loin. Arrêtes-toi !

Des rouges aux alentours m'imitent et, aussitôt, nous sommes plusieurs à fuir le bleu qui me pourchasse. Il y en a même un qui tente de tirer sur lui, sans d'autre résultat que d'épuiser ses munitions. D'autres bleus se joignent au suiveur. Une rafale de balles s'abat sur nous, et je suis aussitôt projetée au sol par une force impromptue. Quelqu'un fait rempart de son corps.

- Fait la morte, chuchote une voix masculine à mon oreille.

Un frisson parcourt mes membres. Je ne sais pas comment j'ai fait pour ne pas reconnaître cette voix plus tôt. Je décide de l'écouter et de ne plus bouger. Il se décolle aussitôt de moi, et pendant quelques secondes, rien ne se passe. On ouvre à nouveau le feu, des bottes crissent en s'éloignant, des corps tombent ... Puis plus rien. Le néant.

Je suppose que la tempête est passée, alors j'ouvre mes paupières et me met debout avec prudence. Il n'y a plus personne dans le couloir. Plus personne ... Sauf lui et moi. Malheureusement, je n'ai plus mon arme avec moi, car dans ma précipitation, je n'ai pas pensé à le ramasser. Il est trop tard maintenant, et je suis sans défense face à Keo. Celui-ci me regarde avec les sourcils froncés et la mâchoire raffermie.

- Comme on se retrouve, me dit-il.

Il n'a pas vraiment changé depuis la première fois que je l'ai rencontré. Il est toujours aussi grand, a les cheveux frisés, la peau foncée et les iris bleus. Seulement, un détail attire mon attention : une petite balafre en dessous de l'œil gauche. Je ne crois pas que ce soit récent, je ne l'avais sûrement pas remarqué la dernière fois.

- ... Keo ?! dis-je avec surprise. Euh ... Qu'est-ce que tu fais là ?

Il lâche un soupir avant de m'attraper le poignet.

- Je t'expliquerais plus tard. Viens, on bouge.

Le bleu tente de me faire avancer derrière lui, mais je résiste et tire mon bras afin de me libérer de son emprise. Malheureusement, il est plus costaud que moi. Je lâche un grognement frustré et lui crie :

- Lâches moi !

Il fait volte-face en écarquillant les yeux. Un peu de sang perle d'une entaille à sa tempe, et il n'a visiblement pas pris la peine de nettoyer la plaie. La vue de ce fluide écarlate me donne un haut-le-cœur. Je crois que j'ai vu assez de sang pour une vie entière.

- C'est pas vrai, marmonne Keo en me regardant attentivement. Tu penses que je vais te buter, c'est ça hein ?

Je ne réponds pas. Mon interlocuteur raffermit ses doigts autour de mon poignet et se rapproche de moi pour me souffler :

- Je viens de te sauver la vie Neela. Tu penses vraiment que je me serais donné autant de mal pour ensuite te tuer ?

Je le vois secouer la tête avec lassitude.

- Fais-moi confiance, me dit-il en se redressant. Je vais nous trouver un moyen pour sortir d'ici.

- Je n'ai pas confiance en toi ! je réponds en tentant une nouvelle fois de faire lâcher Keo. Laisse-moi tranquille, sale meurtrier ! Sale bleu ! Je vous hais ! Je vous ...

Je me fais interrompre par de nouveaux coups de feu aux loin, assourdissants et terrifiants. Tout mon corps se met à trembler.

- Faut vraiment qu'on y aille ! s'exclame l'adolescent d'une voix urgente.

- Non, craché-je. Je n'irai nulle part avec toi !

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant