Neela

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J'en ai des frissons. Je ne connais pas vraiment Swan, mais je suis pratiquement sûre qu'il ne ment pas. Mon professeur principal, qui me déteste tellement ... Ce serait une ultime satisfaction pour lui d'apprendre que j'ai refusée de tuer un ennemi.

Soudain, j'inverse les rôles dans ma tête. Je me vois à la place du bleu, agenouillée sur le sol, en train de le supplier de m'épargner. Je le vois éclater de rire et presser la détente. Cette vision me fait sortir de ma léthargie, et je réalise à quel point je suis ridicule.

Qu'est-ce qui me prend, à hésiter ainsi ? C'est un bleu ! Un meurtrier ! Je suis née pour le tuer, pas pour le laisser m'entourlouper. Il a fait tellement de mal à notre région, à ma famille que ... Non, une minute. Ce n'est pas lui qu'il faut blâmer, c'est plutôt ses semblables. Car à part être tombé sur nous, il n'a pas ...

- Cinq secondes ! rugit la voix grave de Swan.

Je n'ai plus le choix. Quand bien même ce bleu ne m'a rien fait, je suis obligée de le tuer. Ou sinon ...

- Quatre !

Le lycéen bleu se met à crier en appelant à l'aide.

- Trois !

Je dois le tuer. Il le faut.

- Deux !

Parce que c'est pour ça que j'existe. Parce que c'est ce que tout le monde attend de moi. Parce que ...

- Un !

... Parce que je suis une rouge.

- Je suis désolée, je murmure en appuyant sur la détente.

Le coup part, la balle détonne. Et je suis tellement mortifiée, tellement honteuse, que je n'ai pas le courage de regarder. Je ferme les yeux. Au bout de ce qui me semble être une éternité, je les rouvre. Et je me rends compte que tout a disparu : l'ennemi que je viens de tuer, Swan, le couloir du lycée bleu dans lequel nous nous étions introduit. Je me relève en sursaut, pour découvrir que je suis dans ma chambre.

Ma chambre ... Alors tout ça, ce n'était qu'un cauchemars ? Mon cœur bat à cent à l'heure, mon corps est prit de soubresauts incontrôlés. Je dois faire un effort surhumain pour ne pas vomir sur ma couverture. J'ai la tête qui tourne, alors je m'agrippe à la tête du lit pour ne pas tomber par terre. Lorsque la pièce tangue un peu moins, je ramène mes genoux, les enroule de mes bras, et viens y enfouir mon visage.

Trois mois. Trois mois que j'ai été missionnée pour attaquer ce lycée bleu. Et trois mois que je m'efforce d'oublier. La plupart du temps, j'essaye de ne plus y penser. Mais c'est sans compter mes rêves ... Parfois, quelques bribes de cette horrible journée s'insinuent dans mon sommeil. Ça, c'est si j'ai de la chance. Cette nuit, on dirait que ce n'était pas le cas.

Ça fait maintenant trois fois que je fais ce même cauchemars. Trois fois en trois mois. J'en ai la chair de poule. Et je sais que je ne devrais pas. Tous mes autres camarades de classes ont été si fiers de tuer un bleu lors de la mission alors ... Alors pourquoi est-ce que cet ennemi est là, à venir me hanter dans mon sommeil ?

J'essaye de me rendormir, mais c'est peine perdu. Aussitôt que je ferme les yeux, je ne vois que du sang. Du sang, partout. Le sang de ma victime. Et même en mettant mes deux mains sur mes oreilles, j'entends encore ses supplications, ses gémissements, ses pleurs, la balle qui sort en sifflant du canon de mon pistolet. Alors j'abandonne, et je m'extirpe du lit en tremblant.