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Impossible d'entrer dans le hall, car il est en proie aux flammes. Le feu qui crépite pourrait engloutir quiconque voulant s'approcher du brasier. Keo et moi sommes pris de quintes de toux, et mes yeux sont en larmes. Ma gorge picote comme si je venais de boire des litres de cidre. L'air chaud sent la chair calciné. Je suis prise de vertige, et je m'éloigne difficilement. Une voix familière m'appelle. J'ai l'impression de rêver, car je crois entendre ma mère. Et lorsque son visage m'apparaît au loin, je cligne plusieurs fois des yeux pour être sûre de ne pas halluciner.

- Qui c'est encore ? dit Keo dans sa barbe.

J'abandonne le garçon et je cours rejoindre ma mère. Une fois que je suis tout proche, elle s'avance vers moi et me prend dans ses bras. Je ne m'y attends tellement pas que je lâche un hoquet de surprise. Autour de nous, des rouges qui passent nous bousculent sans arrêt. Heureusement qu'il n'y a pas de bleu dans les parages.

- Ma fille tu vas bien, dit-elle en lâchant un soupir de soulagement. J'ai eu tellement peur pour toi. Je te cherche depuis plus d'une heure.

- Euh m-maman ... Qu'est-ce que tu fais là ?

- J'ai quitté mon lieu de travail à la seconde où j'ai appris que ton lycée se faisait attaquer. Ils l'ont annoncé dans les écrans extérieurs. J'ai essayée de venir au plus vite, mais ...

Pour une raison qui m'échappe, elle ne va pas au bout de sa phrase. Elle lève la tête et ses yeux s'écarquillent. Plus rapide que l'éclair, elle sort son pistolet et tire à deux reprises derrière moi. Je me retourne, et voit une silhouette courir vers nous sans prêter attention aux attaques de ma mère. Il s'agit de Keo.

- ... Ne tire plus ! dis-je sans réfléchir.

J'enveloppe le canon de son arme de ma paume, et elle s'arrête brusquement. Je suis assez étonnée qu'elle n'a pas réussi à atteindre Keo. Elle est tellement précise en temps normal ... Le garçon nous rejoint, et ma mère repousse ma main pour pointer son pistolet sur lui.

- Ne sois pas ridicule, me dit maman en fronçant les sourcils.

Je m'interpose entre eux et je crie :

- ... Maman s'il te plaît, je sais que c'est un bleu mais il essaye de m'aider ! Il ... Il m'a sauvé la vie. Il a promis qu'il ne me ferait rien.

Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir que Keo fronce les sourcils. Il ne doit pas comprendre pourquoi je le défends alors qu'il y a quelques minutes à peine, je le menaçais de le tuer. A vrai dire, je ne sais pas non plus.

- Une promesse n'est qu'une promesse, répond sèchement ma mère. Des mots ne valent rien dans une situation comme celle-là ! Maintenant écarte-toi Neela.

- Elle a raison madame, intervient Keo dans mon dos. J'ai aucune raison de blesser Neela. La première fois qu'on s'est vu, elle m'a épargné. Je lui rends juste la pareille en la protégeant.

Maman jauge le bleu du regard. J'ai l'impression qu'elle est victime d'un conflit intérieur.

- Je lui ferais rien, OK ? Je vous le jure. Je veux juste aider Neela, comme vous.

Elle regarde à nouveau autour d'elle avant de lâcher un soupir. Je l'imite, et je me rends compte que les flammes du hall commencent bientôt à atteindre le couloir. Un flot de soldats - rouges et bleus confondus - se bousculent, toussent ou s'entretuent autour de nous. Ma mère m'attrape la main et débite rapidement :

- D'accord ! dit-elle en lançant un regard noir à Keo. Mais je t'ai à l'œil, alors tu as intérêt à bien te comporter. Venez les enfants, nous n'avons pas beaucoup de temps pour sortir d'ici.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant