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- Je ne comprends pas ... Je veux dire, je suis une rouge. Ton ennemie. Pourquoi est-ce que tu te préoccupes autant de moi ?

Il lâche un énième gloussement dont lui seul à le secret, puis fait glisser ses mains le long de mes bras. Un frisson me parcourt l'échine, et il se dissipe lorsque Keo retire ses doigts.

- Je t'expliquerai la raison quand ton esprit sera un peu moins fermé que maintenant. Là, c'est clair que t'es pas disposée à entendre quoi que ce soit qui soit en contradiction avec les valeurs profondes de ta précieuse région Rouge.

Même si j'ai l'impression qu'il essaye de se contenir, j'arrive à déceler de la haine dans son regard. Ce n'est pas contre moi qu'il est en colère. C'est contre ma façon de penser. Je réalise alors qu'essayer de discuter avec lui est inutile, puisqu'il ne partage absolument pas mes idées.

- Je m'excuse, dis-je en prenant un ton similaire au sien, mais ce ne sera jamais le cas.

Avant de partir, j'attrape un paquet de biscuits secs, et je récupère le pistolet qu'il avait rangé dans son holster. Il n'essaye même pas de m'en dissuader. Je retourne dans ma chambre et je mange un peu, avant de m'allonger sur mon lit pour réfléchir. Je n'arrive pas à m'empêcher de repenser aux paroles de Keo.

Tu suis bêtement l'idéologie d'Adélaïde Roudaut sans te poser de question, juste parce que tout le monde le fait.

Pourquoi est-ce cette phrase là en particulier qui me dérange ?

~ ~ ~

Une heure plus tard, je décide d'aller dans la chambre de maman. Au début, je reste planté devant la porte, à hésiter. Au cours de ma vie, je suis rentré dans cette pièce que très rarement. Même si elle était souvent absente, je n'ai jamais vraiment osé y mettre les pieds. Mais maintenant qu'elle n'est plus là ...

Je finis par prendre mon courage à deux mains et je traverse l'entrebâillement. Ça me fait tout drôle de venir ici. J'ai l'impression de sentir la présence de maman à travers les murs, les objets et les meubles. Elle est partout. Ma gorge se serre, et je me force à respirer longuement, paisiblement. Je m'assieds sur le bord de son lit, et balaye les lieux du regard. Tout est si bien rangé, contrairement à ma chambre qui est dans un état pas possible. Ma mère a toujours été tellement organisée.

Au début, je me sens coupable à l'idée de toucher à ses affaires. Puis je réalise que c'est stupide, puisque maman avait déjà dû en faire de même avec les miennes, lorsque je n'étais pas à la maison. Car sinon, comment aurait-elle sût que j'aime la peinture ? Je fouille la pièce avec réserve, sans trop oser défaire quoi que ce soit. Je ne trouve rien d'extraordinaire. Au final, je m'en vais et je retourne m'enfermer dans ma chambre pour continuer à dessiner.

La journée passe ainsi. Keo ne m'embête plus, si bien que j'en viens à m'ennuyer. D'habitude, j'aime beaucoup être seule. Mais aujourd'hui, la solitude a une saveur étrange. Elle pèse sur mon cœur, et je n'arrive pas à me défaire de cette sensation d'être seule au monde. Il n'y a aucun bruit à la maison, et même les rues à l'extérieur sont silencieuses. J'ai l'impression qu'il n'y a pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. Vers dix-neuf heures, je n'y tiens plus. Je quitte ma chambre et m'aventure à pas de loup dans le couloir.

Dans le salon, Keo regarde la télévision sur le canapé, les mains croisées derrière la tête. Lorsqu'il m'entend arriver, il baisse le volume à l'aide de la télécommande et m'adresse un signe de la tête.

- T'as décidé de ranger ton flingue cette fois ?

Je me mords la lèvre inférieure et m'approche pour m'asseoir à ses côtés.

- Je m'excuse, dis-je d'une petite voix.

NeelaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant