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Quand l'instructrice débarque avec cinq minutes de retard, elle fait l'appel avant de nous rappeler sommairement les consignes de base : effectuer son contrôle personnel de sécurité, toujours considérer son arme comme chargée, garder le canon éloigné de ses camarades, tenir fermement la poignée de son pistolet ... J'écoute tout ça d'une oreille, car je ne tiens plus en place. Il me tarde de sortir mon arme, et d'enfin commencer à tirer.

Elle passe devant tous les élèves et nous donne à chacun un gros paquet de munitions en plastique. Il y en a assez pour tenir deux heures, à condition d'espacer ses tirs. L'adrénaline court dans mes veines, tandis que je fais rentrer un chargeur garni à l'intérieur de la poignée, et chambre une première cartouche. Je désactive la sûreté, raffermi ma poigne et pose une jambe devant moi. Je redresse ma tête, pointe le canon devant ma cible située à une centaine de mètres. Le coup part, et la balle fend l'air pour venir ricocher en plein dans le mille.

- La classe, me lance Opale en souriant. Les bleus n'ont qu'à bien se tenir !

Je lui rends son sourire et continue de tirer, encore et encore. Je touche presque toujours le cœur de ma cible. Il faut dire que j'ai de la chance, car même si je suis la plus faible de la classe, j'ai une précision qui me permet de me rattraper un peu. Je m'arrête et tourne la tête au bout d'un moment, lorsque je sens un regard peser sur moi. Laslo. Dix élèves nous séparent, mais je remarque bien ses yeux rouges rivés sur moi. Il avait visiblement cessé de tirer pour se concentrer sur ce que je faisais, car il détourne aussitôt sa tête, comme s'il s'est fait prendre en flagrant délit.

Les deux heures s'écoulent trop vite à mon goût. Après la pause de quinze minutes, nous retournons au champ de tir mais cette fois, la professeure ne nous fait pas tirer. Nous restons debout à répéter plusieurs fois des gestes avec notre arme de poing. Nous chargeons, nous chambrons, puis nous désarmons à l'infini. D'après l'institutrice, il ne faut pas sous-estimer l'importance du drill. Nous sommes de futurs soldats de la région Rouge, et nous devrons être irréprochables sur le terrain. Nous n'aurons pas le droit de perdre du temps, d'hésiter, d'avoir peur. C'est pourquoi nous devons nous entraîner à manier notre arme autant que possible, pour que cela devienne un réflexe.

A midi, j'ai les doigts en compote. Opale et moi allons à la cantine en bavardant et en nous massant la main. Vu que ses parents l'y ont inscrite, elle part se chercher un plateau, en me laissant seule à la table. Je jette un coup d'œil à la salle : le déjeuner a l'air peu ragoutant. De la purée de pomme de terre grisâtre, un pain de munition et un petit verre d'eau. Bah, c'est toujours mieux que rien. Je décide d'abord d'attendre mon amie pour manger avec elle, mais j'abandonne au bout de quelques minutes. Mon ventre gargouille beaucoup trop.

Je sors ma gamelle de mon sac, et enlève le couvercle. Je dois sûrement être la seule du lycée à ramener la nourriture de la maison, et ça m'énerve. Mais bon, ma mère ne me laisse pas le choix ...

Un morceau de pain sec. Des légumes cuits avec un peu de riz blanc. Une poignée de noisette. Je souris sans pouvoir m'en empêcher. Finalement, c'est peut-être une bonne chose que je rapporte la nourriture de la maison. Mon déjeuner a l'air moins mauvais que ceux des autres. Maman a dû ouvrir une boite de conserve pour me donner des légumes. Je ne comprends pas pourquoi elle a fait ça, car ça coute pourtant une petite fortune.

Alorsque j'attrape ma cuillère, le récipient disparaît inopinément de la table.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant