Neela

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La fusillade que nous venons tous d'assister avec horreur met aussitôt le feu aux poudres. Les élèves autour de moi se dispersent, me bousculent, me marchent sur les pieds, crient à leurs tour. Pour ma part, je suis paralysée. Mes yeux sont verrouillés sur le cadavre de cette pauvre adolescente, qui gît sur le sol en exsudant une mare de sang.

J'aimerai crier, mais mes lèvres sont scellées.

J'aimerai prendre mes jambes à mon cou, mais mes membres m'ont lâchée.

J'aimerai vomir, mais je doute d'être capable de faire un tel effort.

Des doigts viennent se mêler aux miens, et on me tire en avant si fort que je manque de trébucher. Au moins, ça me permet de sortir de ma léthargie. Je tourne vélocement ma tête vers le côté. Bien sûr, il s'agit de Laslo. Qui d'autre aurait pris la peine de rester pour moi ? Il essaye de me faire avancer, mais je retiens sa main.

- Opale, dis-je, les yeux écarquillés. Elle est à l'intérieur !

- La porte est fermée à double tour, m'explique Laslo d'une voix pressée. Elle a dût sortir par la porte de derrière avec Madame Barnes. Ne perdons pas de temps.

Cette simple explication suffit à me laisser entraîner par mon camarade de classe. Je ne sais plus ce que je fais, je ne contrôle plus rien. Mes jambes bougent d'eux-mêmes, mût par la volonté de m'accrocher au rouge qui me broie la main. Mes pieds suivent ceux du garçon qui est là pour me sauver. Parce que je le sais : en cet instant, ma vie est entre les mains de Laslo Horvath.

Je ne sais pas combien de temps s'écoule avant que l'alarme ne retentisse. La sirène stridente couvre à moitié le vacarme des lycéens qui hurlent à s'en déchirer les poumons, sans pour autant l'assourdir. Nous essayons d'enfiler les couloirs au pas de course, mais il est difficile d'avancer rapidement tellement il y a de monde. Je ne cesse d'être emporté par ce flot d'adolescents apeurés. Mais heureusement, je parviens toujours à raffermir ma prise, et à ne pas lâcher Laslo. Il est ma bouée.

- Alerte attentat niveau trois, s'écrie une voix dans les haut-parleurs, sûrement la directrice. Je répète, alerte attentat niveau trois. Ce n'est pas un exercice de sécurité, des bleus se sont introduits dans le lycée. Afin de défendre au mieux notre établissement, je compte sur vous tous pour avoir un comportement exemplaire et vous mettre en position de combat.

Mon camarade s'arrête si brusquement que je me cogne à son dos. Malgré les autres lycéens qui nous poussent dans tous les sens, Laslo reste fermement sur ses pieds et se tourne vers moi pour me faire face. Ses yeux brillent d'une excitation mal dissimulée.

- Neela, me dit-il d'une voix d'où perce toute l'urgence de la situation. Elle a raison. Nous devons aller tuer ces bleus.

Il a sorti sa dernière phrase en crachant. J'essaye de déceler une lueur d'amusement dans son visage, mais il n'y en a aucune. L'adolescent lâche ma main, juste au moment où je commence à trembler.

- Je ... dis-je en sentant mon pouls s'accélérer. Je ne sais pas ...

- Tu ne sais pas quoi ? me crie-t-il en m'attrapant les épaules. Neela, réveille-toi un peu. Tu es une rouge, oui ou non ?

J'entends des bruits de tir quelques couloirs plus loin, et sans réfléchir, je me colle au mur le plus proche. La plupart des autres lycéens autour de moi appellent à l'aide, gémissent, ou alors comme moi, sont paralysés comme la peur. Mais certains affichent la même expression haineuse que Laslo.

- Tu en as marre d'être faible, n'est-ce pas ? me demande mon camarade de classe en s'approchant de moi. Alors saisis cette occasion pour montrer aux autres que tu ne l'es pas. Viens avec moi.

- Je ne veux pas ...

Dans le chaos dans lequel nous nous trouvons, l'adolescent me tend à nouveau la main. Il ne m'oblige pas à la prendre, mais son regard est tellement insistant que j'ai quelques difficultés à le soutenir.

- Je te protégerais, me lance-t-il d'une voix ferme. S'il te plaît, je ne peux pas y aller seul. J'ai besoin de toi pour ...

Iln'a pas le temps de finir sa phrase, car de nouveaux coups de feu se fontentendre dans le couloir.